Julia Drusilla, Soeur de Caligula : Une vie tragique entre inceste, pouvoir et divinisation

Vous connaissez mon intérêt pour l'histoire des femmes. Il se trouve que beaucoup d'entre-elles ont des destins tragiques. Malheureusement. Aussi laissez-moi vous raconter l'histoire de de Julia Drusilla. Elle naît en 16 après J.-C. dans une famille prestigieuse, les Julio-Claudiens, au sein d’une cour où les alliances familiales étaient aussi importantes que les batailles. Fille de Germanicus, héros des armées romaines, et d’Agrippine l’Aînée, descendante directe d’Auguste, Drusilla aurait pu grandir sous des auspices prometteurs. Mais la mort mystérieuse de Germanicus en 19 et les luttes de pouvoir qui suivirent plongèrent sa famille dans une tourmente sans précédent. Caius, son frère aîné – futur empereur connu sous le nom de Caligula – fut marqué par ces années de chaos. Venant d’une famille détruite par les persécutions de l’empereur Tibère, Caligula développa une vision tordue de l’amour, où la possession devenait synonyme de contrôle absolu. Il reporta sur Drusilla, alors adolescente, des émotions qui dépassaient les limites de la fraternité.

C’est alors qu’elle n’a que 13 ans que, selon les récits de Suétone et Dion Cassius, Caligula aurait pris sa sœur pour maîtresse. À cet âge, Drusilla n’était encore qu’une enfant, vulnérable dans une famille où les liens familiaux se pliaient aux désirs politiques et personnels des hommes. Caligula, élevé dans une atmosphère de suspicion et de dépravation à la cour de Tibère, développa un comportement possessif et dominateur envers elle. Pour lui, Drusilla n’était pas simplement une sœur : elle était un objet de désir, une figure sacrée, une extension de lui-même.

Pour Caligula, partager Drusilla avec un autre homme était inconcevable. Pourtant, dans une tentative de donner à sa sœur une position respectable, elle fut mariée jeune à Lucius Cassius Longinus, un homme de rang sénatorial. Mais ce mariage fut rapidement perçu par Caligula comme une menace. Comment aurait-il pu tolérer que celle qu’il considérait comme sa propriété soit liée à un autre ? Dès son accession au trône en 37 après J.-C., Caligula usa de son pouvoir pour reprendre sa sœur à son époux. Longinus fut sommairement écarté, et les sources laissent entendre que son exécution suivit peu après, sur ordre de l’empereur. Cet acte brutal montre non seulement l’autorité absolue de Caligula, mais aussi la profondeur de son obsession pour Drusilla. Pour dissimuler cette relation aux yeux du public, Caligula la maria ensuite à un homme de son entourage, Marcus Aemilius Lepidus. Ce mariage, cependant, n’était qu’une façade : dans les faits, Drusilla vivait comme l’épouse de Caligula. Les banquets impériaux étaient l’occasion pour l’empereur d’afficher son affection pour elle avec une insistance qui dépassait les bornes des conventions romaines. Il s’assurait qu’aucune femme, pas même sa propre épouse officielle, ne rivalise avec Drusilla dans la cour impériale.

Pour Caligula, Drusilla était bien plus qu’une amante. Elle était une icône vivante, qu’il adorait au-delà des limites du raisonnable. Dans les récits de Suétone, Caligula apparaît comme un homme incapable de supporter la moindre distance entre eux. Il la qualifiait souvent de "seconde Vénus", incarnant la beauté et la pureté divine. L’empereur exigeait qu’elle soit traitée avec une déférence qui surpassait celle de tout autre membre de la famille impériale. Il la plaçait toujours à ses côtés lors des cérémonies officielles, lui attribuait un rôle de conseillère et s’assurait que sa position dans la hiérarchie impériale soit incontestée. Cette vénération prit une tournure macabre à sa mort prématurée. 

La question du consentement de Drusilla dans sa relation supposée avec son frère Caligula est difficile à trancher, car les sources antiques, biaisées et centrées sur la critique de Caligula, ne donnent aucun accès direct aux pensées de Drusilla. Dans le contexte de l’Empire romain, où les femmes de la famille impériale étaient souvent utilisées comme des pions politiques, Drusilla aurait eu très peu de marge de manœuvre. En tant que sœur d’un empereur tout-puissant, refuser ses désirs aurait été presque impossible, tant les risques personnels et familiaux étaient élevés. Si certaines sources décrivent Drusilla comme proche et influente auprès de Caligula, cela ne signifie pas qu’elle était volontaire dans cette relation. Cette proximité pourrait avoir été exagérée ou mal interprétée pour noircir davantage le portrait de Caligula. Par ailleurs, l’accusation d’inceste, fréquente dans les critiques des empereurs impopulaires, pourrait avoir été utilisée pour diaboliser son règne. En fin de compte, Drusilla reste une figure silencieuse de l’Histoire, privée de toute possibilité de s’exprimer sur son sort. Tout porte à croire qu’elle a été une victime des dynamiques de pouvoir brutales et des structures patriarcales de son époque, sans que l’on puisse réellement connaître la nature de ses sentiments face à cette relation.

En 38 après J.-C., à peine un an après l’accession au trône de son frère, Drusilla meurt subitement à l’âge de 22 ans. Les causes exactes de sa mort restent floues. Certains évoquent une maladie, d’autres avancent l’hypothèse d’un empoisonnement, peut-être orchestré par des ennemis politiques cherchant à affaiblir Caligula. Quelles qu’en soient les raisons, sa disparition plonge l’empereur dans une détresse sans bornes. Refusant d’accepter cette perte, Caligula ordonne un deuil national d’une ampleur inédite. Le Sénat et le peuple sont contraints de pleurer Drusilla comme si elle était une impératrice. Mais l’acte le plus frappant est sans doute la divinisation de sa sœur. Pour la première fois dans l’histoire romaine, une femme est déclarée déesse de son vivant, puis célébrée comme une divinité après sa mort. Sous le nom de Diva Drusilla, elle est assimilée à Vénus, la déesse de l’amour et de la beauté. Caligula, dans un geste de dévotion ultime, ordonne que des statues d’or représentant Drusilla soient érigées dans tout l’Empire. Des prêtres sont désignés pour servir son culte, et des sacrifices lui sont offerts. Certains récits rapportent même que l’empereur affirmait communiquer avec elle depuis l’au-delà, assurant que son esprit continuait de veiller sur lui. Cette obsession pour sa sœur défunte révèle la fragilité mentale d’un homme incapable de faire face à la perte.

Le culte de Drusilla ne fut pas bien accueilli par tous. Le Sénat, déjà irrité par les extravagances de Caligula, considérait cette adoration comme une insulte aux traditions romaines. Quant au peuple, habitué aux excès des élites, il était néanmoins choqué par la nature incestueuse de cette relation. Même dans une société où la liberté des mœurs était souvent de mise, l’attitude de Caligula dépassait ce que beaucoup pouvaient tolérer. Mais Drusilla, à bien des égards, reste une figure ambivalente. Si elle a bénéficié des privilèges et de la vénération de son frère, elle n’en était pas moins une victime. Prisonnière des désirs d’un homme qui la considérait comme une possession, son rôle au sein de la cour impériale ne lui laissait guère de place pour exprimer ses propres ambitions ou désirs.


Caligula finira assassiné quelques années plus tard et finira ainsi un règne de perversion. 


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