Decius Mundus et Paulina : L'Audacieuse Tromperie au Temple d'Isis
L’histoire de Rome est remplie de récits de conquêtes, de complots et d’intrigues politiques. Mais parfois, au cœur de cette vaste toile historique, surgissent des histoires aussi surprenantes qu’inattendues. Flavius Josèphe nous transporte parmi l'une d'elles. Lisons ensemble l'histoire de Decius Mundus, un citoyen romain de l’époque impériale connu pour l’un des épisodes les plus rocambolesques et scandaleux de la Rome antique. Entre amour impossible, tromperie audacieuse et vengeance divine, le récit de Decius Mundus est digne d’une tragédie théâtrale, avec un mélange de passion, de manipulation et de conséquences dramatiques. Peut-être même une légende...
Nous sommes au début du Ier siècle après J.-C., dans l’Empire romain sous le règne de l’empereur Tibère. Decius Mundus, fils d’un chevalier romain, est un jeune homme de bonne naissance, ambitieux et séducteur. Au cours d’une procession à Rome, il rencontre la belle Paulina, une matrone romaine réputée pour sa beauté et, surtout, pour sa vertu. Paulina est dévouée à la déesse Isis, figure centrale du culte égyptien qui connaît alors une grande popularité parmi les Romains. Elle est également l’épouse de Saturninus, un homme respecté, et incarne la piété et la fidélité. C’est le coup de foudre pour Decius Mundus. Mais Paulina, fidèle à son mari et à ses valeurs, ne lui prête guère attention. Malgré son rang et sa richesse, il ne parvient pas à l’approcher. Son désir pour elle devient obsessionnel, et il est prêt à tout pour conquérir celle qu’il ne peut avoir. Après avoir échoué à la séduire par des moyens conventionnels — et même après avoir promis une somme colossale de 200 000 drachmes pour une seule nuit en sa compagnie — Mundus décide de mettre en place un plan astucieux et scandaleux.
Dans un premier temps, désespéré, il pense mettre fin à ses jours. Mais il se ravise. Le désir le consume désormais comme une torche. Quelques esprits malins lui suggère de faire appelle à la corruption. Pour cela, il fait appel à une entremetteuse de renom nommée Idé. Celle-ci lui propose de satisfaire les désirs de Decius contre la modique somme de cinquante mille drachmes. Avec cet argent et d'autres moyens, elle soudoya très aisément les prêtres du temple. Ceux-ci avisèrent Paulina qu'Anubis avait manifesté son désir de la connaître. Paulina, qui ne doute aucunement de la sincérité des prêtres et qui voue une dévotion aveugle à l’ensemble du panthéon égyptien, accepte cette invitation sacrée. Le cœur plein de crainte et de ferveur religieuse, elle se rend au temple, la nuit tombée, pour rencontrer ce qu’elle croit être un dieu.
Le temple d’Isis, situé non loin du Champ de Mars, est un lieu de mystère et de dévotion, enveloppé de volutes d’encens et d’ombres mouvantes. Les murs sont ornés de fresques colorées représentant les mythes et les miracles de la déesse égyptienne. Des colonnes imposantes, éclairées par des torches vacillantes, créent des halos de lumière douce qui dansent sur les visages des statues de dieux. Le soir venu, ce sanctuaire devient un espace presque surnaturel, propice aux mystères et aux rites secrets. Dans la pénombre du temple, les prêtres chuchotent entre eux, préparant les derniers détails de l'arrivée de Paulina. Decius Mundus se tient caché, habillé d’une longue robe de lin blanc, symbole de pureté, et coiffé du masque d’Anubis, le dieu à tête de chacal, gardien des morts et juge des âmes. Son cœur bat à tout rompre.
Lorsque Paulina pénètre dans la chambre sacrée, l'air est épais d'encens et d'attente. La lumière tamisée des lampes à huile dessine des contours fantomatiques sur les murs recouverts d’iconographies ésotériques. Là, devant elle, se tient la silhouette d’Anubis. Le masque doré, avec ses longues oreilles et ses yeux sombres, la fixe. Elle tombe à genoux, tremblante, croyant se trouver face au dieu lui-même.
Mundus, dissimulé sous le masque, ressent un mélange d’excitation et d’appréhension. Il sait que le moindre faux pas pourrait ruiner son plan. Son souffle est court, mais il se ressaisit. Il a étudié les rites et les mots que prononcent les prêtres lors des cérémonies, et il commence à parler d'une voix profonde, presque gutturale, imitant l’intensité des oracles.
« Paulina, femme dévouée et fidèle, murmure-t-il, ton dévouement a touché les cieux. Je suis descendu des cieux pour te récompenser de ta piété et de ta fidélité. Approche-toi, sans crainte. Ce soir, tu es choisie. »
Paulina, bouleversée par ce qu’elle entend, croit que le dieu lui-même la convoque. Elle obéit, se rapprochant de cette figure imposante. Chaque mot qu’il prononce la plonge plus profondément dans la certitude d’un privilège unique. La scène est étrangement intime, le souffle court de Paulina résonnant doucement contre les murs du sanctuaire, presque couvert par le murmure lointain des chants des prêtres. À mesure que la nuit avance, la tromperie de Mundus prend toute son ampleur. Usant de son pouvoir de persuasion et de l'atmosphère mystique du temple, il convainc Paulina qu’elle accomplit un acte sacré, un rituel béni par les dieux. L’expérience est enveloppée de mysticisme, mêlée de prières murmurées et de promesses divines fabriquées. Paulina, toute à sa ferveur religieuse, ne réalise pas l'escroquerie dont elle est victime. Dans l’obscurité et le parfum entêtant de l’encens, les heures s’égrènent. Paulina se laisse emporter par la scène, persuadée que ce qu’elle vit est un rêve béni par les dieux. Elle s’abandonne à l’idée d’avoir été choisie par Anubis lui-même, son esprit embrumé par l’ambiance mystique du temple. Mundus, quant à lui, vit l'extase du succès de son plan.
À l’aube, quand la première lumière du jour perce les lourds rideaux du temple, Paulina se relève. Elle quitte le temple avec un mélange de crainte et d’émerveillement, convaincue d'avoir vécu une rencontre divine qui marquerait sa vie à jamais. Pour elle, cette nuit a été une bénédiction des dieux. Elle quitte les lieux avec un sentiment de privilège spirituel. Mundus, quant à lui, se débarrasse de son déguisement et quitte le temple, emporté par un sentiment de triomphe. Il est grisé par l'audace de son acte, mais aussi par la réalisation d’avoir trompé non seulement une femme pieuse, mais aussi les dieux auxquels elle est dévouée. Pour lui, l’audace a payé.
Plus tard, Paulina tombe sur Decius Mundus. Elle le perçoit désormais comme un simple mortel, et elle lui confie cette nuit merveilleuse. Elle pense probablement le faire enrager, se vengeant ainsi des trop nombreuses avances qu’elle avait subies. Il ne le supporte pas. Décidé à se vanter à son tour et grisé par la fierté de son audace d’avoir réussi à la faire plier, Mundus ne peut contenir sa satisfaction plus longtemps. Il avoue à Paulina que le dieu Anubis avec qui elle a passé la nuit n'était autre que lui-même, déguisé pour la tromper. Sa révélation est chargée d'arrogance ; il rit de la facilité avec laquelle il a manipulé sa foi.
Paulina, abasourdie, réalise alors l'ampleur de la tromperie. Ce qu’elle croyait être un acte sacré, un honneur divin, était en réalité une imposture vile. Choquée et indignée, elle se sent humiliée et décide de ne pas se taire. Elle porte l'affaire devant les autorités romaines et son mari Saturninus, et l'histoire prend une dimension publique. Le scandale éclate à Rome car ce n'est pas seulement une tromperie contre une femme vertueuse, mais un sacrilège majeur contre la vertu. Les prêtres du temple d’Isis qui ont facilité la supercherie sont crucifiés pour leur rôle dans cette profanation, et le temple d’Isis à Rome est détruit sur ordre de l’empereur Tibère. Les statues de la déesse sont jetées dans le Tibre, un acte de purification et un avertissement sur la puissance de l’État romain face aux supercheries religieuses. Idé, l’entremetteuse qui a orchestré la supercherie en soudoyant les prêtres avec l'argent de Decius Mundus, n’échappe pas non plus à la justice romaine. Considérée comme complice du sacrilège, elle est condamnée à la crucifixion, subissant ainsi un châtiment sévère pour son rôle central dans cette affaire. Sa fin tragique est un exemple de la manière impitoyable dont les autorités romaines traitaient ceux qui osaient corrompre les cultes sacrés. Quant à Decius Mundus, il n’échappe pas à la justice. Bien que sa famille et son statut lui évitent la peine capitale, il est banni de Rome pour toujours. Sa réputation est ruinée, et son nom est à jamais associé à l’une des tromperies les plus scandaleuses de l’histoire romaine.
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