Louis XVI (8/9) : La monarchie constitutionnelle (1790-1792)

 


Comment s’organise votre nouvelle vie aux Tuileries ?
Les quelques grands aristocrates n’ayant pas fui le royaume, constituent ma nouvelle cour. Des bourgeois parisiens s’y agrègent. Ayant moins d’affaires d’État à gérer, je m’occupe de l’approvisionnement de la ville de Paris et de ma famille. Je m’intéresse davantage aux sciences. Je sors moins. Je ne chasse plus. Je suis las et prends de l’embonpoint. La reine fait preuve d’une énergie et d’une volonté que je ne lui connaissais pas.

A partir de 1790, vous n’êtes plus roi de France, mais roi des Français. En ce 14 juillet, le peuple se réunit au Champs de Mars pour la fête de la Fédération, organisée par La Fayette. Il s’agit d’une tentative de réconcilier la monarchie et la révolution.
Oui. Après une messe de l’évêque Talleyrand. Les députés, les officiers et moi-même prêtons serment de respecter la Constitution. La foule m’acclame. Toutefois, l’euphorie ne dure pas longtemps. Bientôt, la reine redevient la victime de la haine populaire. Les prérogatives royales s’appauvrissent à chaque mois.

Malgré cela, vous refusez d’abdiquer.
Mon devoir, l’onction du sacre et le caractère séculaire de la monarchie m'en empêchent.

Il existe un point de crispation sur lequel vous allez user et abuser de votre droit de veto, c’est la Constitution civile du clergé.
Etant catholique, lieutenant de Dieu sur Terre et fils ainé de l’Église, je ne peux admettre un tel texte.

Rappelons dans les grandes lignes son contenu : interdiction des vœux religieux, suppression des ordres réguliers, réorganisation administrative des diocèses, élections des prêtres qui deviennent des fonctionnaires d’État et doivent prêter serment à la Nation.
Les évêques se divisent sur la question, ce qui cause une fracture sociale dans certaines provinces. Pour tenter d’apaiser les tensions, je joue les médiateurs entre l’Assemblée et le Saint-Siège. Le Pape n’en démord pas. En représailles, les armées françaises envahissent le Comtat Venaissin pour le rattacher à la France. A contrecœur, je valide le document.

L’été 1791 est marqué par votre fuite à Varennes. Le projet était prévu de longue date par la reine et son ami Fersen. Il s’agissait d’un plan d’évasion vers Montmédy, non loin du Luxembourg. Au départ, vous êtes réticent à un tel projet, même si vous laissez carte blanche à la reine.
Il fallait prévoir un plan B. Il est vrai qu’avant 1791, je me refusais à fuir Paris. Je me rangeais plutôt au plan de Mirabeau, consistant à requérir l’aide de l’Autriche pour masser des soldats à la frontière. Prétextant le risque d’une invasion, le parti de Mirabeau aurait sollicité une union nationale autour de ma personne et j’aurai pu quitter la capitale à la tête d’une armée. Sa mort et les tergiversations de l’empereur ont mis un terme à ce projet.

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Une fois que j’ai compris qu’une majorité des députés de l’Assemblée était résolue à dépouiller la monarchie de son pouvoir, je me suis résigné à accepter le plan de la reine.

On parle de fuite, mais dans votre esprit, il ne s’agissait pas d’une fuite.
Plutôt d’une mise en sûreté de ma personne et de ma famille. Avant de partir, j’ai rédigé une lettre à l’attention de mes sujets.

Vraiment ? J’ignorais l’existence de ce document.
Oh, l’Assemblée s’est bien gardée de la diffuser. Dans cette lettre, je condamne l'Assemblée qui m’a retiré tous mes pouvoirs, notamment dans les affaires étrangères. Je n’ai plus le commandement de ma garde personnelle. J’explique que je n’ai jamais ménagé mes efforts pour accompagner les réformes voulues par l’Assemblée et mes sujets. Je suis favorable à une monarchie constitutionnelle avec un exécutif puissant et autonome vis-à-vis de l'Assemblée. Par mes concessions, j’ai garanti la sécurité et l’ordre. J’exprime mon sentiment d’être un prisonnier, que je ne me sens plus en sécurité au palais des Tuileries. Je ne souhaite pas laisser le sort, de ma famille et de ma personne, à la volonté de certains partis.

Revenons sur ce voyage jusqu’à Varennes. Vous quittez les Tuileries le 21 juin 1791 vers minuit et demie.
La reine, ma sœur Élisabeth, mes enfants et moi-même, sommes déguisés en valet. Nous embarquons dans une voiture. Fersen nous escorte jusqu’à Bondy.

A 10h à Viels-Maisons, un aubergiste vous reconnait.
Il me salue et nous laisse reprendre la route. Même chose à Chaintrix en début d’après-midi. Ces marques d’affection me rassurent.

Vous atteignez Châlons-en-Champagne sur les coups de 16h, soit avec 4 heures de retard. Vous traversez la ville en catimini et puis c’est la déception.
L’inquiétude plutôt ! En arrivant à Pont de Somme-Vesle, nous constatons l’absence des hommes de Choiseul qui devaient nous escorter. Peut-être sont-ils partis à cause de notre retard ? Nous poursuivons notre route.

Vers 22 heures, vous atteignez Varennes-en-Argonne. L’entrée de la ville est bloquée par un barrage.
L’Assemblé a décrété l’ordre de nous ramener à Paris, d’où la présence du barrage. Le juge Jacques Destez me reconnait. Les autorités municipales nous installent dans une auberge. Je refuse une intervention militaire pour m’extraire de cette ville, dont les habitants se montrent courtois à mon égard. Le lendemain, la garde nationale nous contraint à rebrousser chemin. Trois émissaires de l’Assemblée sont chargés de s’assurer que nous regagnons bien les Tuileries. Las, je me repli sur moi-même et conserve mon flegme.

De retour à Paris. Les Parisiens vous conspuent et vous huent. Ils pensent que vous les avez trahis en fuyant comme un vulgaire émigré. L’Assemblée vous convoque pour vous entendre sur les raisons de votre départ.
Je leur explique que je n’ai jamais eu l’intention de quitter le territoire national, mais seulement de m’extraire de l’emprise de certains partis, dont les Jacobins, souhaitant l’instauration de la République et les Ultras militant pour le rétablissement de l’Ancien régime. Je suis innocenté et rétabli dans mes fonctions.

Néanmoins, à partir de ce jour, le lien entre les Français et leur roi est à jamais brisé, malgré la Constitution entrant en vigueur. La nouvelle constitution reconnaît l'inviolabilité du roi, écarte la Constitution civile du clergé (réduite au statut de loi ordinaire), maintient le suffrage censitaire et prévoit la nomination des ministres par le roi hors de l'Assemblée. Pour le reste, l'essentiel du pouvoir est dévolu à l'Assemblée, élue pour deux ans.
En revanche, rien n'est prévu en cas de désaccord entre les pouvoirs législatif et exécutif. Je ne peux dissoudre l'Assemblée et celle-ci ne peut censurer mes ministres. J’adopte le texte en précisant que celui-ci est imparfait, mais que le temps et l’expérience permettront de l’améliorer.

Ainsi se déroulent les premières élections législatives en France. La nouvelle Assemblée élue comprend 264 députés favorables à une monarchie constitutionnelle avec un exécutif fort, 345 Indépendants prônant une monarchie parlementaire dotée d’un pouvoir législatif fort et 136 Jacobins favorables à la République. Abordons maintenant la question internationale et plus particulièrement les relations avec l’Autriche. Vienne voit d’un très mauvais œil les évènements qui se déroulent en France.
Il n’y a pas que l’Autriche. La Prusse également. Les deux souverains rédigent la déclaration de Pillnitz invitant les souverains européens à agir si l'Assemblée nationale française n'adopte pas une constitution conforme aux droits des souverains. J’apprends que mes deux frères ont œuvré à ce texte. Je suis furieux. Ils vont ruiner tous mes efforts de conciliation et me faire paraitre aux yeux de mes sujets comme un ennemi intérieur. D’autant plus qu’on considère la reine, de par ses origines, de connivence avec son neveu, l’empereur François II.

A la suite de cette déclaration, les députés adressent un avertissement à l’Autriche.
Tout le monde souhaite la guerre, les uns pour unir le peuple, les autres pour renverser la monarchie ou la rétablir. Moi-même, je me dis que je pourrais redorer mon blason à la tête de mes troupes et regagner en popularité auprès du peuple.

La France déclare donc la guerre à l’Autriche le 20 avril 1792. La Révolution ayant désorganisé les forces armées, les premiers temps sont désastreux.
L’Assemblée hurle à la trahison au lieu de voir les véritables raisons. Je refuse d'adopter les décrets sur la création du camp de fédérés à Paris. Ce dernier détournerait des troupes du front.

Par ailleurs, le duc de Brunswick a envoyé un manifeste à l’Assemblée l’avertissant que les armées austro-prussiennes déferleraient sur la capitale s’il arrivait un seul malheur à la famille royale.
Robespierre et la gauche hurlent à la trahison, malgré mon démenti de ne pas avoir pris part à cet écrit. Ils réclament ma déchéance.

Cet écrit fait suite à l’envahissement des Tuileries par des centaines de manifestants le 20 juin.
J’ai eu le courage de me porter au-devant des manifestants. Bien que restant calme, je ne cède à aucune de leurs revendications. J’accepte de porter le bonnet phrygien et de boire à la santé du peuple. Cette image sera reprise par de nombreux caricaturistes. Vers 22 heures, les autorités évacuent les manifestants dans le calme. Je suis si épuisé par cette situation inextricable, où chacun voit son propre intérêt avant celui du royaume. La dépression me gagne par moments. Je vis dans la crainte que nous soyons assassinés ou emprisonnés à tout moment. Le stress et la fatigue me font bégayer ou oublier des mots. Heureusement, la reine sait m’apporter le soutien et le réconfort nécessaires.

Début août, des insurgés envahissent à nouveau les Tuileries. La garde est insuffisante pour les repousser. Avec votre famille, vous vous réfugiez à l’Assemblée.
La municipalité de Paris a subi un coup d’État. Les nouveaux représentants de la ville, alliés aux députés de gauche, font pression sur l’Assemblée, qui ordonne notre arrestation. Nous sommes transférés à la prison du Temple. Tout est perdu. La monarchie n’existe plus.

09 - Echec au roi =>

 

<= 07 - 1789 

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Sources
Texte :
- PETITFILS Jean-Christian : Louis XVI, Perrin, 2021, 1183p
- Louis XVI, Historia thématique, n°99, janvier-février 2008, 88p.
- Louis XVI, Marie-Antoinette et la Révolution : la famille royale aux Tuileries, exposition aux Archives Nationales, Paris, 2023.
Image : wikipédia.fr

 


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