Louis XVI (7/9) : 1789

 

 

Alors ? Il ne s’est rien passé le 14 juillet 1789 ?
Vous faites référence au fameux mot « rien » présent dans l’un de mes carnets. Les gens ont fait un amalgame en croyant qu’il s’agissait d’un journal dans lequel je consignais les évènements du royaume ou de la cour. En réalité, il s’agit d’un journal de chasse. Je n’ai simplement pas chassé ce jour-là.

Avant d’en arriver aux tragiques évènements de l’été 1789, commençons par le début la convocation des Etats généraux.
Son organisation m’a remis un peu de baume au cœur. Le Parlement de Paris ne jouit plus de la sympathie du peuple, car il souhaite que les Etats généraux se réunissent dans leur configuration traditionnelle, ce qui n’avantage pas le Tiers état.

Les convocations pour les Etats généraux sont envoyées. Les intellectuels dont Marat, l’abbé Grégoire, Mirabeau, Sieyès, rédigent de nombreux articles sur la monarchie et sur l’organisation de l’Etat. Les Français rédigent leur cahier de doléances.
Vous noterez que la plupart des revendications ne remettent pas en cause le pouvoir en place ni l'existence de la monarchie. Elles sont plutôt d’ordres fiscaux et économiques. Les récoltes de 1788 ont été très mauvaises. Le blé manque. Le peuple a faim.

Les Etats généraux débutent le 4 mai à Versailles.
D’emblée le clergé et la noblesse donnent le ton en s’arque-boutant sur l’étiquette et sur leur supériorité vis-à-vis du Tiers. Redresser les finances de l’Etat était la seule chose qui m’importait. Il n’était aucunement question de bouleverser la monarchie, ni la société d’ordres. Si les deux ordres avaient trouvé une solution suffisante autre que l’égalité fiscale, je l’aurais adoptée sans difficulté. La rupture est consommée entre la noblesse et le Tiers. Une part importante du clergé se rallie au troisième ordre.

Et voilà que durant les Etats généraux, votre fils aîné meurt à 17 ans, victime de la tuberculose.
Sa mort m’a profondément chagriné. Je n’avais plus le cœur de m’occuper de politique.

Finalement vous êtes le reflet de vos contemporains. Vous aspiriez à une vie plus intime, plus bourgeoise, loin de l’étiquette rigide de la cour. Ce sentiment se ressent dans le style décoratif Louis XVI.
Je n’ai jamais réussi à me fondre dans le système de cour instauré par Louis XIV. Il a été conçu par et pour mon aïeul. Au XVIIe siècle, le monarque est en constante représentation. A mon époque, certains souverains, dons je faisais partie, aspiraient à une autre manière de régenter la cour. C’est le cas des « despotes éclairés » de l'Europe tels que Frédéric II de Prusse ou Catherine II de Russie.

Le refus d'entrer dans le grand jeu de l'étiquette explique la très mauvaise réputation que vous fera la noblesse de cour. En la privant du cérémonial, vous la privez de son rôle social. Quoiqu’il en soit malgré le décès de votre fils, il fallait continuer votre travail.
Le garde des Sceaux s’est chargé de faire le relais entre ma personne et les représentants des députés de chaque ordre. J’ai refusé toutes les demandes d’audience du Tiers. Je n’étais pas en capacité de les recevoir.

Les membres Tiers état se sont sentis délaissés, voire trahis.
Ils se sont autoproclamés assemblée nationale et déclaré purement et simplement illégale la création de tout nouvel impôt sans leur accord. La reine, mes frères et mes ministres, à l’exception de Necker, m’enjoignent à la plus grande sévérité face à ces séditieux. Pour le moment, j’ordonne de fermer les salles de réunion. Les membres du Tiers se réunissent dans la salle du Jeu de paume.

C’est à cet endroit que les députés vont prêter le fameux serment, celui de ne jamais se séparer tant qu'une nouvelle constitution ne sera pas donnée au royaume de France.
J’étais furieux. Lors de la session plénière suivante, j’ai rappelé à tous que j’étais le roi et l’incarnation de la France, que j’étais favorable à l'égalité devant l'impôt, à la liberté individuelle, à la liberté de la presse, à la disparition du servage, et à la suppression des lettres de cachet. J’ai déclaré comme illégale cette assemblée nationale et j’ai maintenu ma volonté de faire voter les trois ordres séparément.

Ce fut l’anarchie. Le garde des Sceaux a ordonné l’évacuation, mais les députés du Tiers ont refusé de quitter la salle. Mirabeau s’est écrié : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la puissance des baïonnettes ».
S’ils veulent rester, eh bien, foutre, qu'ils restent ! J’en profite pour renvoyer Necker et le remplace par le baron de Breteuil, monarchiste convaincu. J’ordonne le déploiement autour de Versailles et de Paris de plusieurs régiments d’infanterie. Seulement, plusieurs compagnies refusent de se soumettre aux ordres et certains soldats jettent leurs armes. Les désertions se multiplient.

Les députés du Tiers souhaitent que l’armée s’éloigne de la capitale. Les Parisiens paniquent. Ils s’emparent de fusils aux Invalides, puis de la Bastille pour récupérer la poudre entreposée. Nous sommes le 14 juillet 1789.
Face aux émeutes, je me résigne à capituler pour éviter de verser le sang de mes sujets. Je me rends à l'Assemblée pour confirmer aux députés le retrait des troupes des alentours de Paris et leur réaffirmer ma volonté de travailler de concert avec eux pour le bien de la Nation. Ils applaudissent ces décisions. Sous leur pression, je rappelle Necker.

On voit ici un mot d’ordre que vous respecterez jusqu’à la fin : ne pas faire couler le sang des Français et rechercher l’apaisement autant que possible. Certains vous le reprocheront, vous jugeant trop timoré, arguant qu’une bonne répression aurait mis un terme à la révolution.
Ou cela aura donné l’effet inverse et précipité les choses. En 1789, il n’était pas encore question de renverser la couronne, mais de transformer la monarchie, projet auquel je n’étais pas opposé.

Certains membres de votre entourage commençaient à pressentir les violences à venir.
La reine et mon frère Charles m’ont prié de quitter Versailles pour gagner la citadelle de Metz. Mon frère Louis a préféré que le pouvoir reste proche de la capitale. Je me suis rangé à son avis. J’ai pris la route de Paris pour rencontrer les autorités. J’avais peur pour ma vie, mais mon devoir m’imposait de tenter d’apaiser les tensions en me montrant au peuple. Le maire m’a reçu. J’ai accroché à mon chapeau la cocarde tricolore en signe de bonne volonté.

Pour mettre fin à l'instabilité régnant dans les campagnes, l’Assemblée constituante décide la suppression des privilèges seigneuriaux, l’égalité devant l’impôt et l’abolition de la vénalité des offices. Puis, elle proclame une Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. L'Assemblée vote le droit du veto du roi.
Il est noté que cette loi a été instaurée sans mon accord, sans que je sois consulté, alors que je suis le principal intéressé. Concrètement, je ne fais plus les lois, mais je conserve le droit de promulgation et de remontrances, c’est-à-dire ceux que détenaient les parlements. Les rôles s’inversent. Par esprit de conciliation, j’accepte. Néanmoins, j’attire l’attention du Parlement sur des points importants. En effet, les droits féodaux en Alsace sont régis par le droit germanique, même si les territoires sont français, les abolir revient à remettre en cause le traité de Westphalie, garant de l’ordre européen. Certains impôts versés à l’Eglise et certaines charges sont du ressort du Saint-Siège. Il conviendrait de négocier un nouveau concordat. L’Assemblée balaie mes remarques.

Pendant ce temps, Necker ne parvient pas à redresser les finances du royaume. Le pain devient de plus en plus rare, le chômage de plus en plus fort. La méfiance et la violence croissent. La haine du peuple se répercute sur la cour. Une foule, menée par des femmes, hurle aux fenêtres du château.
J’interdis à la garde d’ouvrir le feu, puis reçoit une délégation. Je leur promets du pain et donne consigne d’importer du blé de Senlis et de Lagny. La situation semble s’apaiser. Néanmoins le lendemain, des émeutiers pénètrent dans le château, saccagent et tuent. La garde réussit à les contenir. Sur les conseils du marquis de La Fayette, la reine et moi saluons la foule depuis le balcon surplombant la cour de marbre.

Le peuple vous réclame à Paris.
Oui. Je n’ai pas d’autres choix que d’obtempérer. La reine me fusille du regard. « Vous avez hésité à partir tant qu’il en était encore temps. Nous voilà maintenant prisonniers » me dit-elle. Après un éprouvant trajet, nous sommes installés au palais des Tuileries.

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Sources

Texte :
- PETITFILS Jean-Christian : Louis XVI, Perrin, 2021, 1183p
- Louis XVI, Historia thématique, n°99, janvier-février 2008, 88p.
- Louis XVI, Marie-Antoinette et la Révolution : la famille royale aux Tuileries, exposition aux Archives Nationales, Paris, 2023.

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