Les invasions barbares n'ont pas eu lieu
Le terme d’invasions barbares
donne le sentiment de peuples guerriers envahissant l’empire romain pour
s’installer de manière brutale. De nos jours plus aucun historien ne conçoit
cette période en ce terme. Le mot même de barbare n’a pas la même signification
dans l’Antiquité que depuis la Révolution.
Pour les Romains, un barbare est une personne ne partageant
ni la langue, ni la culture romaine. C’est simplement un étranger vivant hors
de l’empire, mais qui peut très bien vivre dans ses frontières.
Qui sont ces barbares qui
déferlent des confins de l’Europe ? Il est difficile de les identifier
clairement, car ils sont multiples. De plus, leurs caractéristiques et leurs
territoires varient dans le temps. Nous utilisons la même nomenclature que les
Romains. Les Alamans (Allemagne) sont une coalition de clans vivant le long du
Rhin. Les Burgondes (Bourgogne) constituent un petit royaume dans la vallée du
Rhin ayant pour capitale Worms. Attila détruit ce royaume et contraint les
Burgondes à s’installer autour du lac Léman et vers le Rhône. Les Francs
(France) sont une coalition de clans résidant en Belgique et aux Pays-Bas. Au
Ve siècle, ils se divisent en deux entités : les Francs Saliens et les
Francs Rhénans. Clovis les réunit et étend sa domination sur toute la Gaule. Les Goths sont
originaires d’Ukraine et s’installent dans la région des Balkans. Les Romains
les divisent en deux peuples : les Wisigoths (les Goths de l’Ouest) et les
Ostrogoths (les Goths de l’Est). Les Goths mènent de nombreux raids dans
l’empire aussi bien en Grèce qu’en Italie. En 410, le chef goth Alaric pille
Rome. Les Huns (Hongrie), originaires d’Asie centrale, ont migré vers les
régions du Danube. Excellents cavaliers et archers, ils servent dans l’armée
romaine jusqu’à ce qu’Attila les unifie sous sa bannière. Il mène des
expéditions en Gaule et en Italie. Les Vandales passent la frontière de
Germanie pour s’installer en Espagne. Au début du Ve siècle, les Wisigoths les
chassent et ils migrent en Afrique du Nord. Les Lombards s’installent dans le
Nord de l’Italie. Les Saxons s’installent en Grande-Bretagne abandonnée par les
Romains.
Le mot invasion est également
impropre, car il sous-entend quelque chose de bref. Or, il s’agit d’un
phénomène s’étalant sur deux siècles.
Au milieu du IIIe siècle, les
barbares profitent de la faiblesse de l’armée romaine, trop occupée à lutter
contre les Perses sassanides, pour piller des villas et des cités. Face à cette
insécurité chronique, les régions frontalières se dépeuplent et
s’appauvrissent. A partir de 284, Dioclétien réorganise l’empire. Rome a besoin
d’hommes pour renforcer l’armée et cultiver des terres. En ce sens, il est
favorable à l’installation de barbares sur son territoire de manière encadrée. Les
guerres civiles du IVe siècle renforcent le poids politique des militaires et
favorisent l’intégration par l’armée. Les barbares apprennent le latin,
s’intéressent à la politique et s’approprient les valeurs et la culture
romaines.
La fin du IVe siècle marque un
tournant dans les relations entre Rome et les peuples barbares. Les Goths
fuient l’avancée des Huns et affluent sur les frontières bulgares. L’empereur
Valens les laisse s’installer. Rome est en guerre contre les Perses et un
afflux de nouveaux soldats est vital. En 378, les Goths se révoltent et battent
les Romains à Andrinople. Valens trouve la mort durant la bataille. En position
de force, les Goths négocient les conditions de leur installation. Ils
s’engagent à défendre l’empire en échange de terres et la conservation de leurs
coutumes et mode de vie. Au sein de l’armée, des régiments sont constitués
exclusivement de Goths sous l’égide de leurs chefs. Ce type de traité est passé
avec d’autres peuples. Petit à petit, les barbares deviennent des peuples
fédérés à l’empire et non plus des personnes intégrées à l’empire. Ils servent
Rome dans la mesure où leurs intérêts concordent. Dans le cas contraire, ils
n’hésitent plus à se rebeller. Au Ve siècle, les barbares obtiennent la gestion
de provinces entières : les Wisigoths en Aquitaine, les Ostrogoths dans
les Balkans, les Francs en Belgique et dans le nord de la Gaule , les Burgondes en
Bourgogne et dans la vallée du Rhône. Progressivement, les territoires sortent
du giron de l’empire, en commençant par les régions périphériques :
Grande-Bretagne, Espagne, sud-ouest de la Gaule.
La perte de l’Afrique, sous gouvernement vandale, est un coup
dur pour Rome, qui perd 40% de ses ressources fiscales. L’empire ne peut plus
payer les chefs barbares, qui quittent l’armée en entraînant leurs hommes. A
terme, ils prennent leur indépendance. L’empire se limite bientôt à l’Italie, la Provence et l’Illyrie.
Les barbares s’approprient de
nombreux aspects de la civilisation romaine. Ils apprennent le latin pour commercer
et faire carrière dans l’administration. Les chefs s’inspirent du droit pour
mettre par écrit leurs propres codes de lois. Le roi le devient à vie par
hérédité et non plus par élection par l’aristocratie. La conversion au
christianisme, religion d’état de l’empire, permet de rendre leur personne
sacrée et inviolable. Les barbares adaptent selon leurs goûts les vêtements et
les motifs romains, comme l’aigle. Pour la nourriture, il y a un véritable
échange. Les barbares s’adonnent au banquet, tandis que les Romains intègrent à
leur consommation la viande et les produits laitiers. Les barbares ont permis
de développer au sein de l’armée romaine des techniques de cavalerie et le
matériel adéquat et les mots pour les nommer. Les échanges sont aussi commerciaux.
Les Romains vendent du blé, des armes et du vin et achètent des matières
premières.
En 476, Odoacre s’estime mal payé
par l’empereur Romulus. Le 4 septembre, il pénètre dans Rome, dépose l’empereur
et expédie les insignes impériaux à Constantinople. C’est la fin de l’empire
romain d’Occident et de l’Antiquité.
En complément sur notre site un article sur Odoacre
Sources
Texte :
- « Du IIIe au Ve siècle : invasions barbares, la
face cachée de l’histoire », Les
Cahiers de sciences et vie, n°158, janvier 2016, pp24-64.
- « Les Barbares : comment ils ont mis fin à
l’empire romain », Historia
thématique, sept-oct 2009, p6 à 34.
Image :
A. Steward, L’entrée d’Alaric, 1935
Commentaires
Enregistrer un commentaire