Alexandre Ier de Macédoine, le Philhellène

Il existe des "Alexandre" dont on oublie qu'ils ont existé. Le plus célèbre est évidemment Alexandre le Grand, dont l'adjectif nous a presque fait oublier qu'il fut le troisième de la dynastie des Téménides, la famille royale macédonienne. Il y eut donc deux premiers "Alexandre". C'est Alexandre Ier (500 – 450 av. notre ère) qui nous intéresse aujourd'hui. Il est le premier roi macédonien à véritablement inscrire sa politique dans la voie du philhellénisme, c'est-à-dire à vouloir voir son peuple accepté parmi le cercle restreint et sélectif des civilisés grecs ! D'où découle son adjectif : Alexandre le Philhellène, ou « l'ami des Grecs ».


Alexandre Ier est le dixième roi de la liste monarchique macédonienne. Il est le fils d'Amyntas Ier, un grand roi qui fit connaître son royaume à la Grèce. Poursuivant la politique conciliatrice de son père avec des Grecs pourtant arrogants et méprisants, Alexandre entend ouvrir davantage la Macédoine sur le monde, éduquer son peuple composé, il est vrai, principalement de paysans ou de tribus barbares réactionnaires, et ainsi permettre à son royaume de peser d'un poids géopolitique sur le monde antique. Jeune homme, il avait assisté, impuissant, à l'arrivée des Perses dans son royaume qui réclamèrent, comme en était l'usage, « la terre et l'eau » signifiant que le Grand Roi Perse de cette période, le puissant Darius Ier, prenait possession des terres et que dès lors le possédant devenait possédé ! Ne pouvant lutter face aux Perses, Amyntas accepta ce nouveau rôle de vassal. Il faut cependant relativiser cet état de vassalité. Régnant loin, à plusieurs milliers de kilomètres, depuis Suse, Persépolis ou encore Babylone, le Grand Roi n'avait pas la prétention de s'installer en Macédoine. Le royaume devenait un partenaire diplomatique et économique et ne devait en aucun cas devenir un état perse !


Alexandre, alors jeune prince, faillit conduire la Macédoine en guerre contre son nouveau « suzerain ». Les diplomates perses, arrivés à la cour d’Amyntas pour négocier le nouveau traité « d'alliance », ne montrent pas toute l'élégance en usage à la cour perse, et embrouillés par le vin et la table ainsi que par leur condition d'envoyés du maître le plus puissant du monde antique, montrent peu à peu un zèle qui déplait fortement au jeune prince. Les Perses abusent ainsi de l'hospitalité et s'en prennent à des jeunes filles de la cour. A peine sont-ils rassasiés de leur infâme forfait, que le prince Alexandre et quelques complices se jettent sur les coupables et les font payer de leur vie. Consternation de Darius qui diligente une enquête, et gare à son courroux si la Macédoine et son roi, sont reconnus coupables de traîtrise ! S'en prendre à ses envoyés c'est s'en prendre directement à lui-même !


Amyntas a sévèrement réprimandé son fils. Son royaume est incapable de se défendre face aux terribles troupes perses. De plus, jamais les Grecs n'interviendront : trop dédaigneux à leur égard. Il charge le responsable de trouver une solution... sans se compromettre, car il reste l'héritier au trône et un représentant légitime du royaume ! La délégation arrive. Ils sont reçus comme des invités d'honneur. Amyntas présente son fils qui sera leur interlocuteur. Inutile de fuir la réalité, l'or et la menace perses délieront les langues. Imaginons un peu son discours :

« Me voici devant vous, amis. La Macédoine ne veut pas la guerre et a déjà accepté les conditions du Grand Roi. Il y a cependant des coutumes et un usage chez nous qui imposent un respect vis-à- vis des femmes, surtout si elles sont de sang noble. Les représentants du Grand Roi ont abusé de plusieurs jeunes filles qui pourtant cherchaient à les fuir. Ils n'étaient plus dignes de notre confiance ni de celle bienveillante de leur maître, qui j'en suis certain, ne supportera pas un tel comportement. Le Grand Roi Darius est bienveillant et il accepte les coutumes de ses alliés. Il comprendra la punition reçue par ses représentants qui n'étaient en rien un obstacle à la bonne entente entre la Macédoine et la Perse ! »


L'enquête conclut finalement aux torts partagés et l'histoire fut définitivement close.

Alexandre devient roi vers 500 et commence un étrange double jeu. Il est à la fois vassal des Perses mais s'ouvre de plus en plus aux Grecs. En effet, les pourparlers et les échanges deviennent intenses entre les deux voisins limitrophes et surtout avec Athènes. Il devient ami de la cité et protecteur de ses citoyens : un proxène. A sa cour, il s'entoure de lettrés et d'artistes grecs. La noblesse macédonienne apprend la langue grecque et s’exprime dans cette langue synonyme de civilisation et de culture.


Puis vint la guerre ! Xerxès qui a succédé à son père Darius reprend pour lui le conflit régnant entre les cités grecques et l'empire : les fameuses guerres médiques. Vassal du Grand Roi, Alexandre se retrouve dans une situation embarrassante. Afin d'éviter l'anéantissement de son royaume, il doit jurer obéissance aux Perses mais son cœur et ses convictions le poussent à aider les cités grecques. De plus, en s'alliant aux deux parties et en apparaissant ainsi fidèle à l'un et l'autre, il espère bien offrir un nouveau rôle, primordial cette fois, à la Macédoine.


Il ouvre ses routes aux troupes perses qui passent ainsi la frontière sans embûche. Il offre l'hospitalité aux armées et les approvisionne en vivres. Pour autant, il crée un véritable réseau d'agents secrets et fournit des renseignements militaires précieux aux Grecs qui savent ainsi où se trouve l'ennemi, quand il faut reculer et quand il faut frapper. Il apparaît ainsi comme dévoué aux Perses et ami des Grecs. Les Thermopyles sont perdus mais Alexandre prévient les armées coalisées grecques de quitter la Thessalie pour ne pas être écrasées. A la veille de la décisive bataille de Platée (479) il vient en personne renseigner l'état major grec de la tactique perse. Le jour suivant les Grecs sont vainqueurs, Xerxès fait demi-tour. Alexandre est tout heureux de faire parti des défaits et repart pour son royaume. Le Macédonien est le grand vainqueur du conflit. Profitant de sa double alliance, il agrandit son royaume en occupant plusieurs anciennes cités thraces offertes par les Perses et les Grecs !


La récompense suprême et la plus symbolique lui est offerte par les Grecs quelques années plus tard. En effet, il est autorisé à participer en personne aux jeux olympiques par les juges qui reconnaissent en lui un descendant légitime d'immigrés Grecs ayant quitté Argos près de trois siècles auparavant ; mais c'est surtout pour sa collaboration pour le maintien de l'indépendance de la Grèce que le roi obtient de concourir lui-même aux jeux. Il remporte d'ailleurs un certain succès puisque, mieux que de rivaliser, il gagne plusieurs concours ! Ainsi, en brillant ancêtre de Philippe et de son fils le grand Alexandre III, Alexandre Ier est sans aucun doute le premier grand roi de ce petit royaume promis à un avenir radieux qui, un siècle plus tard, dominera la Grèce et anéantira ce puissant empire perse qui aura oublié qu'un temps il avait eu la possibilité et le prétexte de détruire la Macédoine.



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