Louis XVI (1/9) : du petit duc de Berry au roi de France (1754 - 1774)
Comme vous le voyez, de par ma généalogie, je n’étais pas destiné à régner. Je suis l’un des petits fils de Louis XV. Les héritiers de la couronne sont d’abord mon père, puis mon grand-frère Louis duc de Bourgogne. Je suis donc le troisième dans l’ordre de succession. Derrière moi se situent mon frère Louis comte de Provence, et Charles comte d’Artois. Tout comme moi, bien qu’ils ne soient pas destinés à régner, ils seront pourtant les rois Louis XVIII et Charles X.
Vous n’avez donc pas reçu une éducation vous destinant au métier de roi.
Jusqu’à l’âge de 6 ans, la gouvernante des enfants de France, la comtesse de Marsan, s’est occupée de nous. Elle nous apprend la lecture, l'écriture et l'histoire sainte. Ensuite, nous sommes pris en charge par deux précepteurs le Duc de La Vauguyon et Jean-Gilles du Coëtlosquet, évêque de Limoges. Nous recevons des cours de latin, d’histoire, de géographie, de mathématiques et de catéchisme. J’apprends l’anglais, l’italien et l’espagnol. En revanche, je ne reçois aucune instruction militaire.
Tout change en 1765.
Effectivement. Cette année-là, mon père meurt de la tuberculose. Quatre ans auparavant, cette maladie emporte mon grand frère. A 11 ans, je deviens donc l’héritier du trône. A ce titre, je reçois des cours de droit. Cependant, je ne suis pas associé aux affaires de l’Etat.
Je me suis laissé dire que vous maitrisez parfaitement la langue anglaise.
Yes my dear.
Comme bon nombre de philosophes des Lumières, les évènements politiques et
juridiques outre-Manche m’intéressent au plus haut point. J’importe les
journaux londoniens. La monarchie britannique sera une source d’inspiration
pour les réformes nécessaires au royaume. Plus tard, les évènements feront que
je m’intéresserai aux diverses révolutions qu’ils ont connues.
Comment était le petit duc de Berry, votre titre avant devenir Louis XVI ?
J’étais un enfant timide et introverti. Certains y voyaient un manque de caractère, mais mon sens de l’humour et ma répartie prouvaient le contraire. J’étais un élève doué et consciencieux. J’excellais en histoire, en géographie et en arts mécaniques.
En parlant des arts mécaniques, on conserve de vous l’image du roi serrurier.
Certes.
Adulte, j’aimais bien bricoler dans mon atelier. Cependant, je n’y passais pas
toutes mes journées. J’étais surtout dans l’air du temps. Nous étions en plein
siècle des Lumières. Les esprits se passionnaient pour les découvertes et les
sciences. Je lisais les écrits des philosophes et suivais les découvertes
scientifiques. A la mort de Louis XV des suites de la variole, toute la cour
s’est réfugiée au château de Choisy-le-Roi, afin d'éviter tout risque de
contagion. J’ai décidé d'inoculer l'ensemble de la famille royale contre cette
maladie. Nous étions encore au balbutiement de la vaccination. J’ai reçu cinq
injections. Les premiers symptômes de la variole sont rapidement apparus, mais
la fièvre est retombée et j’étais définitivement hors de danger. En 1783, j’ai
assisté au premier vol de la montgolfière. C’était prodigieux.
Comme nous l’avons dit, vous êtes une grande fratrie. Quelles relations entreteniez-vous avec vos frères Louis et Charles ?
Comme
j’étais introverti, Provence (futur Louis
XVIII) et Artois (futur Charles X)
me chahutaient souvent. La gouvernante, qui les préférait, les laissait faire.
Me sentant délaissé, je ne la porterai jamais vraiment dans mon cœur. Une fois
roi, ils seront jaloux de ma fonction. Charles quittera le royaume dès la
première tempête. Louis restera jusqu’à mon départ pour Varennes. Ils
travailleront depuis l’étranger au rétablissement de la monarchie, parfois en
sapant le travail que j’accomplis depuis Paris.
Et vis-à-vis de votre grand frère ? Nous ne le connaissons pas.
J’avais une relation particulière avec lui. Quand j’avais 6 ans, Louis est tombé de son cheval à bascule. Il s’est retrouvé paralysé. Je me suis occupé de lui et lui ai tenu compagnie. Il ressemblait à notre père. Il était très intelligent. A sa mort, j’ai travaillé d’arrache-pied pour être à la hauteur de Louis XV et des espoirs placés dans mon défunt frère. J’ai souvent songé qu’il aurait fait bien mieux que moi.
En 1770, vous êtes un adolescent de 15 ans. Dans la forêt de Compiègne, vous rencontrez pour la première fois, celle qu’on vous a choisie pour épouse. Marie-Antoinette, fille de l’impératrice d’Autriche. Le mariage est célébré à Versailles le 16 mai. L’union est destinée à renforcer l’alliance franco-autrichienne. Les festivités se terminent le 30 mai où l'on a prévu de tirer un feu d'artifice depuis la Place Louis XV. Durant le feu d'artifice, un incendie se déclare rue Royale, créant un mouvement de panique.
Oui, c’était épouvantable. De nombreux passants ont été écrasés par des voitures ou piétinés par des chevaux. Le bilan officiel a fait état de 132 morts et de centaines de blessés. J’ai écrit aussitôt au lieutenant général de police Antoine de Sartine et lui ai transmis la somme de 6.000 livres pour secourir les nécessiteux.
Ce mariage marque votre passage de l’enfance à l’âge adulte.
Si l’on considère que l’accomplissement du devoir conjugal nous fait devenir adulte, je suis resté un enfant très longtemps (rire).
Oui. Tout le monde connait les difficultés rencontrées.
Et pour cause, la non-consommation du mariage est devenue une affaire d’Etat. Toute la cour et le royaume en parlaient. Ma belle-mère, s’est emparée du sujet en écrivant des lettres, pas toujours très sympathiques à sa fille et au roi de France. Mon beau-frère m’a abreuvé de conseils.
C’était dû à une malformation génitale ?
Il est vrai que j’avais un problème au niveau du prépuce, mais cette incommodité a été très vite résolue par mon chirurgien. Non, les vraies raisons sont psychologiques. Nous étions tous les deux des adolescents vierges. Nous ne nous connaissions pas depuis longtemps et nous n’avions aucune expérience en ce domaine. Ce n’est jamais simple la première fois. De plus, l’éducation prude et pudibonde, que nous avons reçue tous les deux, ne nous disposait pas aux audaces des relations conjugales. A cela s’ajoute la pression sociale. Tout le monde vous scrute. Nous vivions dans des appartements séparés. Je ne passais la nuit avec mon épouse que pour remplir le devoir conjugal. Les allées et venues vers ces appartements se déroulent toujours sous le regard de courtisans, qui commentent ou rient sous cape. Mon épouse en a beaucoup souffert. Elle s’est réfugiée dans les bals et les fêtes. Quant à moi, ma timidité n’arrangeait pas les choses et contrairement à mon grand-père, je ne suis pas attiré par les choses de l’amour.
C’est vrai que vous n’avez pas eu de maitresse et que vous êtes resté fidèle à votre épouse.
Oui. Chose rare chez les Bourbons. Je ne suis pas certain que l’inverse fût vrai. Bref, à chaque fois, nous étions stressés et angoissés et forcément nos tentatives échouaient.
Mais vous avez finalement réussi.
Oui. Il nous fallut plusieurs années. Pour apprendre à nous connaitre et à nous apprécier. Sans parler d’amour, nous avons fini par ressentir une affection mutuelle. Cinq ans après notre mariage, notre premier enfant nait. La reine me donnera quatre enfants : 2 garçons et 2 filles : Louis-Joseph, qui meurt en juin 1789, Louis-Charles (le futur Louis XVII) qui meurt en 1795 dans la prison du Temple, Sophie-Béatrice, qui n’atteindra pas l’âge d’un an, et Marie-Thérèse qui survivra aux affres de son temps.
Partie 2 : le début du règne =>
Retrouvez nos articles sur les enfants royaux grâce au tableau de Vigée-Lebrun sur le premier vol habité en montgolfière à Paris.
Sources
- PETITFILS Jean-Christian : Louis XVI, Perrin, 2021, 1183p
- Louis XVI, Historia thématique, n°99, janvier-février 2008, 88p.
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