« Souvent femme varie » : François Ier, Anne de Pisseleu et la vérité derrière la légende

François Ier grave « Souvent femme varie » sur une fenêtre — légende liée à Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, au château de Chambord
François Ier gravant une maxime sur une vitre : scène légendaire souvent associée à Anne de Pisseleu (illustration).

Anne de Pisseleu, favorite de François Ier, a-t-elle inspiré « Souvent femme varie » ? Démêlez la légende et les faits sur cette maxime et sa véritable origine.

Le saviez-vous ? L’expression « Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie » a longtemps été associée à François Ier et à sa favorite Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes. Selon une légende tenace, le roi l’aurait gravée sur une vitre à l’aide de son diamant, trahissant sa déception envers une femme aimée mais jugée inconstante et surtout eu fiable. Mais la réalité est bien plus nuancée : la phrase n’est pas de François Ier, et son association avec Anne relève davantage de la légende noire que de la vérité historique.

Anne de Pisseleu, la favorite influente du roi

Anne de Pisseleu naît en 1508 dans une famille picarde de petite noblesse. Belle, vive d’esprit et cultivée, elle attire très tôt l’attention des grands de son temps. Sa rencontre avec François Ier, en 1526, scelle son destin : elle devient rapidement sa favorite officielle et obtient une place privilégiée auprès du roi. Elle épouse Jean IV de Brosse, que le souverain érige duc d’Étampes, ce qui lui confère un rang éminent à la cour. À la différence d’autres favorites, Anne ne se contente pas de séduire. Elle s’engage dans les affaires politiques et diplomatiques, protège les humanistes et soutient les artistes de la Renaissance. Sa proximité avec le roi lui permet d’exercer une influence réelle, que ses contemporains, partagés entre admiration et rancune, ne manquent pas de souligner. Pour beaucoup, elle incarne l’esprit raffiné et brillant de la cour de François Ier.

Mais une telle puissance attise les jalousies. Ses ennemis la décrivent comme calculatrice, intéressée, et surtout inconstante. La rivalité qui l’oppose à Diane de Poitiers, maîtresse d’Henri II, illustre la violence des intrigues de cour. Chacune défend son camp, et lorsque François Ier meurt en 1547, Anne se retrouve brutalement évincée. Diane, triomphante, la chasse de la cour et œuvre à ternir sa mémoire.

« Souvent femme varie » : la légende d’une phrase assassine

La tradition veut que François Ier ait gravé la maxime « Souvent femme varie, bien fol est qui s’y fie » sur une vitre, à Chambord, à l’aide de son diamant. La scène est saisissante : un roi, trahi par l’inconstance, laissant aux siècles futurs une ultime leçon. Certaines versions disent même qu’il était accompagné de sa sœur Marguerite de Navarre, ce qui donne un relief encore plus théâtral à l’épisode. Mais quelle “trahison” d’Anne de Pisseleu aurait justifié un tel geste ? En réalité, aucune preuve ne montre qu’elle ait trompé le roi dans sa fidélité ou son affection. Ce qu’on lui reprochait surtout, c’était d’avoir noué des contacts politiques avec certains adversaires du roi, notamment dans le contexte des rivalités franco-impériales, ce qui permettait à ses ennemis de l’accuser d’opportunisme et de versatilité. Ces accusations, relayées après la mort de François Ier, furent amplifiées par sa grande rivale Diane de Poitiers, soucieuse d’anéantir sa réputation et de la faire passer pour une favorite inconstante.

Mais il ne s’agit que d’une légende. Aucun document contemporain n’atteste ce geste, ni à Chambord, ni ailleurs. Le problème est que la première attestation que nous ayons de cette prétendue gravure royale date de l’écrivain Brantôme (1540-1614). Bien après la mort de François Ier, il en fait le récit dans ses Vies des dames galantes (publiées en 1665). Brantôme raconte que le vieux concierge du château lui aurait montré la phrase écrite sur une fenêtre, mais sous une forme plus condensée : « Toute femme varie » (Quatrième discours des dames galantes). Autrement dit, non seulement le témoignage est tardif, mais en plus la formule diffère de celle que la postérité a retenue. Par la suite, d’autres auteurs, comme Jean Bernier en 1682, citent une version légèrement différente : « Souvent femme varie, mal habil qui s’y fie ». Et ce n’est qu’au XIXᵉ siècle que Victor Hugo fixe la formule devenue canonique, « bien fol est qui s’y fie », dans Notre-Dame de Paris. La maxime telle que nous la connaissons est donc le fruit d’une longue évolution, beaucoup plus tardive que la vie de François Ier.

Une réputation forgée par les rivalités

L’association d’Anne de Pisseleu à cette maxime assassine n’est pas le fruit du hasard : elle s’explique par les rivalités politiques et personnelles de son époque. Après la mort de François Ier, ses ennemis trouvèrent dans ce proverbe un moyen commode de résumer et de condamner toute sa carrière : celle d’une femme qui aurait varié, trahi et déçu. En réalité, il s’agissait d’une arme de propagande, renforcée par la victoire de Diane de Poitiers et du parti d’Henri II. Pourtant, si l’on dépasse les légendes, on découvre une femme d’une grande culture, passionnée et audacieuse. Elle fut la protectrice d’artistes et d’humanistes, une figure centrale de la Renaissance française. Sa réputation d’inconstance n’est pas un fait avéré, mais le fruit d’un récit construit pour effacer son influence. Ironie de l’histoire : ce n’est pas son esprit ni ses choix politiques qui ont traversé les siècles, mais une simple phrase attribuée à tort à son amant royal.

Sources

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