Çatal Höyük : la première ville de l’humanité ?

Vue sur les toits de Çatal Höyük au coucher du soleil - site néolithique en Anatolie
Un village sans rues, des morts sous le sol, des fresques rituelles… Çatal Höyük réinvente la ville bien avant Sumer. Utopie oubliée ou premier centre urbain ?

Aux portes du Néolithique, Çatal Höyük bouleverse l’idée de ville : densité, égalité et spiritualité fusionnent sans chef ni rue.

Aux origines d’un rêve urbain

Imaginez-vous transporté il y a près de 9 000 ans, dans la plaine de Konya, au cœur de l'Anatolie centrale. Deux collines discrètes, nommées Çatal Höyük — « Çatal » pour la fourche, « höyük » pour le tell — dissimulaient l’un des épisodes les plus extraordinaires de l’histoire humaine. Découvert fortuitement dans les années 1960 par l’archéologue James Mellaart, le site avait révélé un paysage architectural d’un genre inédit : des maisons serrées, sans rue, un tissu urbain précoce mais sans hiérarchie visible.

À cette époque, le climat était plus humide qu’aujourd’hui. Des marécages et des lacs saisonniers parsemaient la plaine, rendant la terre fertile pour les premières expériences agricoles. James Mellaart, travaillant sous mandat du British Institute of Archaeology d’Ankara, fouilla le site de 1961 à 1965. Ses découvertes, relayées dans les revues archéologiques européennes, suscitèrent une fascination immédiate. Mais c’est Ian Hodder, à partir des années 1990, qui donna à Çatal Höyük une seconde vie scientifique, en y introduisant une approche post-processuelle centrée sur la symbolique et les comportements sociaux.

L’image qui émergeait alors était celle d’un monde où les hommes et les femmes, vivant dans une densité urbaine rare à cette époque, semblaient inventer la ville sans en connaître encore le concept. Une ville sans rues, sans temples, sans murs d’enceinte. Une ville où l’organisation sociale semblait égalitaire, presque utopique. Çatal Höyük n’était pas une exception : elle était peut-être un essai.

Une “proto-ville” sans plan ni rue

Enchevêtrement de toits

Promenez-vous sur ces toits plats, éparpillés comme une mosaïque, à plus de 20 m au-dessus de la plaine. Les maisons, accolées les unes aux autres, n’avaient pas de portes murales — on entrait et sortait par des trappes ouvertes dans le toit via de longues échelles de bois. Le rythme de vie, les échanges, les allées et venues, tout se déroulait autour et sur ces toits surélevés. Cette architecture collective créait une véritable place commune, sans séparation, sans hiérarchie spatiale.

L’impression visuelle devait être saisissante : une mer compacte de toits d’argile, parcourue de silhouettes familières. Les maisons étaient construites en briques d’adobe séchées au soleil, avec des enduits de boue pour lisser les parois. Le bois utilisé provenait des essences locales comme le genévrier ou le peuplier, précieux pour les poutres des plafonds. Les toits servaient également à sécher les céréales, préparer les peaux, ou observer les alentours. Le feu, central dans chaque habitation, était soigneusement géré pour éviter les incendies. L’absence de rue nécessitait une organisation sociale spécifique, où le toit devenait à la fois seuil, lieu de passage et espace communautaire. En période de grand froid, ces surfaces servaient sans doute à maintenir le lien social sans sortir du village. Les déplacements entre habitations devaient être codifiés, presque instinctifs, à travers un maillage de trappes et d’échelles. Il est possible que certains toits aient été réservés pour des tâches collectives, des repas partagés ou des rituels saisonniers. Les toits formaient donc un espace civique, à ciel ouvert, au croisement de la circulation et de la communion. En l’absence de voirie, la verticalité de l’accès conditionnait aussi l’intimité : tout visiteur devait passer par le « ciel », pénétrant ainsi les foyers par leur sommet, et non par une façade. Ce modèle architectural suggère une société sans façade sociale explicite — tout le monde vivait dans le même moule, sans portail ni palier. Certains chercheurs suggèrent que cette absence d’entrée frontale renforçait le sentiment de sécurité et de cohésion collective. En somme, le toit à Çatal Höyük était bien plus qu’un abri : c’était une place publique, un seuil symbolique, une passerelle entre les familles.

Vingt mètres de hauteur : le tell Est

Le tell Est recèle dix-huit strates d’occupation, empilées sur près de 1 500 ans (de 7 400 à 6 200 av. J.-C.). Chaque strate correspond à une phase de reconstruction ou d’abandon, indiquant une remarquable stabilité dans l’implantation. L’accumulation des niveaux formait une colline artificielle d’environ 20 mètres, fruit de siècles de réédification. En moyenne, chaque phase durait entre 70 et 100 ans.

Fait fascinant : les maisons étaient souvent reconstruites exactement à l’emplacement des précédentes. On y perçoit une volonté de continuité, une mémoire architecturale transmise à travers les générations. Les méthodes modernes comme la micromorphologie des sols et les analyses isotopiques ont permis d’affiner les datations et de mieux comprendre le rythme de vie. Çatal Höyük n’était pas seul : d’autres tells, comme ceux de Jarmo ou de Jéricho, suivaient des logiques similaires. Chaque nouvelle maison n’effaçait pas totalement la précédente ; elle s’en inspirait, s’y ancrant parfois jusqu’à reprendre le même tracé de murs. Cette persistance des fondations montre que les habitants entretenaient une relation profonde avec le sol qu’ils foulaient. Les couches inférieures ne servaient pas uniquement de support : elles étaient aussi une archive, un palimpseste domestique. Le tell devenait ainsi un monument involontaire, une élévation née de la répétition. Plus qu’un simple amas, cette superposition constituait une forme d’histoire bâtie, où chaque étage racontait une époque. On observe également des différences dans la nature des sols, témoignant de périodes de stagnation, de changement climatique ou d’ajustement social. Certains niveaux sont plus sombres, plus humides, parfois riches en cendres — signe probable d’incendies accidentels ou de destructions volontaires. Les fouilles ont révélé que certains murs contenaient des restes de pigments anciens, récupérés et réintégrés dans les enduits récents : un véritable recyclage symbolique de la mémoire. Çatal Höyük, par la sédimentation de ses foyers, devient un site où la verticalité du temps est aussi tangible que l’horizontalité de l’espace.

Abandon et mutation vers le tell Ouest

Vers 6 200 av. J.-C., la population migra lentement vers une zone proche, donnant naissance au tell Ouest. Cette transition marque une évolution vers le Chalcolithique, période intermédiaire entre Néolithique et Âge du Bronze. Les maisons gagnèrent en complexité, avec parfois deux niveaux et de nouveaux dispositifs de stockage.

Les céramiques devinrent plus élaborées, souvent peintes, signes d’une culture matérielle en expansion. Cette migration fut sans doute motivée par des changements climatiques ou un épuisement des sols. L’archéologie révèle un usage plus intensif de l’espace domestique, avec des silos et des zones d’activité plus marquées. On assiste ainsi à un tournant : le début d’une différenciation économique naissante.

Les traces sédimentaires laissent supposer un assèchement progressif des zones humides alentour, réduisant la fertilité des terres agricoles. Il est possible que cette contrainte écologique ait forcé les habitants à expérimenter de nouveaux modes d’organisation spatiale. Les plans des maisons du tell Ouest montrent davantage de diversité dans la taille et la fonction des pièces, suggérant une spécialisation croissante des activités domestiques. On observe aussi une densité moins élevée : les habitations sont plus espacées, comme si un besoin d’intimité ou de distinction apparaissait. Les foyers y sont plus robustes, parfois pourvus de plateformes surélevées ou de bancs intégrés. Certaines structures possèdent des étages partiels, ce qui implique une amélioration des techniques de construction et un usage optimisé du volume vertical. Ce changement architectural pourrait traduire une évolution dans la gestion des ressources et des relations inter-familiales. Les objets retrouvés — céramiques peintes, outils en métal naissant, parures — indiquent des échanges plus intenses avec d’autres régions anatoliennes. On note aussi l’apparition d’aires de rejet plus structurées, signe d’une volonté d’organiser l’environnement au-delà du seul espace domestique. La transition entre les deux tells n’est donc pas un abandon brutal, mais une transformation lente et cumulative. Ce processus, étalé sur plusieurs générations, révèle la grande capacité d’adaptation de cette société face aux défis de son époque. Çatal Höyük entre alors dans une nouvelle phase de son histoire, où l’innovation technique côtoie les premières fissures de l’égalité originelle.

Une communauté égalitaire

Population et évolution démographique

Au sommet de son développement, Çatal Höyük s'étendait sur environ 13 hectares avec 2 000 foyers et jusqu'à 8 000 habitants regroupés en un réseau serré de petites habitations contiguës. Une densité surprenante, loin des paysages ruraux dispersés des premiers cultivateurs.

Les archéologues estiment cette population en croisant les dimensions du site et le nombre de structures visibles. Cette densité entraînait des défis sanitaires et sociaux majeurs : bruit, promiscuité, transmission de maladies. Les squelettes révèlent des pathologies comme des caries, des infections osseuses et des déformations dues au travail quotidien. La longévité moyenne restait faible, autour de 35 ans, mais certains individus dépassaient les 60 ans. Les enfants étaient nombreux dans les sépultures, preuve d’une mortalité infantile élevée. Pour vivre dans cet entassement, des normes implicites de respect et de coopération étaient nécessaires.

Égalité matérielle et absence de hiérarchie

Rien de comparable à un centre cérémoniel, un palais ou des espaces réservés : chaque maison affichait un niveau de confort relativement équivalent. Les objets domestiques, les foyers, les cuves, les outils étaient très semblables d’une habitation à l’autre. Cette homogénéité suggère une répartition égalitaire des ressources et des fonctions.

Mais l’égalité matérielle ne signifie pas absence de complexité sociale. Des leaders informels ont pu exister, incarnant une autorité rituelle ou mémorielle sans domination permanente. Les fouilles révèlent que certains foyers possédaient plus de peintures ou d’objets rituels, mais sans qu’une structure pyramidale ne se dessine. L’absence de murs défensifs confirme cette impression d’une société relativement pacifiée. L’obsidienne, matériau rare, est distribuée équitablement. Une société fondée sur l’interdépendance plus que sur la hiérarchie.

Organisation sociale et funéraires

Les morts reposaient sous les sols des maisons, dans des fosses creusées entre les fondations. Ils étaient souvent placés en position fœtale, parfois accompagnés d’objets personnels. Il arrivait que les tombes soient rouvertes pour déplacer ou manipuler les ossements. Certains crânes, peints ou modelés, étaient conservés ou portés lors de cérémonies.

Les hommes comme les femmes faisaient l’objet des mêmes attentions funéraires. Des analyses récentes montrent une égalité remarquable dans le régime alimentaire et la position dans la maison. Certaines maisons contenaient plus de sépultures, suggérant une importance familiale ou symbolique accrue. À Çatal Höyük, la maison est à la fois lieu de vie, de mémoire et de mort. Une architecture du quotidien, mais aussi du sacré.

Les archéologues ont identifié jusqu’à 60 individus inhumés sous une seule maison, ce qui implique une forme de filiation ou d’héritage intergénérationnel. La position fœtale, courante dans ces sépultures, pourrait symboliser le retour à la terre ou à l’origine. Les objets funéraires — perles, lames d’obsidienne, outils en os — variaient peu d’un sexe à l’autre, ce qui renforce l’idée d’une société égalitaire jusque dans la mort. Il est aussi remarquable que les nourrissons soient parfois enterrés dans des récipients en céramique, comme dans un cocon rituel. Certaines tombes ont été volontairement scellées, d'autres laissées ouvertes ou remaniées, peut-être pour maintenir un lien actif avec les ancêtres. Les traces de manipulation post-mortem indiquent que les défunts continuaient de « vivre » dans la maison, au sein de la communauté. Cette intégration des morts au cœur même de l’espace domestique rend toute séparation entre profane et sacré artificielle. Il n’y avait pas de nécropole distincte, pas de division entre les vivants et les morts, mais une continuité organique. Chaque maison devenait ainsi une microcosmogonie : elle abritait les vivants, honorait les morts, et perpétuait la mémoire. Des analyses isotopiques ont aussi révélé que les membres d’un même foyer ne partageaient pas toujours le même régime alimentaire, laissant penser à une diversité de statuts ou d’origines. Le rôle des femmes dans les sépultures semble identique à celui des hommes, sans hiérarchie apparente. Dans certains cas, les crânes retrouvés étaient couverts d’un enduit rouge, probablement de l’ocre, soulignant un traitement rituel spécifique. L’ensemble de ces données montre une société qui ritualisait la mort sans la monumentaliser, et qui liait étroitement mémoire, sol, et quotidien.

Statuette féminine de Çatal Höyük - possible déesse-mère
Une figurine féminine découverte à Çatal Höyük, longtemps associée à une hypothétique « déesse-mère » du Néolithique.

La spiritualité au quotidien

Peintures, bas-reliefs et symboles

Les murs intérieurs, souvent recouverts d’enduits, formaient des toiles d’expression sacrée : taureaux, figures anthropozoomorphes, scènes de chasse stylisées ou rituelles. Plus qu’une décoration, il s’agissait d’un langage visuel dense, condensé dans un espace intimiste.

Certaines peintures montrent des léopards affrontés, des mains humaines, des cercles énigmatiques. Les pigments utilisés — ocre rouge, charbon, blanc de chaux — étaient appliqués avec précision. Les scènes de chasse, bien que stylisées, semblent relever plus du mythe que du récit quotidien. Dans les niveaux anciens, ces fresques sont fréquentes, mais elles déclinent dans les strates récentes. Des niches murées contenaient parfois des objets sacrés. Ces signes dessinent une religion incorporée à l’espace domestique.

Une “déesse-mère” contestée

Des figurines féminines aux hanches larges ont longtemps alimenté le mythe d’une religion matriarcale. On les retrouve parfois assises entre deux félins, dans des postures de domination. Mais ces objets représentent moins de 5 % des trouvailles, et leur interprétation est sujette à débat.

La majorité des statuettes est fragmentée, non genrée ou zoomorphe. Rien ne permet d’affirmer un culte centralisé. L’idée d’une « grande déesse » est aujourd’hui remise en cause par les archéologues. Il semble plus juste de parler d’une symbolique plurielle, où fertilité, animalité et ancestralité coexistent. Une spiritualité fluide, sans panthéon défini.

Les premières interprétations ont été influencées par les idéaux modernes du féminisme et de l’éco-spiritualité, projetant sur ces artefacts des valeurs contemporaines. Pourtant, les contextes de découverte — souvent dans des décharges, ou brisées près des foyers — ne soutiennent pas l’idée d’un objet vénéré. Certaines statuettes semblent avoir été intentionnellement détruites, peut-être à l’issue d’un cycle rituel. D’autres, beaucoup plus grossières, pourraient avoir été modelées par des enfants. Le style varie considérablement selon les niveaux, suggérant des significations multiples et évolutives. Il est possible que ces objets aient eu des fonctions domestiques, pédagogiques ou même thérapeutiques. Plusieurs archéologues avancent qu’il s’agirait plutôt de talismans ou d’objets liés à des mythes locaux, sans portée universelle. À ce jour, aucun espace de culte exclusif dédié à ces figurines n’a été identifié à Çatal Höyük. La prudence reste donc de mise : ce que nous voyons comme divin était peut-être, pour eux, simplement intime.

Objets cultuels et pratiques rituelles

Les cornes de taureaux, fixées dans les murs, formaient des autels domestiques. Certains foyers comportaient des aménagements complexes, peut-être réservés à des rites. Chaque maison était potentiellement un temple miniature.

Le sacré ne résidait pas dans un bâtiment spécifique, mais dans les gestes répétés du quotidien. L’absence d’écriture ne signifie pas absence de pensée religieuse : les symboles sont partout. Le foyer, la niche, le mur peint : autant d’autels improvisés. On ne priait pas un dieu lointain, mais les ancêtres, les forces animales, la terre nourricière.

Au carrefour d’agriculture, artisanat et commerce

Agriculture naissante et élevage réservé

Les habitants cultivaient le blé amidonnier, l’orge nue, les pois, les lentilles. Le sol, enrichi par les crues saisonnières, permettait des récoltes régulières. On utilisait probablement des bâtons de fouille, et des techniques de brûlis pour nettoyer les terres.

L’élevage concernait les moutons et les chèvres, tandis que le bœuf, rare, conservait une valeur rituelle. Les jarres de stockage servaient à entreposer les grains. On a retrouvé des silos collectifs dans certaines maisons. La sédentarité s’affirme : on pense désormais le « chez-soi » comme lieu d’attachement matériel. Ce lien profond entre alimentation, maison et rituel fonde les premières expériences de culture intensive, avec un savoir empirique transmis de génération en génération.

Commerce d’obsidienne et échanges lointains

L’obsidienne, roche volcanique d’un noir éclatant, était taillée sur place. Sa dureté permettait la fabrication de lames, grattoirs, pointes de flèches. Elle provenait des volcans du centre anatolien, à plus de 190 km.

Ces échanges impliquaient un réseau bien organisé. D’autres objets, comme les coquillages marins ou les pigments rares, attestent de contacts lointains. Les maisons contenaient parfois de petits ateliers de taille. Çatal Höyük servait peut-être de plaque tournante dans ce commerce interrégional. Ce réseau suggère non seulement des relations économiques, mais aussi culturelles, avec des influences partagées entre communautés distantes.

Un regard sur les inégalités naissantes

Dans les dernières strates, certains foyers concentrent plus d’objets de valeur. Quelques maisons contiennent des bijoux, des figurines, des poteries fines. Des différences de taille entre les foyers sont également observées.

Rien de comparable à une élite, mais des disparités émergent. L’homogénéité initiale commence à se fissurer. C’est peut-être le prélude aux sociétés hiérarchisées du Proche-Orient. Çatal Höyük, alors, n’est plus seulement une ville primitive : elle devient le miroir de nos futurs. Cette lente transformation révèle les tensions fondatrices des civilisations ultérieures : entre coopération et possession, entre mémoire commune et prestige individuel.

Intérieur d’une maison de Çatal Höyük - vie quotidienne néolithique
Scène de la vie familiale à Çatal Höyük, où les espaces privés et sacrés se confondent.

Çatal Höyük, la première ville de l’humanité ?

La question semble simple, presque évidente : Çatal Höyük fut-elle la première ville du monde ? Pourtant, elle appelle une réponse plus subtile qu’un simple oui ou non. Car si l’on regarde la densité de la population, la sédentarité, la complexité sociale, l’organisation de l’espace, alors oui : Çatal Höyük possède les attributs d’une ville. C’est une agglomération dense, stable sur plus d’un millénaire, où des milliers d’individus vivent, travaillent, échangent, se transmettent des savoirs et des rituels.

Mais si l’on exige, pour définir une ville, l’existence d’une hiérarchie sociale marquée, d’un pouvoir centralisé, d’une spécialisation poussée des tâches, de monuments publics, de rues organisées, alors non : Çatal Höyük est autre chose. Elle est un prototype, une « proto‑ville ». Un laboratoire de la vie en commun, un essai collectif sans domination ni architecture monumentale.

Ce qui rend Çatal Höyük fascinante, c’est précisément cette position ambiguë. Elle n’est pas une cité‑État à la mésopotamienne, comme Uruk qui apparaîtra 3 000 ans plus tard. Elle n’a ni roi, ni temple, ni murailles. Mais elle possède les fondations symboliques et sociales de la ville : un tissu humain dense, des pratiques partagées, une organisation spatiale cohérente. Une ville sans urbanisme, mais non sans urbanité.

Peut-être faut-il accepter que l’histoire ne commence pas par une rupture, mais par des tâtonnements. Çatal Höyük est un seuil. Elle n’est pas la ville au sens classique, mais elle en est la matrice. Une ville possible, avant l’invention du pouvoir. Une ville de plain‑pied avec les ancêtres, les bêtes, les saisons. En cela, elle est unique.

Sources et approfondissements

Pierre Crépon, Un Village d’agriculteurs en Asie Mineure il y a 8 000 ans : Çatal Höyük, Albin Michel‑Jeunesse, 1988

National Geographic France, « Çatal Höyük, la première ville du monde, était égalitaire », juin 2020

Passionné d'explorations anciennes ? Partez à la découverte d'autres fascinantes trouvailles archéologiques sur notre site.

Plongez au cœur de la préhistoire et explorez d'autres récits fascinants sur les premiers pas de l'humanité.

Retrouvez-nous sur : Logo Facebook Logo Instagram Logo X (Twitter) Logo Pinterest

Les illustrations ont été générées par intelligence artificielle pour servir le propos historique et afin d’aider à l’immersion. Elles ont été réalisées par l’auteur et sont la propriété du Site de l’Histoire. Toute reproduction nécessite une autorisation préalable par e-mail.

Commentaires