La Bataille de Los Angeles (1942) : OVNI (PAN), panique et blackout sur la Californie

Ciel nocturne de Los Angeles illuminé par des projecteurs et des obus en 1942 lors de la Bataille de Los Angeles
L’armée américaine tire contre un ennemi invisible.

Février 1942 : Los Angeles tire 1 400 obus contre un ennemi invisible. Plongez dans le récit haletant de la Bataille de Los Angeles.

Nuit d’angoisse sur la Cité des Anges — Introduction

Los Angeles, 24 février 1942. À peine deux mois se sont écoulés depuis l’attaque de Pearl Harbor et la population californienne vit au rythme haletant des alertes aux sous-marins. Ce soir-là, pourtant, nul ne s’attend à ce que les sirènes de la défense civile transpercent la nuit et obligent quatre millions d’âmes à plonger dans l’obscurité complète. Pendant près de cinq heures, plus de 1 400 obus antiaériens griffent le ciel sans qu’aucun avion ennemi ne soit jamais abattu : un déluge de feu qui laissera cinq civils morts, des toits déchiquetés et un mystère persistant qui nourrira autant les journaux que l’imagination populaire. Des groupes de familles réfugiées sur les collines de Griffith Park, malgré l’ordre de rester abritées, diront plus tard avoir vu « une aube artificielle » s’allumer au-dessus de Santa Monica. Dans les casernes alentour, de jeunes artilleurs, mobilisés quelques semaines plus tôt, vivent leur baptême du feu en tirant sans jamais apercevoir clairement la silhouette d’un appareil.

Dès le lever du jour, la presse évacue toute nuance : « L’Armée tire sur des fantômes ! » titre le Los Angeles Times, tandis que le secrétaire à la Marine, Frank Knox, parle de « fausse alerte ». Pourtant, sur les trottoirs jonchés d’éclats de shrapnel, beaucoup jurent avoir vu des formes lumineuses évoluer au-dessus des projecteurs. Les chroniqueurs de la radio KNX, qui commentaient encore la météo quelques minutes avant les sirènes, improvisent six heures de direct et recueillent plus d’un millier de témoignages téléphoniques en une matinée. À Washington, les bulletins des agences UP et AP déclenchent un emballement national : l’histoire deviendra l’un des tout premiers « fil d’actualité en continu » de la Seconde Guerre mondiale.

Les prémices de la panique

La côte Ouest sous tension

Depuis le bombardement japonais d’Ellwood, le 23 février 1942, la rumeur d’un débarquement sur la côte Pacifique court de San Diego à Seattle. Les radars SCR-268, tout nouveaux, multiplient les signaux parasites ; chaque écho devient une menace potentielle. À 19 h 18, le 24 février, l’Office of Naval Intelligence annonce qu’une attaque est « probable dans les dix heures ». Les habitants couvrent leurs fenêtres de papier goudronné, tandis que les batteries du 37ᵉ Coast Artillery Brigade braquent déjà leurs canons vers la baie de Santa Monica. Le long de la Highway 1, des patrouilles de la Highway Patrol filtrent les automobilistes et contrôlent les phares, transformant la célèbre route côtière en ruban noir. Dans l’arrière-pays, les exploitations d’agrumes du comté d’Orange plongent elles aussi dans l’ombre, témoignant de la mobilisation totale d’un littoral de 1 500 km.

Premiers signaux, premières erreurs

Peu après 2 h du matin, les radars détectent une « formation volante » à 190 km/h, 190 km au large. L’ordre de blackout est immédiat ; la ville s’éteint. Or, entre réfraction sur la couche d’inversion marine et ballons météorologiques lâchés par inadvertance, la plupart des échos sont des fantômes électroniques. Un ballon captif pourrait même avoir déclenché toute la séquence de tir : une hypothèse confirmée par un rapport de l’US Office of Air Force History publié en 1983. Les opérateurs des stations d’écoute au sol rapportent également des bruits de moteurs… identifiés plus tard comme les ronflements amplifiés de générateurs d’usine réverbérés par les nuages bas. Cette accumulation d’artefacts sonores et visuels, dans un contexte de peur généralisée, crée une boucle de rétro-panique que l’armée est incapable de briser à temps.

Le ciel s’embrase

Les projecteurs croisent leurs lames de lumière

À 3 h 16, les premiers canons de 12,8 lbs entrent en action. Douze projecteurs balayent la voûte noire et finissent par se rejoindre sur un point brillamment illuminé au-dessus de Culver City. Les témoins décrivent une « soucoupe » ou un « zeppelin fantôme », tandis que les photographes du Los Angeles Times immortalisent un halo entouré de faisceaux lumineux — cliché qui deviendra l’icône de tous les amateurs d’OVNI. Les servants de projecteurs, postés sur les toits d’entrepôts, crient leurs positions par radio afin de synchroniser la nappe lumineuse, donnant à la scène des allures de ballet martien. Les pilotes de chasse du 4ᵉ Interceptor Command, prêts au décollage sur la base de Long Beach, resteront finalement cloués au sol : l’état-major craint la confusion totale dans un ciel saturé d’éclats.

Fragments d’acier et frayeurs mortelles

Les obus explosent haut dans le ciel, retombant sous forme d’éclats incandescents sur les carrosseries et les toits de tuiles espagnoles. Trois civils meurent dans des accidents de voiture provoqués par la panique ; deux autres succombent à une crise cardiaque. Lorsque le « All Clear » retentit enfin à 7 h 21, un épais nuage de fumée flotte encore au-dessus de la métropole. Les assureurs chiffreront les dégâts matériels à l’équivalent de plusieurs centaines de milliers de dollars actuels, principalement pour des vitres soufflées et des cheminées éventrées. Dans les jours suivants, des enfants collectionneront les éclats de shrapnel comme des trophées, alimentant les conversations de cours de récréation et propageant un imaginaire guerrier inédit en Californie.

Enquête officielle et bataille médiatique

Frank Knox face aux micros

Le 25 février, le secrétaire à la Marine convoque la presse au Pentagone. « Fausse alerte », tranche-t-il, accusant la « war nerves » — la nervosité d’une nation sur le qui-vive. Pourtant, le congressman Leland Ford réclame une commission d’enquête : veut-on dissimuler une incursion japonaise ? Ou un exercice secret destiné à tester les défenses civiles ? Les journaux de la côte Ouest s’enflamment ; la paranoïa aussi. Dans les éditoriaux du Los Angeles Examiner, certains dénoncent déjà « un rideau de fumée bureaucratique » comparable à celui de Pearl Harbor. La Maison-Blanche, de son côté, mandate le FBI pour interroger plus de 500 témoins, mais la plupart des procès-verbaux demeureront classifiés pendant quarante ans.

Théories en cascade

Au cours des décennies suivantes, trois grandes explications s’opposent :

  • La bévue militaire — un ballon météo allume la mèche et l’artillerie affolée enchaîne ;
  • La diversion japonaise — des hydravions décollés de sous-marins destinés à semer la panique ;
  • Le mystère exogène — version privilégiée par les ufologues, surtout depuis la déclassification partielle de plusieurs rapports en 1980. Ces derniers soulignent que les radars ont ré-acquis des cibles plusieurs minutes après l’explosion du fameux ballon.

Un quatrième scénario, moins connu, évoque un test grandeur nature des toutes premières fusées anti-aériennes, théorie relancée par la découverte d’esquisses de missiles AA-I dans les archives de l’Army Ordnance Corps. La persistance de versions contradictoires illustre la manière dont les « zones grises » de la Seconde Guerre mondiale continuent d’alimenter la culture conspirationniste contemporaine.

Héritage et résonances contemporaines

Hollywood s’empare de la légende

Dès 1947, Steven Spielberg, à peine adolescent, collectionne les coupures de presse pour un projet qui deviendra plus tard 1941. De leur côté, les studios Universal transforment la photographie mythique en affiche pour leur attraction « Dark Skies ». Même le groupe Rage Against the Machine intitule son album 1999 The Battle of Los Angeles, propulsant l’expression dans la culture pop mondiale. En 2011, le jeu vidéo L.A. Noire propose une mission bonus inspirée de la nuit du 24 février, preuve que l’événement reste un vivier narratif pour les industries créatives. Plus récemment, la série Project Blue Book (History Channel) a consacré un épisode entier à la reconstitution du blackout, mélangeant effets spéciaux et archives d’époque pour un public de quinze millions de téléspectateurs.

Ufologues et quête de vérité

L’essor des réseaux sociaux a rouvert le dossier. Chaînes YouTube, podcasts et forums Reddit dissèquent chaque cliché, chaque témoignage sonore. Le dernier livre en date, Cold Case OVNIs : La Bataille de Los Angeles (163 pages, 2023), propose une reconstitution heure par heure à partir de documents récemment désignés « non classifiés » par l’US Navy. En France, le GEIPAN — groupe du CNES chargé d’étudier les phénomènes aérospatiaux non identifiés — référence désormais l’incident dans sa base de données comme « cas historique majeur », preuve d’un intérêt institutionnel transatlantique. Et chaque 25 février, des passionnés se retrouvent au pied du phare de Point Fermin pour commémorer la « plus grande bataille aérienne sans adversaire de l’Histoire ».

Sources et pour aller plus loin

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