L’origine mythologique oubliée des Jeux Olympiques : les récits sacrés des Éléens

Les mythes oubliés des Éléens révèlent une origine sacrée et divine des Jeux Olympiques, bien avant Pélops ou Héraclès : un voyage au cœur des traditions les plus anciennes.

Aux origines sacrées d’Olympie : entre dieux et légendes

Bien avant que les Jeux Olympiques ne deviennent le symbole de l’unité grecque, bien avant que l’on n’admire les statues d’athlètes dans les palestre et que les cités rivales se retrouvent dans une trêve sacrée, les Éléens de la cité grecque aujourd'hui en Italie d'Élée, conservaient une tradition bien plus ancienne et solennelle sur leur genèse. Selon Pausanias, qui reprend leur discours dans le Livre V de sa Description de la Grèce, cette tradition mythologique remonte à l’âge d’or, celui du règne de Kronos, un temps où les hommes vivaient en harmonie sous la loi divine. C’est à cette époque fondatrice qu’aurait été édifié un temple à Olympie en l’honneur de Kronos, « le premier à avoir reçu la basileia (la royauté) sur le ciel ».

Loin de n’être qu’un site sportif, Olympie était alors un haut lieu sacré, un espace de contact entre les sphères humaine et divine. La mémoire des Éléens, en quête de légitimation face à d’autres traditions helléniques, semble avoir été nourrie par une volonté d’inscrire leur passé dans l’ordre mythique le plus ancien, bien en amont des héros et des dynasties.

Les Dactyles de l’Ida : gardiens de Zeus et fondateurs des premiers concours

La course sacrée des Dactyles

Au cœur de cette origine sacrée se trouvent les Dactyles de l’Ida, mystérieux personnages issus des légendes crétoises. Chargés de protéger l’enfant Zeus des appétits dévorants de Kronos, ils seraient venus de Crète jusqu’au sanctuaire d’Olympie, porteurs d’un savoir rituel ancestral. Une fois Zeus à l’abri, ils auraient organisé une course entre eux sur le sol d’Olympie, dans un geste fondateur : la première compétition.

Cette compétition, qui aurait opposé les frères sur la terre d’Olympie, symbolisait à la fois la rivalité fraternelle et l’hommage rendu au jeune dieu. Il ne s’agissait pas de jeux au sens profane, mais d’un rituel de passage inscrit dans l’ordre cosmique, visant à consacrer un espace sous la protection divine.

L’olivier sauvage : symbole de victoire

Le vainqueur de cette course aurait reçu pour récompense une couronne d’olivier sauvage (kotinos), ramassée sur un arbre sacré qui ne poussait que dans l’enceinte d’Olympie. Ce geste, anodin en apparence, ancre profondément le concours dans le monde sacré : la nature elle-même, par cet arbre, participe à l’institution du rite.

L’arbre lui-même était perçu comme sacré, associé à la sagesse d’Athéna mais aussi, à Olympie, à la faveur divine de Zeus. Ce choix renforce l’idée d’un prix moral et religieux, et non simplement honorifique, au sein de ces concours premiers, où chaque geste avait une portée cosmique.

Zeus contre Kronos : le duel divin pour la souveraineté

Le combat pour la basileia

Dans cette tradition éléenne, Zeus n’est pas seulement le dieu protecteur des Jeux ; il en serait aussi l’un des premiers compétiteurs. Après avoir grandi dans le secret, le jeune dieu revient sur les terres d’Olympie pour y défier son père Kronos. Il ne s’agissait pas simplement d’un affrontement physique, mais d’un combat rituel « pour le pouvoir » (nepi tês archês), c’est-à-dire pour la souveraineté universelle.

Ce duel n’est pas qu’un épisode mythologique : il reflète la structuration de l’ordre divin et humain, où la victoire de Zeus sur Kronos marque l’avènement d’une ère nouvelle. Le site d’Olympie, dès lors, devient le théâtre sacré de cette légitimation cosmique, la scène d’un renversement fondamental de l’ordre ancien.

Les dieux en compétition

Mais Zeus ne fut pas le seul à concourir : d’autres dieux participèrent à ces joutes fondatrices. Apollon, Hermès, Arès, entre autres, s’y seraient affrontés, non pas pour régner, mais dans un esprit de compétition pure, comme pour célébrer l’harmonie et la beauté des gestes.

Le fait que ces concours entre dieux n’impliquent pas la conquête du pouvoir montre l’évolution vers une célébration de la paix, de la beauté physique et de la maîtrise de soi. Cette tradition met en lumière une pédagogie divine que les Grecs antiques chercheront à imiter dans leurs propres concours, où l’idéal de mesure et d’équilibre se substitue à la brutalité des affrontements.

Des héros aux hommes : la transmission des Jeux

Klyménos et l’héritage crétois

Cinquante ans après le grand déluge mythologique, une autre figure venue de Crète, Klyménos, refait surface dans les récits éléens. Descendant des Dactyles, il revient à Olympie pour organiser à nouveau des concours sacrés, érigeant des autels pour honorer ses ancêtres. Il dédie notamment un autel à Héra Olympia, fait de cendres, un autel unique dans tout le sanctuaire.

Cette figure, parfois marginalisée dans les grands récits panhelléniques, trouve chez les Éléens une place fondatrice dans la mémoire religieuse locale. L’acte de dédier un autel à Héra montre aussi une volonté d’ancrer la pratique sportive dans un cadre familial et civique, non exclusivement viril.

Endymion et la course pour le pouvoir

Le flambeau passe ensuite à Endymion, fils d’Aithlios et amant de Séléné, la Lune. À son tour, il institue une course à Olympie, mais cette fois entre ses fils : non plus pour honorer les dieux, mais pour déterminer son successeur. Épéios l’emporte et devient roi, dans une scène où la compétition sportive devient un critère de légitimité dynastique.

Le lien entre l’épreuve sportive et la succession politique souligne combien le mérite physique et la grâce divine étaient mêlés dans la légitimation du pouvoir. Cette scène, bien que mythique, reflète aussi une réalité des royautés archaïques où la compétition pouvait trancher des conflits d’héritage.

Pélops : le héros fondateur

C’est alors que Pélops, venu d’Asie mineure, entre dans la légende. Désireux d’épouser Hippodamie, il défie son père, le roi Oinomaos, dans une course de chars. Vainqueur — grâce, dit-on, à l’intervention divine ou à une tricherie de son cocher — Pélops prend le pouvoir et organise des jeux en l’honneur de Zeus Olympien.

Ce récit, popularisé dans les traditions panhelléniques, est emblématique de la manière dont un héros venu d’ailleurs peut se greffer à une terre pour la faire sienne. Par son action, Pélops sacralise les jeux, tout en marquant la transition entre des épreuves divines et leur intégration dans un cadre politique et dynastique.

Héritages et interprétations : entre mythes locaux et panhellénisme

Les versions concurrentes

Les récits éléens, riches et anciens, coexistent avec d’autres traditions issues de cités rivales. Ainsi, chez Pindare, c’est Héraclès, fils d’Alcmène, qui fonde les Jeux après sa victoire contre Augias. Cette version panhellénique efface en partie les figures locales pour imposer un héros universel, plus rassembleur à l’échelle du monde grec.

Ces divergences reflètent également les tensions géopolitiques entre cités grecques, chacune souhaitant rattacher à elle-même l’origine des institutions les plus sacrées. Le mythe devient ainsi un outil politique, permettant de forger une mémoire collective compatible avec les intérêts de chaque communauté.

La mémoire d’Olympie

Pausanias, au IIe siècle de notre ère, rassemble et transcrit ces récits dans son œuvre monumentale. En parcourant les ruines du sanctuaire, il fait dialoguer les pierres, les statues et les traditions orales, offrant une synthèse précieuse pour les historiens modernes. La lecture de Pausanias offre une stratification temporelle des récits, entre les témoignages des prêtres locaux et les vestiges visibles de son époque. Cette compilation devient un pont entre légende et réalité, contribuant à fixer la topographie sacrée des concours olympiques.

Sources et références

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