Leif Erikson : le premier Européen à avoir découvert l’Amérique, 500 ans avant Christophe Colomb

Leif Erikson aurait atteint l’Amérique 500 ans avant Colomb. Découvrez son incroyable épopée viking, entre sagas, Groenland et archéologie.

Leif Erikson : héritier de l’exil

Un fils de l’ombre

Leif Erikson, ou Leifr Eiríksson en vieux norrois, naît vers 970 après J.-C., probablement en Islande. Il est le fils d’Erik le Rouge, un Norvégien exilé pour meurtre, qui fondera plus tard la première colonie permanente européenne au Groenland.

Dans cette lignée de bannis et de pionniers, Leif grandit entre la légende et l’adversité. Son père, Erik le Rouge, incarne la violence impitoyable d’une époque où la justice se rend par le fer. Condamné en Norvège, puis à nouveau en Islande, il est contraint de partir encore plus à l’ouest — vers une terre blanche qu’il baptisera Groenland, la "terre verte", dans un geste de propagande ironique.

Leif est élevé dans cette culture de l’exploration, de l’exil et de la survie. Il n’est pas un conquérant au service d’un empire, mais l’héritier d’une tradition viking de quête et de courage.

La vie au Groenland à l'époque de Leif Erikson

Lorsque Leif Erikson grandit au Groenland, la colonie fondée par son père, Erik le Rouge, était encore jeune et en pleine expansion. Établie vers 985 dans la région de Brattahlíð (aujourd'hui Qassiarsuk), la colonie comptait plusieurs centaines d'habitants répartis en fermes isolées le long des fjords.

Les colons vivaient principalement de l'élevage (moutons, bovins) et de la chasse (phoques, caribous), complétés par la pêche. Le climat, bien que plus clément qu'aujourd'hui, restait rigoureux, imposant une adaptation constante aux conditions environnementales.

Les habitations étaient construites en tourbe et en pierre, avec des toits enherbés pour l'isolation. La vie sociale s'organisait autour de l'assemblée locale, le thing, et les liens avec l'Islande étaient maintenus par des voyages réguliers, bien que périlleux. Cette existence austère forgeait des individus résilients, habitués à l'autosuffisance et à la navigation en haute mer.

Une jeunesse forgée dans le froid

Bien qu’aucun texte ne décrive en détail sa jeunesse, il est raisonnable de supposer que Leif, en tant que fils de jarl, a reçu une éducation rigoureuse. Il aurait appris à naviguer à l’astrolabe rudimentaire, à lire les étoiles, à manier les armes, et à gérer des hommes. La vie au Groenland était rude : pêche, chasse au phoque, construction en tourbe… rien ne laissait place à la faiblesse.

L’appel de l’ouest : les premières rumeurs de Vinland

Bjarni Herjólfsson et la terre vue par hasard

En 986, Bjarni Herjólfsson, un marchand islandais, quitte l’Islande pour rejoindre son père récemment installé au Groenland. Mais une tempête détourne sa route. Perdu dans le brouillard et les vents contraires, il aperçoit plusieurs terres à l’ouest, successivement boisées, montagneuses et fertiles.

Ce qu’il voit, selon la Saga des Groenlandais, intrigue : « Ils virent des forêts, des collines, et des plages de sable blanc. » Il ne débarque pas, jugeant sa mission plus urgente. Mais cette brève vision d’un monde inconnu enflamme l’imaginaire de ses contemporains.

Dans les longues nuits nordiques, ce récit devient murmure de promesse. Une terre plus chaude, couverte de forêts, à portée de rame ? Pour Leif, l’appel est irrésistible.

Une décision risquée

Vers l’an 1000, Leif Erikson rachète le navire de Bjarni et monte sa propre expédition. Ce choix est audacieux : naviguer vers une terre jamais foulée, avec une trentaine d’hommes, sans carte, sans boussole. Mais la mer est l’univers des Vikings, et Leif ne craint pas l’inconnu.

L’expédition vers le Vinland

Le voyage vers l’inconnu (description immersive inspirée des sagas)

Le drakkar quitte le Groenland, cap à l’ouest. La mer est froide, indifférente. Les hommes chantent pour se donner du courage. La brume avale l’horizon. Après plusieurs jours, une terre apparaît. Puis une autre. Enfin, une troisième.

Les sagas ne datent pas précisément le voyage, mais les terres qu’ils explorent sont claires :

  • Helluland : « une terre de pierres plates » — probablement l’île de Baffin.
  • Markland : « terre boisée » — le Labrador, aux vastes forêts.
  • Vinland : une contrée douce, riche en baies et pâturages — sans doute Terre-Neuve.

Le Vinland semble hospitalier. Ils décident d’y passer l’hiver.

La vie dans le Vinland : entre mythe et archéologie

Une colonie éphémère

Les sagas décrivent l’établissement d’un campement. Leif et ses hommes construisent des maisons en bois et passent l’hiver dans ce nouveau monde. Ils chassent, pêchent, découvrent une baie aux fruits sucrés. L’endroit est si fertile qu’ils le nomment Vinland.

Cette description trouve un écho saisissant dans la découverte en 1960 de L’Anse aux Meadows, à Terre-Neuve : huit bâtiments aux murs de tourbe, un atelier de forge, des objets typiquement scandinaves. C’est aujourd’hui un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO — et la seule preuve matérielle d’une présence viking en Amérique.

Rencontre avec les peuples autochtones : les Skrælings

Les sagas parlent d’un autre type de découverte : des hommes à la peau sombre, vêtus de peaux, armés d’arcs. Les Vikings les appellent Skrælings. On ignore si ce mot était péjoratif, mais il désigne ici les peuples autochtones.

Les échanges sont d’abord pacifiques — échanges de peaux contre du lait, dit la saga. Mais tout bascule : un malentendu, une attaque, des morts. Les relations deviennent hostiles.

On pense aujourd’hui que les Skrælings pourraient être des Béothuks, peuple autochtone de Terre-Neuve, ou des Dorsétiens/Inuits plus au nord. Leur culture était riche : chasse à la baleine, vénération des esprits animaux, artisanat en ivoire. Ces peuples avaient une connaissance intime du territoire — bien supérieure à celle des colons éphémères venus du nord.

Le retour de Leif et sa postérité

Leif le Chanceux

Leif quitte Vinland et revient au Groenland. En chemin, il sauve un équipage en détresse. Ce geste lui vaut le surnom de Leif the Lucky, « Leif le Chanceux ».

Il ne retourne jamais au Vinland. Mais d’autres essaieront : son frère Thorvald Erikson, qui mourra lors d’un affrontement avec les Skrælings, et d’autres expéditions de courte durée, sans lendemain.

Pourquoi l’histoire a-t-elle oublié Leif Erikson ?

Malgré cet exploit extraordinaire — atteindre le continent américain depuis l’Europe — l’histoire européenne l’a largement ignoré pendant des siècles.

Plusieurs raisons expliquent cet oubli :

  • Aucune colonie permanente n’a été fondée. Le Vinland est resté une halte, non une conquête.
  • L’Europe médiévale se tourne vers l’Est, vers Jérusalem et les croisades. L’Ouest n’intéresse personne.
  • Leif ne laisse pas de traces écrites. Son histoire survit uniquement par la transmission orale des sagas.
  • La domination espagnole sur le récit de la « découverte » de l’Amérique efface tout ce qui précède 1492.

Ce n’est qu’au XIXe siècle, avec le regain d’intérêt romantique pour les sagas nordiques, puis grâce aux fouilles de Helge Ingstad à L’Anse aux Meadows, que Leif Erikson retrouve une place dans l’histoire.

Aujourd’hui encore, il reste méconnu du grand public — bien qu’aux États-Unis, le Leif Erikson Day (le 9 octobre) rende hommage à son aventure.

Conclusion – Leif Erikson, pionnier oublié de l’Amérique

Oui, il est aujourd’hui admis que des Vikings, très probablement sous la conduite de Leif Erikson, ont atteint le continent américain vers l’an 1000, soit près de 500 ans avant Christophe Colomb. Mais faute de colonie durable, leur mémoire s’est effacée, reléguée au rang de mythe jusqu’à ce que l’archéologie vienne, mille ans plus tard, en révéler la part de vérité.

Leif Erikson n’était ni conquérant ni prophète. Il fut simplement un homme du nord, mû par l’audace et la curiosité, qui osa franchir l’océan. Son histoire, aussi discrète que fondamentale, est celle des explorateurs silencieux, que le monde n’écoute qu’après les avoir oubliés.

Source bibliographique

Julie Lorang, Leif Ericson et la découverte de l'Amérique : un Viking en route pour le Canada , Éditions 50Minutes, 2014.

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