Charles VI le Fou : folie d’un roi, ruine d’un royaume au cœur de la guerre de Cent Ans
Plongée dans le règne tragique de Charles VI le Fou, entre folie, incendie, guerre civile et traité de Troyes qui livre la France aux Anglais.
Le roi brisé : du renouveau espéré à la malédiction dynastique
Un royaume à reconstruire, un roi plein d’espoir
L'année est 1392, et le royaume de France est en proie à la guerre de Cent Ans contre l'Angleterre. Charles VI, successeur de son père Charles V, règne sur une France en plein renouveau. Soutenu par ses conseillers, les Marmousets, le roi se montre ambitieux et audacieux. Mais la destinée prend un tournant tragique lors d'une campagne contre le duc de Bretagne, Jean IV.
Cette période, bien que marquée par les stigmates des conflits passés, s’annonce comme celle d’une renaissance sous l’impulsion d’un jeune roi plein d’espoir. Pourtant, derrière les fastes de la cour, le royaume reste fragile, miné par les tensions nobiliaires et les souvenirs cuisants des défaites récentes.
Une prophétie inquiétante dans les ténèbres de la forêt
Alors que Charles VI et son armée pénètrent dans la mystérieuse forêt du Mans, un vieillard énigmatique croise leur chemin. D'une voix chevrotante, il prédit au roi une trahison imminente. Le souverain, déjà préoccupé par les tourments de la guerre, est ébranlé par les paroles du vieil homme. La chaleur accablante de l'été ajoute à son malaise, tandis que les murmures mystiques se mêlent à ses pensées.
Dans cette forêt dense où la lumière filtre à peine à travers les feuillages épais, l’atmosphère devient presque irréelle, empreinte d’une tension sourde. Certains chroniqueurs affirmeront plus tard que cet homme n’était autre qu’un ermite ou un fou inspiré, envoyé par Dieu ou le Diable selon les interprétations.
Le jour où le roi devint menace
Puis survient un incident qui déclenche l'irréparable. Le bruit métallique d'une lance tombant maladroitement sur un casque perce le silence de plomb. Charles VI, pris de panique, perd le contrôle de ses émotions. Son esprit fragilisé se voile de fureur, et il se met à hurler, dégainant son épée avec une sauvagerie terrifiante. Les yeux exorbités, les dents serrées, il attaque quiconque croise son chemin. La terreur s'empare de l'armée royale, alors que le roi dévasté par sa folie devient une véritable menace pour ses propres sujets.
La scène devient chaotique, chacun fuyant dans la panique un roi devenu soudain prédateur. Ce jour-là, Charles VI tue plusieurs de ses propres hommes, dont des chevaliers fidèles, anéantissant en quelques instants l’image d’un souverain protecteur.
Un monarque humilié, un royaume choqué
Ce n'est que grâce à l'intervention courageuse de sa garde personnelle que Charles VI est finalement maîtrisé. Ligoté et placé dans un chariot, il sombre dans l'inconscience. Deux jours plus tard, lorsqu'il reprend ses esprits, le roi réalise l'ampleur des dégâts causés par sa folie meurtrière. Cet épisode marquant restera à jamais gravé dans l'histoire, et le surnom de Charles VI le fou commence à se répandre dans tout le royaume.
La nouvelle de l'incident se répand rapidement à travers les terres du royaume, nourrissant les rumeurs et les peurs d’un pouvoir vacillant. Dans les chroniques, cette scène prend des airs bibliques : un roi frappé par la colère divine, puni pour son orgueil ou pour des fautes ancestrales.
Une folie dévorante qui ruine le trône
L’esprit du roi se fissure
Après cet épisode tragique dans la forêt du Mans, la vie de Charles VI est ponctuée de périodes de lucidité et de rechutes dans la folie. Le souverain lutte sans relâche contre ses démons intérieurs, tandis que son entourage se débat pour maintenir l'ordre et la stabilité dans le royaume.
Certains médecins de l’époque tentent des traitements rudimentaires, comme les saignées ou les prières d’exorcisme, sans succès durable. Plus qu’un mal individuel, la folie du roi devient une plaie politique, une instabilité chronique au sommet de l’État.
Une descente dans l’animalité et le délire
Ce ne fut pas un simple accès isolé, mais bien le début d’un cycle infernal. Charles VI sombrait parfois dans un mutisme complet, les yeux perdus, comme s’il n’était plus qu’un corps sans esprit. À d'autres moments, il s’enfuyait de ses appartements sans escorte, hurlant qu’on voulait l’empoisonner ou que le palais était en feu. Il frappait ses serviteurs, ou parlait aux morts, convaincu d’être surveillé par des ennemis invisibles.
L’un des épisodes les plus célèbres est sa conviction délirante d’être fait de verre. Il refusait qu’on le touche, de peur de se briser. Il fit renforcer ses vêtements d’armatures souples, craignant que ses os de verre ne se fissurent. Il interdisait qu’on le regarde trop longuement, ou qu’on l’approche sans avertir, tant la peur de se casser était ancrée en lui.
Parfois, il se croyait transformé en animal : il courait à quatre pattes dans les couloirs du palais, imitait les aboiements d’un chien, ou plongeait tout habillé dans les fontaines en hurlant. Il mordait les meubles, arrachait les rideaux et grognait à ceux qui tentaient de l’en approcher. La peur qu’il inspirait était telle que certains domestiques refusèrent de rester à son service.
Il lui arrivait aussi de ne plus reconnaître ses enfants, d’oublier son nom, de proclamer qu’il n’était plus roi, ou que le trône devait revenir à quelqu’un d’autre. Il exigeait parfois qu’on rejoue son propre sacre, comme si seule cette cérémonie pouvait le réancrer dans le réel. À d'autres moments, il affirmait être mort, errant comme un fantôme dans son propre palais.
Le Bal des Ardents : le feu comme présage de ruine
Parmi les épisodes les plus sinistres du règne de Charles VI figure le tragique Bal des Ardents, en janvier 1393. Lors d’un bal masqué donné en l’honneur du mariage d’une dame d’honneur de la reine, le roi se joint à une mascarade où six jeunes nobles, dont lui-même, sont déguisés en « sauvages » — recouverts de poix, de plumes et de toile. Ce divertissement grotesque, inspiré de rites païens, tourne au drame lorsqu’une torche, portée par son frère Louis d’Orléans, embrase les costumes.
En quelques instants, les convives hurlent, la salle flambe, et quatre des six danseurs périssent dans d’atroces souffrances. Seul Charles VI survit, grâce à la duchesse de Berry qui l’enveloppe pour éteindre les flammes. Ce moment, à la fois absurde et terrifiant, marque durablement les esprits. Pour beaucoup, le feu du bal devient le symbole d’un règne voué à l’embrasement, à la ruine et à la malédiction divine. C’est après cet événement que la folie du roi s’intensifie de manière irrémédiable, comme si l’incendie avait fissuré à jamais les murs de sa raison.
Une cour paralysée par la terreur
La cour de France est en émoi face à ces épisodes déconcertants, oscillant entre la pitié et la crainte. Les conseillers royaux tentent de maintenir une certaine stabilité en gouvernant en son nom, mais l'ombre de la folie plane toujours sur le royaume.
Les courtisans les plus superstitieux y voient un châtiment divin, d'autres murmurent que le roi a été empoisonné ou ensorcelé. La régence officieuse devient un enjeu majeur, attisant les ambitions des grandes maisons princières.
Le fantôme d’un roi
Malgré ses épisodes de démence, Charles VI n'est pas totalement dénué de moments de clarté. Dans ces instants fugaces, il fait preuve de sagesse et de discernement, rappelant aux courtisans la grandeur et la noblesse de la France. Mais ces moments sont éphémères, et la folie finit toujours par reprendre le dessus.
Dans ses rares audiences, certains le décrivent capable de débattre de finances ou d’alliances avec une intelligence saisissante. Ces éclairs d’humanité nourrissent chez ses proches une douloureuse espérance, rapidement balayée par les rechutes.
L’effondrement d’un royaume livré à lui-même
Le pouvoir glisse entre les doigts de la couronne
Le règne de Charles VI le fou est ainsi marqué par un mélange de tragédie, de drame et d'incertitude. Les affaires du royaume en souffrent, les intrigues se multiplient, et la santé mentale du roi continue de se détériorer. Le destin de la France semble étroitement lié à celui de son souverain tourmenté.
La guerre civile qui couve entre Armagnacs et Bourguignons prend ses racines dans cette vacance du pouvoir. À chaque crise royale, les décisions majeures sont différées, ou prises par des mains intéressées, accentuant la fracture du royaume.
Une monarchie en lambeaux
Charles VI le fou, malgré ses épisodes de folie, reste un personnage fascinant de l'histoire de la royauté française. Son règne tumultueux témoigne des défis auxquels étaient confrontés les souverains de l'époque, où la stabilité politique et la santé mentale étaient intimement liées.
Loin d’être une simple figure pathétique, Charles VI incarne les tensions d’un monde médiéval où le roi est à la fois homme et symbole sacré. Son incapacité à régner soulève une question redoutable pour l’époque : que faire d’un roi vivant mais incapable ?
La fin honteuse d’un règne maudit
Le reniement du sang royal
Le destin tragique de Charles VI le fou rappelle également la fragilité de la condition humaine, même pour ceux qui sont destinés à régner. Sa vie mouvementée et marquée par la folie reste une leçon sur la nécessité de protéger la santé mentale et de soutenir ceux qui en souffrent, même au sommet du pouvoir.
Mais cette leçon ne suffit pas à effacer l’ignominie politique qui conclut son règne : en 1420, le traité de Troyes, signé en son nom, reconnaît Henri V d’Angleterre comme héritier du trône de France, reléguant son propre fils, le dauphin Charles, au rang d’usurpateur.
Le royaume livré à l’ennemi
Sous la façade affaiblie de la monarchie, le pays se délite. Paris tombe aux mains des Bourguignons alliés des Anglais, et une large part du royaume passe sous contrôle ennemi. La France est morcelée, humiliée, presque morte.
Le roi Charles VI, en proie à ses hallucinations, meurt en 1422, laissant derrière lui un pays en ruines, un trône contesté, et une dynastie à sauver. La honte et le chaos marquent les dernières années d’un règne que seule Jeanne d’Arc, bien plus tard, contribuera à racheter.
Sources et références
- Bernard Guenée, La folie de Charles VI. Roi Bien-Aimé, CNRS Éditions, 2004
- Radio Classique, Charles VI, le "roi fou", 2023
Découvrez d'autres récits captivants sur le Moyen Âge
Retrouvez-nous sur Facebook et Instagram.
Contactez-nous : lesitedelhistoire2@laposte.net
L'image d'illustration appartient au Site de l'Histoire. Pour toute réutilisation, merci de demander une autorisation par mail.
Passionnant ! D'autres billets sur les rois aux règnes ponctués de folie seraient les bienvenus !
RépondreSupprimerUne autre folie de ce "bon" roi :
RépondreSupprimerhttp://lesitedelhistoire.blogspot.com/2011/09/charles-vi-fait-le-fou-au-bal-des.html
Merci maintenant mon évaluation de charle 6 aura un 4
RépondreSupprimer