8 mai 1945 : fin de la Seconde Guerre mondiale, capitulation de l’Allemagne et renaissance de l’Europe
Capitulation du 8 mai 1945 : découvrez comment la fin de la guerre en Europe a transformé l’histoire mondiale et redessiné l’avenir du continent.
- 8 mai 1945 — L’Europe renaît de ses cendres
- Une capitulation à deux visages — Reims et Berlin, 7 et 8 mai 1945
- Une paix fragile — Le chaos européen et le bilan humain
- Un nouvel ordre mondial — Alliances, tensions et institutions
- Une onde de choc mondiale — Vers la décolonisation et la reconfiguration globale
- Mémoires contrastées — Commémorations, silences et résurgences
8 mai 1945 — L’Europe renaît de ses cendres
Le printemps 1945 est chargé d’un espoir douloureux. Depuis des semaines, les canons résonnent encore en Allemagne, les troupes soviétiques avancent sur Berlin, les populations fuient, les villes tombent une à une. Mais le IIIe Reich est à l’agonie. Le 30 avril, Adolf Hitler se suicide dans son bunker. Une semaine plus tard, les armes se taisent.
Le 2 mai, Berlin capitule devant l’Armée rouge, signant la chute effective de la capitale du Reich. À l’Ouest, les armées anglo-américaines progressent rapidement vers les Alpes et la Tchécoslovaquie.
Le 8 mai 1945, c’est la victoire. Partout en Europe occidentale, les cloches sonnent, les foules dansent, les drapeaux sont déployés. À Paris, Londres, Bruxelles, la joie explose. Pourtant, derrière cette liesse, le continent est à genoux. La guerre est finie, mais un nouveau monde commence à se dessiner.
Des scènes de liesse sont aussi observées à New York ou Montréal, soulignant la portée mondiale de l’événement. Les messages de victoire diffusés par les radios nationales atteignent des millions de foyers, parfois dans un silence endeuillé.
Une capitulation à deux visages — Reims et Berlin, 7 et 8 mai 1945
La signature à Reims : un acte politique sous tension
Le processus de reddition commence dans la nuit du 6 au 7 mai 1945, dans une petite école de Reims, transformée en quartier général par les forces alliées. C’est là que le général Alfred Jodl, chef d’état-major des armées allemandes, signe la capitulation sans condition du Troisième Reich à 2h41 du matin. Il s’engage à faire cesser les combats sur tous les fronts le 8 mai à 23h01.
La signature se déroule sous l’autorité du général américain Walter Bedell Smith, représentant Eisenhower. Le général français François Sevez est également présent pour garantir une reconnaissance officielle française.
Berlin, théâtre d'une victoire soviétique symbolique
Mais Staline, furieux de ne pas avoir été représenté lors de cette signature, exige une seconde cérémonie. Elle a lieu le soir du 8 mai à Berlin, dans le quartier de Karlshorst. Cette fois, c’est le maréchal Wilhelm Keitel qui signe devant le maréchal soviétique Georgi Joukov. La reddition est donc signée deux fois, marquant une rupture symbolique entre l’Ouest et l’Est.
Le général britannique Arthur Tedder et Jean de Lattre de Tassigny y représentent les Alliés occidentaux. La cérémonie est soigneusement filmée et diffusée par la propagande soviétique comme un acte de victoire décisive.
En URSS, la nouvelle de la victoire n’est annoncée que le 9 mai au matin. Depuis, cette date est célébrée comme le « Jour de la Victoire » par l’URSS et plusieurs anciennes républiques soviétiques, tandis que les pays occidentaux commémorent le 8 mai.
Le décalage s’explique par le fuseau horaire de Moscou, où il était déjà le 9 mai quand l’acte de reddition est entré en vigueur. Depuis, cette commémoration est restée un marqueur fort de l’identité patriotique russe.
Une paix fragile — Le chaos européen et le bilan humain
Le coût humain d’un conflit total
Si la guerre est terminée, la souffrance, elle, ne l’est pas. Le bilan humain de la Seconde Guerre mondiale est accablant. On estime à plus de 60 millions le nombre de morts dans le monde, dont plus de la moitié en Europe. L’Union soviétique paie le tribut le plus lourd : 27 millions de morts. La Pologne, martyrisée, a perdu près d’un cinquième de sa population.
En Allemagne, les pertes civiles et militaires avoisinent les 7 millions. La Chine, en guerre contre le Japon depuis 1937, subit également un lourd tribut avec plus de 15 millions de morts.
Ruines, exodes et révélations : l’Europe en état de choc
À ces morts s’ajoutent les disparus, les orphelins, les veuves, les blessés, les traumatisés. L’Europe est jonchée de ruines : Varsovie n’est plus qu’un champ de gravats, Berlin est dévastée, Dresde a été incendiée par les bombardements alliés. Le Havre, Caen, Saint-Lô portent aussi les stigmates de la guerre.
À Hambourg, les raids aériens de 1943 ont tué plus de 40 000 personnes en une semaine. En France, plus de 150 000 immeubles ont été détruits rien qu’en Normandie.
Plus de 40 millions d’Européens sont déplacés, sans abri, sans ressources, sans avenir clair. Parmi eux, des prisonniers de guerre, des déportés, des travailleurs forcés, mais aussi des réfugiés juifs revenant des camps de concentration — ou découvrant qu’ils n’ont plus de famille.
L’UNRRA (Administration des Nations Unies pour les secours et la reconstruction) est créée pour gérer cette crise humanitaire inédite. L’Europe est alors confrontée au plus grand mouvement de populations de son histoire contemporaine.
La découverte des camps nazis choque le monde. À Auschwitz, Dachau, Buchenwald, l’horreur atteint une ampleur inédite. Ces images hantent l’imaginaire collectif et renforcent l’idée d’une nécessité absolue de refonder l’ordre international.
Les procès de Nuremberg, préparés dès mai 1945, permettront de juger les responsables de ces atrocités. La notion de « crime contre l’humanité » est officiellement formulée pour la première fois.
Un nouvel ordre mondial — Alliances, tensions et institutions
La naissance de l’ONU : l’espoir d’une paix durable
En mai 1945, deux superpuissances émergent : les États-Unis et l’Union soviétique. Le vieux continent, quant à lui, est exsangue. Pour éviter un nouveau cataclysme, il faut reconstruire et réorganiser.
L’idée d’une organisation internationale pour maintenir la paix est portée par Roosevelt depuis 1941. L’Europe, affaiblie, devient le terrain d’expérimentation de cette nouvelle gouvernance mondiale.
Dès juin 1945, à San Francisco, 50 pays fondent l’Organisation des Nations Unies (ONU), destinée à maintenir la paix, favoriser la coopération internationale et garantir les droits de l’homme. La Charte des Nations Unies, signée le 26 juin, entre en vigueur en octobre. L’ONU devient l’outil central du nouvel équilibre mondial.
Elle remplace la Société des Nations, dont l’échec à prévenir la guerre avait été patent. Son Conseil de sécurité comprend cinq membres permanents disposant d’un droit de veto.
Yalta et Potsdam : les racines de la Guerre froide
Mais la paix n’est qu’apparente. Très vite, des tensions éclatent entre l’Est et l’Ouest. À Yalta, en février 1945, Roosevelt, Churchill et Staline s’étaient entendus sur la division de l’Allemagne en quatre zones. Mais dès l’été, à Potsdam, les désaccords surgissent sur le sort de la Pologne, la reconstruction, et l’avenir du régime allemand.
Truman, nouveau président américain, adopte une ligne plus dure que Roosevelt face à Moscou. La présence de l’armée rouge dans les pays d’Europe centrale inquiète les Alliés occidentaux.
La Guerre froide s’installe progressivement. L’Europe est coupée en deux : d’un côté les démocraties libérales soutenues par les États-Unis, de l’autre les démocraties populaires, inféodées à Moscou. Berlin, capitale symbolique, devient un point de tension majeur.
La rupture est officialisée en 1949 avec la création de la RFA et de la RDA. La ville de Berlin sera bientôt séparée par un mur, symbole de cette division idéologique.
Une onde de choc mondiale — Vers la décolonisation et la reconfiguration globale
La fin des illusions coloniales
La Seconde Guerre mondiale ne bouleverse pas seulement l’Europe. Elle remet en cause l’équilibre mondial hérité du XIXe siècle, notamment les empires coloniaux.
Le Japon avait déjà fragilisé la domination européenne en Asie en occupant de nombreuses colonies. L’idée d’autodétermination, défendue par les Alliés, inspire les leaders nationalistes.
La France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas sortent affaiblis. Pendant la guerre, des milliers de soldats venus d’Afrique, d’Inde ou d’Asie ont combattu pour la liberté… qu’ils n’ont pas chez eux. Le paradoxe devient insupportable. Partout, les peuples colonisés réclament leur indépendance.
En Afrique, les anciens tirailleurs sénégalais ou marocains rentrent avec des attentes nouvelles. Les mouvements indépendantistes se structurent dans les années qui suivent, souvent réprimés.
Le monde se redessine : des empires aux superpuissances
Le 8 mai 1945, jour de la victoire en Europe, est entaché d’un événement sanglant en Algérie. À Sétif, une manifestation nationaliste tourne au drame. La répression par l’armée française fait plusieurs milliers de morts selon les historiens. Cet épisode est un tournant : il annonce les futures guerres de décolonisation.
L’historiographie française a longtemps minimisé ces violences avant leur reconnaissance officielle. La répression s’étend aux régions de Guelma et Kherrata, visant surtout la population musulmane.
En Indochine, Ho Chi Minh proclame l’indépendance du Vietnam en septembre 1945. En Inde, Gandhi accélère sa campagne de désobéissance. En Indonésie, Soekarno s’oppose à la réinstallation de l’autorité néerlandaise.
L’Inde obtiendra son indépendance en 1947, suivie du Pakistan. Les Pays-Bas s’enlisent dans un conflit violent jusqu’en 1949 pour tenter de garder l’Indonésie.
Parallèlement, les États-Unis étendent leur influence. En 1947, ils lanceront le plan Marshall pour reconstruire l’Europe de l’Ouest, tout en endiguant l’expansion soviétique. Une nouvelle carte du monde prend forme, où les anciens empires déclinent et les superpuissances prennent le relais.
L’aide financière américaine atteint 13 milliards de dollars, accélérant la reprise économique. Ce plan est refusé par les pays de l’Est, sur pression de Moscou.
Mémoires contrastées — Commémorations, silences et résurgences
Commémorer ou oublier : mémoires nationales divergentes
Le 8 mai devient rapidement un jour de mémoire. En France, il est proclamé jour férié en 1946, supprimé en 1959 par De Gaulle, puis rétabli en 1981 par François Mitterrand. Il est marqué par des cérémonies, des dépôts de gerbes, des discours. La mémoire de la Résistance, des déportés, des soldats morts pour la liberté est mise à l’honneur.
Chaque année, le président français ravive la flamme du soldat inconnu à l’Arc de Triomphe. Cette cérémonie est retransmise en direct à la télévision.
Mais tous les pays ne célèbrent pas cette journée de la même façon. En Allemagne, la date a longtemps été vécue comme une humiliation. Ce n’est qu’en 1985 que le président Richard von Weizsäcker prononce un discours historique, reconnaissant le 8 mai non pas comme une défaite, mais comme une libération.
Le discours marque un tournant dans la mémoire allemande et inspire un travail de mémoire plus profond. En 2020, le 8 mai est exceptionnellement déclaré jour férié à Berlin pour ses 75 ans.
Une mémoire européenne en construction
En Russie, le 9 mai est un jour sacré, avec des défilés militaires impressionnants, notamment sur la place Rouge. La mémoire soviétique insiste sur le sacrifice des peuples de l’URSS dans la victoire contre le nazisme.
Plus de 11 000 chars et avions ont été utilisés dans les défilés du 9 mai au fil des années. La symbolique patriotique y est omniprésente, souvent utilisée à des fins de légitimation politique.
La mémoire du 8 mai est aussi source de tensions : révisionnisme, minimisation, ou instrumentalisation politique de l’Histoire refont surface, notamment en Europe centrale ou dans les débats contemporains autour des monuments et des symboles.
En Pologne et en Hongrie, certains gouvernements remettent en question la lecture communément admise de la Libération. Des statues soviétiques sont parfois déboulonnées, ravivant les controverses mémorielles.
En Europe, le devoir de mémoire devient un pilier de l’identité post-Seconde Guerre mondiale. Musées, documentaires, témoignages, voyages scolaires à Auschwitz : tout est fait pour transmettre aux jeunes générations le souvenir des erreurs passées, et l’importance de la paix.
L’Union européenne elle-même s’est construite autour du rejet de la guerre et de la réconciliation franco-allemande. La date du 9 mai, Jour de l'Europe, symbolise aussi cette mémoire commune tournée vers l’avenir.
Source bibliographique
Pour aller plus loin sur ce sujet, consultez l’ouvrage de référence : Après-guerre : Une histoire de l'Europe depuis 1945 de Tony Judt (Éditions Héloïse d'Ormesson, 2007).
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