Salmanazar III : Le Roi-Guerrier Qui Mena l’Assyrie à Son Apogée
L’Assyrie est un empire à la fois redoutable et fabuleux. Pourtant, l’Histoire, comme moi, en garde surtout l’image d’un puissant royaume sanglant, où la guerre est une institution. Je connaissais de nom ce roi mais ma visite au British Museum et une fameuse pierre noire me donna envie d’étudier un peu mieux ce personnage. Salmanazar III fait partie de ces monarques qui incarnent la soif de conquête de l’Assyrie. Roi d’Assyrie de 858 à 824 av. J.-C., il est bien plus qu’un simple souverain. Il personnifie l’esprit conquérant de son époque, menant bataille année après année, sans relâche, pendant trois décennies. Chaque printemps marque le départ de nouvelles campagnes militaires, chaque automne scelle le retour triomphal de ce roi-guerrier, chargé de butins, de prisonniers et de récits de gloire. Mais derrière cette splendeur se cache une politique d’expansion brutale, une machine de guerre implacable et des fractures internes qui fragilisent l’empire.
Lorsque Salmanazar III monte sur le trône, il hérite d’un empire puissant mais instable. Son père, Assurnasirpal II, a fait de l’Assyrie une terre crainte dans tout le Proche-Orient, mais cette domination repose sur des fondations fragiles. L’empire est composé de territoires récemment conquis, de cités-États réfractaires et d’ennemis aux frontières, prêts à reprendre les armes au moindre signe de faiblesse. Pour Salmanazar, la solution est simple : frapper vite, fort et sans répit. Dès les premières années de son règne, il adopte une stratégie d’agression constante. Chaque année, il part en campagne, écrasant tout sur son passage. Ce cycle de guerre n’est pas seulement une démonstration de puissance : il vise à maintenir la cohésion d’un empire éclaté, où la peur de l’Assyrie doit surpasser l’envie de se révolter. Les résultats de ses campagnes sont stupéfiants. Selon ses propres inscriptions, ses armées capturent 110 610 prisonniers, tuent 82 600 hommes, et rapportent un butin colossal : 9 920 chevaux, 35 565 bœufs, 19 690 ânes et 184 755 moutons. Ces chiffres illustrent l’efficacité logistique de son armée, mais aussi la brutalité des conquêtes assyriennes.
Parmi les nombreuses campagnes de Salmanazar III, la bataille de Qarqar, en 853 av. J.-C., est sans doute la plus célèbre. À cette époque, l’expansion assyrienne provoque une vague de panique dans le Proche-Orient. Douze rois, autrefois rivaux, unissent leurs forces pour affronter le monarque assyrien. Cette "coalition de Damas", menée par Hadadézer d’Aram-Damas, Irhuleni de Hamath et Achab d’Israël, rassemble des effectifs impressionnants : 4 000 chars, 2 000 cavaliers, 40 000 fantassins, et même 1 000 chameaux venus d’Égypte. Jamais Salmanazar n’a affronté un ennemi aussi déterminé.
La bataille est féroce. Selon ses inscriptions, Salmanazar revendique la mort de 14 000 soldats ennemis, déclarant :
"J’ai fait pleuvoir sur eux la destruction comme le ferait le dieu Adad. J’ai rempli la plaine de leurs cadavres. L’étendue de la région n’était pas suffisante pour les enterrer, et j’ai endigué l’Oronte avec leurs corps."
Ces récits, typiques de la propagande assyrienne, visent à glorifier la victoire. Cependant, les faits montrent que la bataille de Qarqar n’aboutit pas à une victoire décisive. Les royaumes de Damas et d’Israël continuent de résister. Cette confrontation devient néanmoins un symbole : elle montre que même des coalitions puissantes peinent à freiner l’élan assyrien, tout en témoignant de la résilience des ennemis face à une Assyrie conquérante.
Qarqar n’est qu’une étape dans les ambitions insatiables de Salmanazar III. Au nord, il s’attaque aux tribus d’Urartu, étendant les frontières assyriennes jusque dans les montagnes de l’actuelle Arménie. À l’ouest, il envoie ses troupes vers les cités phéniciennes de Byblos, Sidon et Tyr, exigeant des tributs spectaculaires : ivoire, rhinocéros, antilopes, éléphants et singes. Ces trésors exotiques, fruits du commerce entre l’Afrique et le Proche-Orient, symbolisent la domination assyrienne sur les routes commerciales. Salmanazar intervient également en Babylonie. Lorsqu’une rébellion éclate, il soutient le roi Marduk-zakir-shumi, qu’il aide à écraser son frère rebelle. Cette intervention renforce les relations entre Babylone et l’Assyrie, une alliance qui s’avère précieuse dans les années suivantes pour maintenir l’ordre dans l’empire.
Pour immortaliser ses exploits, Salmanazar fait graver ses victoires sur des monuments, notamment l’Obélisque noir, aujourd’hui conservé au British Museum. Ce monument de basalte célèbre ses campagnes, mais aussi sa domination sur les royaumes voisins. Une scène célèbre montre le roi Jéhu d’Israël prosterné devant Salmanazar, un acte de soumission sans précédent. Ce détail est d’autant plus remarquable que Jéhu est le seul roi israélite connu à apparaître dans une inscription assyrienne. Plus qu’un simple récit historique, l’Obélisque noir est un outil de propagande, conçu pour inspirer la fierté chez les Assyriens et la terreur chez leurs ennemis.
Malgré ses succès, les dernières années de Salmanazar III sont marquées par des tensions internes. Les campagnes incessantes épuisent les ressources de l’empire, et le peuple, accablé par les tributs et les levées d’hommes, se lasse. Une guerre civile éclate, menée par son fils Assur-danin-pal, qui conteste l’autorité de son père. Salmanazar parvient à réprimer la révolte avec l’aide de son autre fils, Shamshi-Adad V, mais l’Assyrie sort affaiblie de ce conflit. Salmanazar III laisse derrière lui un empire agrandi, une machine militaire redoutable et une légende forgée dans le feu des batailles. Il incarne à lui seul la puissance et la brutalité de l’Assyrie antique. Pourtant, son règne illustre aussi les limites de l’expansion par la guerre. Si Salmanazar élève l’Assyrie à son apogée, il en pose aussi les premières fragilités. Ses successeurs, notamment Tiglath-Phalazar III, reprendront ce modèle expansionniste, mais ils devront également composer avec les défis laissés par un empire fatigué par tant de conquêtes.
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