L’Assassinat de Henri IV par Ravaillac

Depuis son accession au trône en 1589, Henri IV a conquis les cœurs du peuple et des femmes de la cour. « Le Vert-Galant », comme on le surnomme affectueusement pour son caractère jovial et ses nombreuses conquêtes amoureuses, est devenu le roi de la réconciliation, celui qui a su mettre fin aux guerres de Religion ayant ravagé le royaume. Grâce à l’Édit de Nantes, signé en 1598, Henri IV a osé accorder la liberté de culte aux protestants, devenant un champion de la tolérance religieuse dans une Europe fracturée par la foi. Sa vision politique est celle d’un royaume uni, où catholiques et protestants pourraient coexister en paix. Mais sa politique progressiste lui vaut également des ennemis. Les milieux catholiques les plus fervents, héritiers de la Ligue catholique et nourris par une haine religieuse, n’ont jamais pleinement accepté la conversion d’Henri. Pour eux, ce Béarnais converti par raison, mais que l’on soupçonne de n’être jamais devenu catholique de cœur, reste un traître. Aujourd’hui, on les qualifierait peut-être de « terroristes » : ces fanatiques rêvent d’un royaume entièrement catholique, purifié des hérétiques, et considèrent le roi comme un obstacle à leur vision de la France.


Ce 14 mai 1610, Henri IV est loin de se douter que sa vie va s’arrêter de manière brutale et cruelle, que l’histoire s’apprête à le précipiter dans l’abîme du martyre et de la tragédie.

Ce jour-là, Henri IV est attendu au Palais de l'Arsenal par son fidèle ministre, le Duc de Sully. Le roi projette une campagne militaire contre l’Espagne, une entreprise ambitieuse destinée à affirmer la puissance française en Europe. Cependant, en quittant le Louvre en direction de l'Arsenal, le roi décide soudainement de ne pas se faire escorter. Cette imprudence est inhabituelle pour un monarque, mais Henri IV est un homme téméraire et confiant. Peut-être se sent-il intouchable, aimé de son peuple et protégé par la paix qu’il a su instaurer. Il ordonne à son carrosse de prendre un chemin différent dans les rues étroites et animées de Paris, pour éviter les embouteillages et arriver plus vite. À bord du véhicule, aux côtés du roi, se trouvent quelques-uns de ses proches. L’attelage progresse lentement, obligé de s’arrêter fréquemment pour éviter les passants ou contourner les étals encombrant les rues. Paris, ce jour-là, est joyeuse, insouciante. Mais dans cet entrelacs de ruelles, chaque pause expose le roi à la foule et rend son carrosse accessible. Il ne sait pas encore que son dernier souffle se trouve dans les pas d’un homme qui attend, à quelques rues de là, sa chance pour accomplir le pire des actes.


Cet homme est François Ravaillac, un catholique exalté, au cœur consumé par une foi fanatique et une rancœur haineuse envers le roi. Né en 1578 dans une famille pauvre, Ravaillac nourrit depuis des années l’obsession de ramener la France dans la stricte orthodoxie catholique. Il voit en Henri IV un usurpateur hérétique, un roi indigne du trône, et se persuade que seul son meurtre peut sauver l’âme du royaume. Ces idées le hantent jour et nuit, et l’obsession tourne à la folie. Poussé par des visions et des prières enflammées, il se convainc que Dieu lui a confié une mission : tuer le roi pour purifier la France. Depuis plusieurs jours, Ravaillac erre dans Paris, cherchant une opportunité pour se rapprocher du souverain. Ce 14 mai, il aperçoit le carrosse royal, immobilisé dans la rue de la Ferronnerie, étroite et bordée d'étals qui ralentissent la circulation. Le cœur battant, il s’approche discrètement. Sa main tremble en se glissant sous sa tunique pour en sortir un couteau qu'il serre avec une détermination froide et absolue.


Profitant de la cohue, Ravaillac se fraye un chemin jusqu'au carrosse royal. Son regard est fixe, ses lèvres murmurent une prière désespérée. Son cœur bat furieusement, mais il avance d’un pas assuré. Lorsqu’il est enfin tout proche, il prend une profonde inspiration, s’approche du marchepied, puis agrippe violemment le bord de la portière. À cet instant, il n’y a plus rien d’autre que lui, le roi, et l’ordre divin qu’il croit être en train d’accomplir. Henri, pris par surprise, tourne la tête et aperçoit l’homme qui s’accroche à son carrosse. Leurs regards se croisent une fraction de seconde. Dans les yeux du roi, Ravaillac voit la surprise, peut-être l’incompréhension, l’étonnement que lui, roi de France, puisse être attaqué ainsi, en plein jour, dans ses rues bien-aimées.


Mais il est trop tard pour réagir.


D’un geste brusque, Ravaillac lève son couteau et le plante dans le flanc du roi. La lame traverse la chair, atteignant les organes vitaux, et Henri émet un gémissement étouffé. Ses mains se crispent, cherchant à agripper quelque chose pour se stabiliser, mais la douleur le submerge, intense et fulgurante. Autour de lui, les compagnons dans le carrosse réalisent avec horreur ce qui se passe, mais tout se déroule trop vite. La foule, d’abord stupéfaite, semble pétrifiée. Ravaillac, dans un élan frénétique, frappe à nouveau. La seconde lame s’enfonce plus profondément, laissant le sang s’écouler davantage. Il n’y a dans son regard aucune pitié, aucune hésitation : seulement une détermination froide, celle de l’homme qui pense accomplir une mission céleste. Cette scène, d'une violence saisissante, semble se dérouler au ralenti, comme suspendue hors du temps.


Henri IV, au bord de l’évanouissement, tente de parler, de donner un ordre, mais aucun mot ne franchit ses lèvres. Il sent la vie qui s’échappe de lui, comme un voile glissant peu à peu, emportant sa vigueur et son souffle. Son visage, d’abord surpris, se fige dans une expression d’incrédulité, puis de résignation. Il sait que sa fin est proche, et que rien ni personne ne pourra le sauver. Les témoins de la scène, tétanisés, réalisent peu à peu l'ampleur du drame. Un murmure de terreur parcourt la foule, qui regarde, paralysée, le roi s’affaisser, son corps meurtri reposant à l’intérieur du carrosse, comme une effigie foudroyée par un destin impitoyable. Dans la confusion, des cris éclatent. « Le roi est mort ! Le roi est mort ! » clament certains, croyant le roi déjà perdu.


Arrêté immédiatement après son crime, Ravaillac est emmené et enfermé, enchaîné comme un criminel de la pire espèce. Son procès est rapide, marqué par la consternation et la colère. Les magistrats, scandalisés, cherchent à comprendre comment cet homme du peuple, sans influence apparente, a pu commettre un acte d’une telle envergure, un régicide, le crime suprême. On l’interroge longuement, mais Ravaillac, convaincu de la légitimité divine de son geste, n’offre que des réponses empreintes de fanatisme, répétant qu’il a agi pour la gloire de Dieu. Pour les juges, l’affaire est entendue : Ravaillac sera exécuté en place publique, de manière à marquer les esprits et à rappeler la gravité de son crime. Le 27 mai 1610, quelques jours seulement après le meurtre de Henri IV, la place de Grève, au cœur de Paris, est noire de monde. Le peuple se presse, mu par un mélange d'horreur et de fascination morbide. Ce jour-là, l’assassin du roi va subir la punition la plus sévère de toutes, un châtiment réservé aux crimes les plus graves : le démembrement en place publique. 

Ravaillac est conduit au centre de la place, sous les cris et les huées d’une foule enragée. Les Parisiens, encore sous le choc de la mort de leur roi bien-aimé, attendent avec impatience de voir cet homme répondre de son acte infâme. Des familles entières se sont rassemblées pour assister à la scène ; les adultes, le visage grave, et les enfants, hissés sur les épaules, tendant le cou pour apercevoir celui qui a plongé la France dans le deuil. Ce spectacle macabre, dans une société où la justice est publique et exemplaire, marque les esprits de tous. Le silence tombe tandis que l’on prépare le condamné, et un frisson parcourt la foule. Ravaillac, attaché et exposé au regard de tous, reste étrangement impassible. Son regard fixe ne trahit aucune peur ni remords. Il semble, jusqu’au dernier instant, habité par cette conviction fanatique qui l’a poussé au régicide. Il murmure des prières, certain d’avoir agi pour une cause plus grande que lui, aveuglé par une foi dévorante. L'exécution se déroule selon les rigueurs de la justice de l’époque, visant à faire de cet homme un exemple pour la postérité. La foule, dans un silence morbide, assiste à chaque étape, retenant son souffle comme pour accompagner l’âme de leur roi dans un dernier acte de vengeance collective. Lorsque le dernier acte est achevé, un cri s’élève. Ce cri libère la tension accumulée dans chaque cœur. Certains spectateurs se signent, d’autres détournent les yeux, tandis que des murmures parcourent la foule. 


Ce jour-là, Paris tout entier assiste à l'exécution d’un régicide, et ce spectacle marque durablement les esprits. François Ravaillac, coupable d’avoir ôté la vie du roi Henri IV, paie son acte de la manière la plus brutale, laissant un souvenir amer dans l’histoire. Pour le peuple de France, ce châtiment vient clore, en apparence, le chapitre sanglant de la mort d’Henri IV, mais l’impact de cet assassinat ne s’effacera jamais complètement.


L’annonce de la mort du roi a provoqué une onde de choc à travers le pays, bien au-delà de la capitale. En province, comme à Paris, le peuple pleure et se lamente. Comment un roi aussi cher, un homme de paix et de compromis, a-t-il pu être abattu de la sorte ? On raconte qu’en ce jour tragique, Paris s’est figée ; les marchands ont baissé leurs étals, les passants se sont arrêtés en silence, et les cloches des églises ont résonné en un glas funèbre.  Henri IV, qui avait su réconcilier un royaume fracturé, laissera un vide immense. Malgré la violence de sa fin, il demeure pour les Français un modèle de justice et de courage, celui du roi qui a su dépasser les haines religieuses pour offrir la paix à ses sujets. De son vivant, il a œuvré pour bâtir une France tolérante et prospère ; dans la mort, il devient un symbole, presque un mythe, celui du « Bon Roi Henri » dont l’ombre continuera de planer sur le royaume.


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