Une vie d’Egyptien au temps des pharaons


Une fois l’émerveillement de la découverte des richesses d’une tombe ou d’un mastaba égyptien passé, l’archéologue observe les détails du mobilier et les scènes peintes sur les murs. En faisant preuve de la plus grande attention, dans ce lieu où le temps s’est arrêté il y a des milliers d’années, son esprit vagabonde pour rejoindre les rives du Nil de l’Égypte de la période pharaonique.

Il voit avec clarté un homme semant dans un champ. Un paysan apporte le grain depuis le silo en supportant sur sa tête un couffin. Un peu à l’écart, un scribe note la quantité de grain employée. Ces fonctionnaires, rouages essentiels de l’État, surveillent et consignent tout sur leur tablettes d’argile : transport du grain, engrangement de la moisson, retour des troupeaux à l’étable. Là-bas, un autre paysan tient les mancherons d’une charrette tirée par deux bœufs, tandis que son comparse guide l’animal avec son bâton. Dans le champ d’à côté, les paysans utilisent une autre méthode. Ils font passer sur le champ un troupeau de moutons. Le grain pénètre dans la terre sous le piétinement de leurs pattes. Quelques mois passeront, durant lesquels les champs seront irrigués. Enfin viendra le temps de la moisson. Les scribes reviendront, rectifiant l’emplacement des bornes que l’inondation aura déplacées et évaluant l’importance des récoltes. Les paysans se déploieront parmi les céréales. La récolte, effectuée avec une faucille, sera rythmée par le son du joueur de flûte. L’aire de battage est assez éloignée des champs. Notre archéologue le sait, car les fresques montrent le transport des gerbes. Durant le transport, l’un d’eux veille à ce que la charge ne bascule pas du dos de l’âne. Les épis sont maintenant répandus sur l’aire et piétinés par des animaux qui tournent en rond. Ensuite, les paysans vannent le grain et le tamisent. La récolte peut alors être stockée dans les greniers.

L’égyptologue déchiffre à plusieurs endroits les hiéroglyphes signifiant « pain et bière ». Les Égyptiens cultivent principalement le blé et l’orge. La bière est la boisson la plus courante. Elle désaltère le travailleur aux champs pendant la pause qu’il s’octroie à l’ombre d’un sycomore. Les Égyptiens fabriquent toutes sortes de pains et de gâteaux avec du lait et du miel. La culture du lin est aussi très importante, car il sert à confectionner les vêtements et les bandelettes des momies. C’est également un produit d’exportation. Les jardiniers cultivent la vigne, des légumes et des arbres fruitiers. Dans ce pays écrasé de soleil, les jardins sont une chose merveilleuse, fruit d’un travail méticuleux et de patience pour aller chercher l’eau et la répandre dans les rigoles. Oignons, poireaux, salades y poussent ainsi que de nombreuses variétés de fleurs dont les Égyptiens raffolent.

Très tôt, les moutons, les bœufs et les ânes ont été domestiqués. Les animaux travaillant aux champs ne sont pas ménagés. Les bœufs sont l’objet de la plus grande attention. Sur un bas-relief, notre archéologue aperçoit un homme nu et mal rasé, conduisant ses bêtes dans des prairies humides du Delta. Le bouvier restera là de longs mois seuls avec son troupeau de bêtes, se nourrissant de poissons ou d’un volatile qu’il rôtira sur un petit brasier. Le Delta, les marécages et les rives du Nil regorgent de beaux poissons. La chasse, la pêche et l’élevage sont importants. Certains types de chasse ont perdu leur caractère utilitaire pour devenir des divertissements réservés à l’aristocratie, comme la chasse à l’hippopotame. Une fois engraissés, les bœufs sont emmenés à la boucherie. Cette viande, hautement appréciée, est réservée aux élites. On attend l’occasion d’une fête pour abattre l’animal, car avec cette chaleur on ne peut pas conserver très longtemps la viande.

Les fresques ne représentent pas que des paysans. Notre égyptologue devine là un sculpteur, là un orfèvre, là un menuisier, là une tisserande. En effet, une importante classe d’artisans existe à côté de la masse des paysans. Les ateliers travaillent tout autant pour les vivants que pour les morts et les dieux. Tous les corps de métiers participent aux grands travaux : architectes, mathématiciens, astronomes, menuisiers, sculpteurs, tisserands, orfèvres. Seuls les temples et les tombeaux sont en pierre. Pour les maisons et même pour les palais, les Égyptiens se contentent de briques crues, c’est-à-dire de limon mélangé à de la paille séchée. Grâce aux objets retrouvés dans ce tombeau, notre archéologue se fait une idée de l’intérieur d’une maison égyptienne d’un milieu aisé : vases, bijoux, sièges, mobilier.

A regarder les scènes représentées, nous pourrions conserver le souvenir d’un peuple toujours au travail. C’était sans compter la représentation des processions religieuses qui sont autant de moments de festivités. C’était sans compter, non plus, avec la représentation de danseuses et de musiciens égayant les banquets lors desquels les Égyptiens se divertissaient avec des jeux de hasard et d’adresse. En revanche, ce tombeau confirme que le peuple Égyptien est l’un des plus obsédés par la mort. Pour eux, l’individu est composé de plusieurs éléments que la mort disperse. Afin que la survie dans l’au-delà soit possible, il faut que ces éléments demeurent ensemble. La bonne conservation du corps est indispensable. De plus celui-ci doit pouvoir bénéficier des mêmes conditions d’existence qu’il a connues durant sa vie terrestre, d’où la présence de mobiliers, de nourriture et d’animaux momifiés. Quelles dépenses un Égyptien ne consent-il pas pour l’éternité ! Peut-être à juste raison, car leur vie résonne toujours par-delà les siècles.

 

Sources :

Texte :  NOVION Hubert de « Saqqarah : au pays des pyramides » in Les Grands Civilisations disparues, Reader’s Digest, Paris, 1980, Pp 22-33

Image : https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/Fragment_de_fresque_%C3%A9gyptienne/1311369

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