Le shogun blanc : MacArthur et l’occupation du Japon
Le 15 août 1945, les Japonais écoutent à la radio l’empereur Hirohito reconnaitre la défaite de son pays. Le peuple se résigne à l’acceptation. Le général américain Douglas McArthur, commandant des forces armées dans le Pacifique, est chargé d’occuper l’archipel. Sa mission consiste à démilitariser et à démocratiser le pays. Pour y parvenir, il doit se faire accepter par des Japonais vaincus, humiliés et détruits. En ce sens, il ne doit pas passer pour un envahisseur. McArthur connait la mentalité des Japonais. Il compte sur le respect du Bushido, le code d’honneur des samouraïs, qui donne tous les droits au vainqueur auquel le vaincu doit se soumettre. Il laisse donc aux Japonais le temps d’accepter la capitulation et de se préparer à l’arrivée des Américains. Ainsi lorsqu’elles débarquent, les troupes américaines ne rencontrent aucune difficulté. Les soldats découvrent un pays dévasté par les bombardements et par deux explosions atomiques.
Les Américains prouvent aux habitants leur volonté de les traiter avec respect. McArthur impose à ses hommes un règlement strict sur leur comportement et menace de cour martiale les contrevenants. En parallèle, il fait ouvrir de nombreuses maisons closes. Pour limiter le sentiment d’occupation, il vieille à ce que les troupes apparaissent aussi peu que possible dans les rues et les médias. McArthur veut soulager le quotidien des Japonais. Il récupère des stocks de nourriture entreposés aux Philippines. Des tonnes de hamburgers déshydratés, de beurre de cacahuètes, du soda et autres mets inconnus des Japonais, sont distribués le temps que l’agriculture redémarre. Les soldats distribuent des bonbons et des chewing-gums aux enfants et des cadeaux aux femmes. Les Américains organisent des campagnes de vaccination et des quarantaines pour limiter la propagation des maladies. Certaines épidémies disparaissent de l’archipel. Sur la question de la reconstruction des logements, les Américains laissent les autorités japonaises gérer. Sur le plan international, l’URSS fait pression pour occuper l’île d’Hokkaido, ce à quoi McArthur s’oppose. Il connait les tensions entre la Russie et le Japon depuis le début du siècle. Il sait que les Japonais lui seront reconnaissants de leur éviter une humiliation supplémentaire face à un ennemi détesté. Ainsi, les Américains se posent en protecteurs.
McArthur connait la dévotion que le peuple voue à l’empereur. Par conséquent, il maintient l’institution impériale, afin de ménager les nationalistes. Ni Hirohito, ni sa famille ne seront menés au procès des criminels de guerre japonais. Il s’appuie sur l’empereur pour faire passer les réformes. Hirohito doit être le pouvoir visible, lui n’est qu’un personnage secondaire. Il encourage l’empereur à voyager à la rencontre de son peuple. McArthur veut se faire discret. Les Japonais ne sont pas dupes. Ils savent que les Américains gouvernent dans les faits. La nouvelle constitution, rédigée par les Américains, supprime les pouvoirs politiques de l’empereur, abolit la noblesse et stipule que le Japon renonce à la guerre. Dans les faits, ce dernier point se traduit par l’interdiction de former une armée. Le nouveau texte accorde le droit de vote aux femmes L’empereur se pose en fer de lance pour l’adoption du texte.
Sur le plan économique, les Américains, fervents libéraux, souhaitent mettre un terme aux grands monopoles industriels. Cependant, ils vont très vite laisser les Japonais gérer leurs affaires. Ayant été militaire en Allemagne au début des années 1920, McArthur sait qu’un fort taux de chômage dans un pays vaincu engendre ressentiment et haine. Les Japonais mènent donc leur économie à leur façon en respectant officiellement les nouvelles directives. De leur côté, les Américains limitent le développement des syndicats qui pourraient passer aux mains des communistes. Ils confisquent également les terres agricoles aux propriétaires fonciers et les redistribuent aux agriculteurs. Les immenses domaines, hérités de l’époque féodale, sont redécoupés. L’agriculture prend un nouveau visage. Les Américains comptent sur les petits paysans, ravis d’être devenus propriétaires, pour endiguer le communisme. Dans le domaine de l’Education, la grammaire est simplifiée pour réduire l’analphabétisme.
Les réformes entreprises par les Américains ont pour but de faire du Japon un allié fidèle, capable de se redresser et de prospérer durablement. Ils veulent restaurer la puissance économique du Japon afin de s’en servir comme d’un allié dans la diplomatie mondiale et dans la zone pacifique, à l’heure où les tensions en Corée s’exacerbent et où Mao Zedong prend le pouvoir en Chine.
Les Japonais sont des occupés modèles. Ils ne protestent pas. Au contraire, ils font l’éloge de leur vainqueur. Même les communistes ne manifestent pas contre les Américains. En septembre 1951, le traité de San Francisco rend son indépendance à un Japon démocratisé. Il met fin à sept années d’occupation. Pour autant, les troupes américaines ne quittent pas l’archipel. Elles ont installé des bases pour assurer la sécurité du pays en pleine guerre froide. MacArthur lui a quitté le pays un an plus tôt pour se rendre en Corée.
Sources
Texte : « Sous la tutelle américaine », Géohistoire, n°33, janvier 2022, pp85-91.
Image : Wikipédia

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