La vie étudiante à Paris au XIVe siècle

 


Paris, 27 avril 1311,

Mon très cher frère,

Après que notre curé ait repéré mes facultés à l’école primaire de notre paroisse et convaincu mes parents du bénéfice d’effectuer des études, me voilà inscrit en licence des arts à l’université de Paris. J’ai rejoint la nation française. Il s’agit de l’une des quatre subdivisions géographiques de l’Université, au sein desquelles les maitres et les étudiants issus des mêmes provinces se retrouvent. J’ai pu jouir d’une assistance matérielle. De plus, j’ai pu m’inscrire dans un réseau de compatriotes, car les origines sont très diverses à l’université. Pour te dire, je côtoie des Anglais, des Germains et même un Scandinave.

Comme tout étudiant, je suis maintenant un clerc. Je dois me vêtir et me comporter comme tel. Tu rigolerais en me voyant avec ma tunique longue, ample et sombre. Je suis astreint aux cérémonies religieuses qui ponctuent le calendrier universitaire. Il m’est interdit de porter une arme. Pourtant, j’en aurais bien besoin, car les rues parisiennes ne sont guère sûres, surtout la nuit. Je ne dois pas trop fréquenter les tavernes, ni m’adonner aux jeux de hasards. Les prédicateurs ne cessent de dénoncer des étudiants qui déambulent la nuit dans la ville. Certains font entrer des prostituées à l’intérieur des églises. Il faut dire que Paris regorge de tavernes et de fillettes. J’ignore comment ils font. Pour ma part, je suis trop fatigué de ma journée pour batifoler.

Mes journées sont longues. Les leçons ordinaires débutent vers 7 heures du matin. Le maitre lit et explique les grands textes au programme. Au programme : rhétorique, arithmétique, musique, géométrie, astronomie et surtout la philosophie d’Aristote. Je prends des notes sur des tablettes de cire ou des fragments de parchemin. En début d’après-midi, je profite du soutien des étudiants bacheliers qui donnent des leçons extraordinaires ou lectures cursives. C’est l’occasion de revenir sur la leçon du matin. En fin de journée, j’assiste aux disputes qui voient le maitre et les bacheliers débattre.

Si tout se passe bien, je serai bachelier au bout de quatre années d’études, puis deux ans pour obtenir ma licence, et encore deux ans pour la maitrise ès arts. Si je parviens à ce grade, je pourrai choisir l’une des trois filières : droit, médecine, théologie. En fonction du parcours, il me faudra entre 6 et 14 ans d’étude supplémentaires pour obtenir mon doctorat. Je ne suis pas certain d’aller au bout. Etudier suppose un gros effort de mémorisation. Les textes sont transmis oralement, même si je peux en consulter quelques-uns à la bibliothèque ou en louer une partie auprès d’un libraire du quartier.

L’argent risque à terme de me poser un problème. La vie est chère à Paris. Aux dépenses courantes de la vie quotidienne, s’ajoutent l’achat du matériel d’écriture, les livres et les droits d’examen. Je ne te parle même pas du logement. C’est un véritable problème, malgré l’obligation faite aux bailleurs de pratiquer des loyers modérés pour les étudiants. Heureusement, les collèges, comme celui de la Sorbonne, fournissent un toit, le couvert et une bourse à certains étudiants. C’est la raison pour laquelle, je vais demander à père s’il peut m’envoyer quelques subsides.

Affectueusement

Gérard

 

Sources

Texte : DESTEMBERG Antoine, « Etudier à tout prix », Historia, n° spécial 61, septembre-octobre 2021, pp56-58.

Image : https://www.herodote.net/15_janvier_1200-evenement-12000115.php

 

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