1919-1920 : La guerre soviéto-polonaise

 


Le 11 novembre 1918, la guerre se termine. L’Allemagne, ayant été invaincue sur le front de l’Est, laisse un immense vide lorsqu’elle se retire. Ses anciennes possessions correspondent à la Pologne, la Biélorussie et une partie de l’Ukraine. La Pologne et la Russie soviétique naissent de la dislocation des empires centraux (Allemagne, Russie, Autriche-Hongrie). Les Soviétiques évoquent l’avenir radieux du prolétariat. A l’inverse, les Polonais se réfèrent à leur glorieux passé. Ils ont une revanche à prendre sur l’Histoire. En effet à la fin du XVIIIe siècle, la Russie et la Prusse avait démembré la république de Pologne-Lituanie

Le problème des frontières se pose dès la proclamation de la nouvelle république polonaise. Si le traité de Versailles entérine la frontière occidentale avec l’Allemagne, il ne précise rien pour la frontière orientale. Des opportunités sont à saisir, d’autant plus que la Russie est plongée dans une terrible guerre civile opposant les Rouges et les Blancs. De leur côté, bien que répudiant l’impérialisme des tsars, les bolcheviks prêchent et œuvrent pour l’extension du système soviétique. Ainsi, ils s’appuient sur des sympathisants locaux pour la proclamation de républiques soviétiques dans les pays baltes, en Biélorussie et en Ukraine. Le soviétisme de Lénine a vocation à s’exporter jusqu’aux confins de l’Europe occidentale. L’Allemagne semble le terrain le plus propice. En effet, le pays est secoué par des troubles sociaux et politiques.

La Pologne profite des dissensions au sein de la Russie pour avancer ses pions. Au printemps et à l’été 1919, les Polonais agrandissent leur territoire en Lituanie et en Biélorussie. Le conflit entre Moscou et Varsovie semble inévitable, à la fois par incompatibilité idéologique, par hostilité traditionnelle et par désaccord sur les frontières. Le général et chef d’Etat Pilsudski décide de jouer le tout pour le tout en privant la Russie des ressources de l’Ukraine. Le 17 avril 1920, il lance une offensive sur Kiev. La ville est prise le 7 mai. Epuisée par des années de guerre, la population n’aspire qu’à la paix. Elle perçoit les Polonais comme des occupants et non comme des libérateurs. La Pologne apparait comme un pays belliciste, qui a envahi sans raison l’Ukraine. De plus, l’armée russe s’est retirée avant les combats et demeure intacte. Moscou décide d’en finir avec les menaces sur sa frontière en attaquant en Biélorussie et en Ukraine. L’arrivée inopinée des cavaliers rouges sème la panique jusqu’à Varsovie. A sa grande surprise, Pilsudski ne parvient pas à juguler la percée. Ses troupes reculent de 300km, mais sans être mises hors de combat. Elles reviennent à leurs positions initiales avant l’invasion de l’Ukraine. La guerre va se jouer en août 1920 à Varsovie. Les Soviétiques s’enfoncent dans les défenses de Varsovie, là où les combats sont les plus violents. Le 17 aout, les Polonais contre-attaquent avec force.

Un traité de paix est signé à Riga le 18 mars 1921. Les Polonais évacuent Minsk. Les Soviétiques abandonnent une partie de la Biélorussie et de l’Ukraine. La république polonaise est sauvée, mais se retrouve dans les territoires gagnés à l’Est avec 9 millions de non Polonais : Ukrainiens, Biélorusses, Juifs.

La guerre soviéto-polonaise ne ressemble pas à la Première Guerre mondiale. Deux armées nouvelles s’affrontent sur des territoires s’étendant sur des centaines de kilomètres. Percer n’est jamais un problème. Les retraites se succèdent aux avancées. A Varsovie, le ciel appartient aux Polonais. Rien ne s’oppose au survol des formations soviétiques. En quelques heures, l’état-major polonais connait les positions ennemies et agit en conséquence. Les Polonais peuvent aussi compter sur leur remarquable capacité à écouter les communications de leur adversaire. Ils savaient aussi bien que Moscou la situation des troupes soviétiques.

Dans les plans du général Toukhatchevski, la Pologne n’était qu’une étape vers l’Allemagne. Le projet était pourtant illusoire, car les Soviétiques n’avaient pas déjà pas assez de force pour battre les Polonais. En effet après une marche de 600km, l’armée rouge n’était pas en capacité s’emparer de Varsovie. De plus, sa direction militaire était désunie. Le général Toukhatchevski a confondu allant révolutionnaire, vitesse et précipitation. Au sommet de l’Etat, Lénine a sous-estimé le facteur national. L’ouvrier et le paysan polonais ne cessent pas d’être polonais. Ils perçoivent les Soviétiques, non comme des libérateurs, mais comme des avatars de l’oppresseur russe. Au vu de la situation intérieure de la Russie, Lénine décide de signer une paix favorable aux Polonais. Cette paix n’est qu’une pause. Lénine lègue à son successeur un excellent casus-belli.

Sources

Texte : « 1919-1920 : miracle sur la Vistule », Science et Vie : Guerres et histoire, n°56, aout 2020, pp34-53.

Image : fr.rbth.com

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