L’indépendance d’Haïti

 


Au XVIIIe siècle, Saint-Domingue est une colonie française occupant la partie occidentale de l’île d’Hispaniola. La partie orientale est la colonie espagnole de Santo Domingo. Saint-Domingue représente les deux tiers du commerce colonial français. L’île comprend entre 450.000 et 600.000 esclaves pour seulement 70 à 80.000 libres, dont 30.000 affranchis.

Aux États généraux de 1789, les élites se divisent. Les grands planteurs exigent davantage d’autonomie sur le modèle britannique, la liberté de commercer avec les États-Unis et le maintien des discriminations à l’encontre des libres de couleur. A l’inverse, les libres de couleur prônent l’égalité. Le lobby des planteurs obtient le maintien du système esclavagiste lors de la promulgation de la République. Frustrés, les libres et les affranchis prennent les armes. Ils entraînent dans leur sillon, les esclaves. En août 1791, les esclaves saccagent les campagnes. Ce soulèvement a été rendu possible par l’effervescence de la pensée abolitionniste, le contexte révolutionnaire français, l’effondrement de l’autorité publique dans les Antilles et la longue histoire de la résistance à l’esclavage. En métropole, le traumatisme est immense. Les planteurs accusent les abolitionnistes d’avoir causé la révolte. Ces derniers attribuent la brutalité du soulèvement aux machinations royalistes.

Les puissances étrangères, bien que craignant un effet de contagion à la Jamaïque et à Cuba, se réjouissent de voir la production sucrière de Saint-Domingue s’effondrer. Londres saisit l’occasion pour tenter de ravir les colonies antillaises. En 1793, les troupes britanniques s’allient aux troupes espagnoles et débarquent sur l’île. L’évènement résout les autorités françaises à proclamer l’émancipation générale le 4 février 1794, dans le but de favoriser la résistance des esclaves face à l’envahisseur. La France déclare les colonies parties intégrantes de la République.

Dans cette lutte, un homme va changer le destin de l’île. Il s’agit de Toussaint Louverture, affranchi et noir libre. Il décide de soutenir la France après avoir combattu pour les Espagnols. Il est convaincu que la République ne remettra pas en cause l’abolition. C’est un excellent tacticien et un politique habile. En 1798, il réussit à consolider les armées françaises et à déloger les Britanniques. Il appelle le retour des colons blancs pour relancer la production. Il refuse le rétablissement de l’esclavage. Il restreint les droits des cultivateurs en leur interdisant de quitter leur habitation. Son but est d’imposer son autorité sur l’ensemble de l’île. Il se lance dans une guerre contre le général André Rigaud. Plus puissant, il le chasse, puis incorpore la partie orientale sous domination espagnole. L’île est réunifiée. Elle devient un îlot de liberté dans une mer esclavagiste. Le pays sert de modèle, voire de base arrière des révoltes caribéennes et sud-américaines. La résurgence du lobby colonial au sommet de l’Etat fragilise cet arrangement. La nouvelle constitution française restaure le principe des lois spéciales dans les colonies.

En 1801, Toussaint Louverture dote la colonie d’une constitution propre et est proclamé gouverneur à vie. Contre l’avis du Directoire, il traite avec la Grande-Bretagne et les États-Unis afin de rétablir le commerce. L’année suivante, le général Leclerc, beau-frère de l’empereur, débarque avec un contingent militaire. Victime d’un piège, Louverture est capturé. Déporté en Europe, il meurt au fort de Joux dans le Jura. Malgré la neutralisation de Toussaint Louverture, la lutte se poursuit. Le 18 novembre 1803 lors de la bataille de Vertières, les troupes haïtiennes battent les Français. Le 1er janvier 1804, Jean-Jacques Dessalines, le successeur de Toussaint Louverture, proclame l’indépendance de Saint-Domingue sous le nom d’Haïti. Il est proclamé empereur sous le nom de Jacques Ier.

En 1844, la partie orientale soutenu par l’Espagne gagne son indépendance et devient la République de Saint Domingue. Les Etats-Unis refusent de reconnaitre l’État haïtien jusqu’en 1861. Les Britanniques opposent une fin de non-recevoir. En 1825, Charles X impose au gouvernement haïtien le remboursement d’une dette de 150 millions de francs-or, destinée à compenser les pertes des planteurs. Haïti doit emprunter à des banques françaises. La dette sera entièrement payée en 1950. Elle pèsera lourd sur l’économie du pays. Le pays est déclassé au profit de Cuba. En 1904, le président français refuse de se rendre au centenaire de l’indépendance d’Haïti. Le même phénomène se reproduit pour le bicentenaire en 2004, afin d’éviter toute discussion sur la restitution de la dette réclamée par le président haïtien.

 

Sources

Texte : COVO Manuel, « Saint-Domingue : l’autre scène révolutionnaire », L’Histoire, hors-série n°93, octobre-décembre 2021, pp74-77.

Image : http://www.ambassadehaitivenezuela.org/vertiere-patrimoine-de-lhumanite/

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