Le Sud aurait-il pu gagner ?
Autre
chose que de refaire simplement le match ou d’être un objet uchronique amusant,
cette question permet surtout de synthétiser les enjeux et les grandes étapes
de la guerre de Sécession.
Les
Sudistes disent qu’ils ont perdu la guerre, car ils avaient moins d’hommes. Il
est vrai que le Nord aligne des effectifs bien supérieurs. Néanmoins, l’Histoire
montre des peuples ayant vaincu en infériorité numérique. La situation aurait
pu être identique pour la Confédération, qui possède des généraux plus
compétents : Lee, Jackson, Beauregard, les deux Johnston. D’un point de
vue militaire, le Sud a commis deux erreurs. Tout d’abord, la concentration des
troupes sur le front de Virginie. Richmond a délaissé le front oriental, autant
par manque de moyens que par stratégie. Une fois le Mississippi pris, les
Nordistes ont coupé la Confédération en deux et pu progresser. Ensuite, Lincoln
comprit plus vite que Davis qu’il fallait mener une guerre totale, sur tous les
fronts. Grant et Sherman ont été les généraux capables de mener à terme cette
guerre d’un genre nouveau. Les Sudistes disent également qu’ils ont perdu par
manque d’équipement. C’est une réalité. L’appareil industriel et financier se
trouve au Nord. La Confédération est obligée de monter ses propres usines. Une
telle opération nécessite du temps. Entre-temps, le blocus complexifie les
importations. La main d’œuvre servile diminue au fur et à mesure de l’avancée
des tuniques bleues. Petit à petit, le pays manque de tout. Il ne produit pas
assez pour l’effort de guerre et faire vivre sa population.
Les
causes de la défaite du Sud ne sont pas que militaires, elles sont tout autant
politiques. En effet, les divisions internes ont affaibli la Confédération. Le
droit des Etats a saboté le pouvoir de l’administration de Davis. Les Etats ont
fait sécession pour se libérer du joug de Washington. Ils rechignent à
retrouver une forme de fédéralisme, pourtant nécessaire dans la conduite de la
guerre. Le Sud n’a pas profité des dissensions du Nord. Tout comme leurs
homologues du Sud, certains citoyens conspuent la conscription et l’impôt. Ils
perçoivent cette guerre comme celle des riches menée par les pauvres. Le parti
démocrate appuie sur ce mécontentement. Il ne nie pas sa volonté de compromis
avec la Confédération. Néanmoins, les succès militaires favorisent les
réélections des républicains, puis de Lincoln. Le Sud a également perdu la
bataille d’une reconnaissance sur la scène internationale. Le chantage au coton
n’a pas fonctionné. Britanniques et Français refusent d’heurter les Etats
fédérés et de froisser leur population plutôt anti-esclavagiste. Ils trouvent
et créent d’autres sources d’approvisionnement en coton, notamment en Egypte et
en Inde.
Il
est possible de déceler quatre moments clé dans la guerre de Sécession. Le
premier se déroule à l’été 1862. Robert Lee traverse la frontière virginienne.
Le Sud menace directement Washington, brisant l’élan nordiste. Si la victoire
de la Confédération à ce moment n’est pas certifiée, la prolongation du conflit
est acquise. Le second se déroule à l’automne 1862. La victoire unioniste
d’Antietam brise l’avancée confédérée. Elle permet aux républicains de
conserver leurs sièges aux élections de mi-mandat face aux démocrates
sollicitant un compromis avec Richmond. Par ailleurs, les puissances
européennes préfèrent botter en touche la reconnaissance de la Confédération.
La prise de Vicksburg à l’automne 1863 constitue le troisième moment. L’Union
coupe en deux la Confédération. Enfin à l’été 1864, la prise d’Atlanta et la
destruction de l’armée d’Early dans la Shenandoah permettent de resserrer
l’étau en Virginie et la réélection de Lincoln.
La
Confédération ne pouvait pas mener une guerre longue. Ses ressources en hommes
et matérielles sont inférieures. Son appareil productif est insuffisant. Le
blocus met à mal son économie axée sur l’exportation de coton. Pour survivre,
la Confédération devait gagner vite. Elle a échoué à Bull Run et en 1862.
En
1865, Robert Lee comprend que le Sud ne peut plus gagner. Il refuse de mener
ses hommes dans une guérilla. Une telle guerre ne serait pas dans l’intérêt des
citoyens des Etats du Sud. Ne pouvant résister, le Sud se console par une
vision idéalisée de l’histoire connue sous le nom de « cause
perdue ». L’accent est mis sur le courage des sudistes embarqués dans une
guerre injuste et inégale. Le Sud était une terre fleurie de demeures à
colonnades blanches occupées par de jolies maîtresses de maisons et d’esclaves
heureux comme le montre le roman Autant en
emporte le vent de Margaret Mitchell, pendant de La Case de l’Oncle Tom.
Sources
Texte
KEEGAN
John, La Guerre de Sécession, Perrin,
Paris, 2013
BERNARD
Vincent, Le Sud aurait-il pu gagner ?, Economica Paris, 2017, 144p
Images
https://www.revuedesdeuxmondes.fr/21-juillet-1861-debut-de-la-guerre-de-secession/
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