L’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou (Casteil - 66 Pyrénées Orientales)

 

L’abbaye de Saint-Martin-du-Canigou est un monastère bénédictin, situé sur les hauteurs du village de Casteil à 1055 mètres d’altitude. Le dénivelé entre le village et l’abbaye est de 250 mètres. L’église abbatiale résume les évolutions de l’art roman méridional en Roussillon.

 

A la fin du Xe siècle, Guifred II, comte de Cerdagne, ordonne l’édification d’un monastère. Bénéficiant de nombreuses donations, l’édifice est opérationnel au bout d’une dizaine d’années. Le 10 novembre 1009, Oliba, évêque d’Elne et frère de Guifred, consacre l’église. Elle est dédiée à la Vierge Marie, à Saint-Martin et à Saint-Michel. Quelques années plus tard, l’abbaye acquiert les reliques de Saint-Gaudérique : un paysan du IXe siècle canonisé à sa mort pour avoir défendu les paysans contre les abus des seigneurs. Il est devenu le patron des agriculteurs catalans. Le comte Guifred se retire dans l’abbaye pour y terminer ses jours. Sa tombe vide est toujours visible.

L’abbaye décline rapidement, à tel point qu’elle perd son indépendance au XIIe siècle. Le tremblement de terre de 1428 cause d’importants dégâts. De nombreux bâtiments sont détruits et le clocher amputé. Faute de financements, les travaux de reconstruction perdurent. A la Révolution, les autorités expulsent les cinq derniers moines résidant encore dans l’abbaye et ferment le monastère. Le mobilier est revendu. Les bâtiments servent de carrière de pierres aux habitants.

Au début du XXe siècle, l’évêque de Perpignan, Jules de Carsalade du Pont, achète les ruines du monastère et entreprend la restauration. Le 11 novembre, deux milles personnes venues du Roussillon et d’Espagne, accompagnent l’ecclésiastique sur le site pour en prendre officiellement possession. Le décès de l’évêque en 1932, puis la guerre interrompt les travaux. La restauration reprend en 1952 sous l’égide du père Bernard de Chabannes. En 1988, l’évêque de Perpignan confie l’abbaye à la Communauté des Béatitudes, qui rassemble des moines, prêtres et laïcs partageant des offices liturgiques et une vie en communauté. Outre leurs missions de prières, les membres de la communauté assurent un accueil touristique et spirituel au sein de l’abbaye.

  

Le premier art roman méridional apparaît en Roussillon à Saint-Martin-du-Canigou. L'architecte de l’abbaye n'emploie pas encore la totalité des nouvelles connaissances architecturales.

Chose rare, l'abbatiale possède deux églises superposées. L'église inférieure est dédiée à la Vierge Marie. Elle en partie souterraine, creusée dans la roche. Elle mesure trois mètres de haut pour cinq mètres de large. Deux stades de construction apparaissent. Le premier a été fait rapidement et correspond à l’architecture employée dans les cryptes. La deuxième campagne élabore un style plus travaillé avec des piliers cruciformes et des arcs doubleaux. L'église supérieure est dédiée à Saint-Martin. Sa construction a nécessité le renforcement des piliers de l’église inférieure. Certaines colonnes sont englobées dans des piliers carrés. L’église se divise en trois nefs, séparées par des colonnes monolithes et voûtées en berceau en plein cintre. Les chapiteaux offrent un décor minimaliste. Une petite chapelle est accolée pour recevoir les reliques de Saint-Gaudérique.

Le clocher abrite une chapelle consacré à Saint-Michel. Il n’est pas rare de trouver ce type d’agencement en Italie. La partie basse du clocher, avec ses bandes méridionales, est caractéristique du premier art roman méridional. La partie haute, plus sobre, a été construite après le tremblement de terre.

Le cloitre actuel ne correspond en rien à ce qu’il était à l’époque. Formant un quadrilatère, irrégulier, il comprenait deux niveaux. Le niveau inférieur présentait des galeries voûtées et des arcades en plein cintre dénudées de tout décor. Le niveau supérieur possédait des chapiteaux de marbre, qui furent éparpillés après la fermeture du monastère. La restauration a permis d'en récupérer certains, qui furent intégrés dans la nouvelle galerie méridionale. Cette galerie est un ajout du XXe siècle. Ouvrant sur le précipice, elle présente des chapiteaux tant de l'ancien étage supérieur que d'autres leur étant postérieurs.

Ces derniers ont été récupérés dans les villages des alentours. Ils diffèrent par le style et l’époque. Une partie d’entre eux sont taillés dans un marbre blanc et d’autres dans un marbre rose-vert. Ils présentent des hommes, des femmes une multitude d’animaux issus du bestiaire médiévale : lions, béliers ailés, singes. Leur signification sont le fruit d’hypothèses : des processions religieuses, la représentation des sept péchés capitaux, celle du vœu de silence…

  

Aujourd’hui, l’abbaye a retrouvé sa vocation originelle. La communauté des Béatitudes assure l’office divin et accueille les pèlerins ou les personnes désirant effectuer une retraite spirituelle. Les sœurs effectuent également des visites touristiques du monument durant une heure. Si le cœur vous en dit et si votre condition physique le permet, vous pourrez cheminer jusqu’au monastère sur la pente très raide. Un lieu inhabituel perché dans les montagnes et une fontaine d’eau douce fraiche récompenseront vos efforts.

  

Sources

Texte : Visite guidée de l’abbaye effectuée en juillet 2020

Image : Wikipédia

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