Querelles de voisinage entre Pat Irish et Helen Britannia
Au
milieu du XIIe siècle, des rois irlandais font appel à des guerriers gallois
pour leur prêter assistance contre des ennemis locaux. A cette époque,
plusieurs seigneurs se partagent le contrôle de l’île. Le roi d’Irlande est un
titre honorifique. Une fois le travail accompli, ces guerriers décident de
demeurer sur place. Henri II d’Angleterre soutient cette installation. Il
déclare que les terres acquises appartiennent désormais à sa couronne. Sous
couvert d’évangélisation, il reçoit le soutien du pape Adrien IV, qui est
anglais. L’intervention papale freine les mouvements de contestation dans un
premier temps.
Au
XIII siècle, l’Angleterre connaît une forte croissance démographique. Le
surplus migre en Irlande. Les Anglais s’accaparent les terres fertiles,
repoussant les Irlandais dans les montagnes du Nord et de l’Ouest. Ces derniers
sont exclus des nouvelles institutions locales se mettant en place.
Au
milieu du XIVe siècle, la couronne promeut une série d’édits à Kilkenny,
interdisant aux Anglais l’usage du gaélique, le patronage d’artistes irlandais
et le port de vêtements ou de signes irlandais. Néanmoins avec les crises,
nombre d’Anglais retournent en Angleterre, laissant la possibilité aux Irlandais
de se réinstaller. Ainsi à la fin du XVe siècle, la zone anglaise se réduit à
la région de Dublin. De plus, les édits de Kilkenny ne sont pas suivis. Des
Anglais épousent des Irlandaises et adoptent la langue et les coutumes locales.
Toutefois, ils ne se considèrent pas comme Irlandais, mais comme des Anglais
d’Irlande.
Les
mouvements de contestations reprennent au XVIe siècle, lorsque Henri VIII tente
de propager la réforme protestante dans une Irlande catholique. Les habitants
de l’Ulster recherchent le soutien des Espagnols. Une guerre éclate en 1590 et
se termine par la défaite des Irlandais à la bataille de Kinsale. Londres
entend bien que cet évènement ne se reproduise pas. La couronne engage un
programme pour faire de l’Ulster une province protestante et loyaliste. Les
Irlandais sont expropriés de leurs terres et remplacées par des colons
protestants. En quelques décennies, l’Ulster se range du côté de l’Angleterre.
Cette politique échoue à l’échelle de l’île. Le reste de l’Irlande demeure catholique.
La scission entre le Nord et le Sud est née.
En
1800, l’Acte d’Union crée le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande. Un
secrétaire en chef pour l’Irlande, rattaché au Ministère de l’Intérieur, assure
la gestion de l’île. Le vice-roi n’a qu’une fonction honorifique. Le pouvoir
législatif se tient au parlement où une centaine de députés irlandais siègent.
Pour la plupart, ils sont originaires d’Ulster. La fracture s’accroît. L’Ulster
protestante s’industrialise avec les docks de Belfast et les filatures de la
vallée Lagan. Le reste de l’Irlande catholique demeure agricole et assujettis
aux grands propriétaires anglo-irlandais protestants.
En
1823, Daniel O’Connell fonde la Catholic Association. Il se présente aux
élections législatives de 1828 et est élu face au candidat du gouvernement.
Grâce à son lobbying, un acte d’émancipation est signé le 13 avril 1829.
Protestants et catholiques sont mis sur un pied d’égalité. Ces derniers peuvent
accéder à toutes les fonctions militaires et civiles. O’Connell est élu maire
de Dublin. Bien que luttant pour l’émancipation de ses compatriotes, il ne
souhaite pas que son pays plonge dans une guerre civile. Il a été témoin des
horreurs de la Révolution française. Le mouvement romantique Jeune Irlande
entend rendre à l’Irlande ses coutumes.
Entre
1845 et 1849, la maladie du mildiou détruit les récoltes. C’est la grande
famine. Un million d’Irlandais émigrent aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Ils
s’entassent dans les ghettos des grandes villes. Les ouvriers britanniques
perçoivent avec animosité cette main d’œuvre les concurrençant sur le marché du
travail. Un autre million d’Irlandais décède de la famine. En total, l’île perd
un quart de ses habitants. Les Britanniques réagissent mollement. Ils importent
des pommes de terre, un aliment, certes roboratif, mais qui n’a pas une bonne
réputation. Cet aliment est donné aux cochons. Des révoltes éclatent.
En
1865, l’Habeas Corpus, qui protège les libertés publiques, est suspendu
en Irlande. Les nationalistes sont arrêtés. En réaction, la Fraternité
républicaine irlandaise (IRB), menée par d’anciens soldats ayant combattu aux
Etats-Unis durant la guerre de Sécession, déclenche une insurrection armée et
revendiquent l’indépendance. Mal préparée, la révolte tourne au fiasco. L’IRB
change de méthode. Ils recourent aux attentats à l’explosif. A Londres, les
parlementaires perturbent le débat législatif par tous les moyens légaux. Lord
Gladstone, premier ministre libéral, fait voter une loi agraire à destination
des paysans catholiques. Ces derniers jouissent désormais des mêmes droits que
leurs homologues protestants.
L’aspiration
indépendantiste se fait de plus en plus forte. Fondé en 1905 par Arthur
Griffith, le Sinn Féin appelle les Irlandais à boycotter les institutions britanniques
et à faire allégeance à des institutions parallèles nationales. Cependant,
toute l’Irlande n’aspire pas à l’indépendance. Ainsi en 1912, les habitants de
l’Ulster se mobilisent contre le projet de Home Rule, conduit par le premier
ministre libéral Asquith, visant à une plus large autonomie de l’Irlande. Ces
derniers obtiennent la faculté de se soustraire à cette loi.
Au
lendemain de la Première guerre mondiale, les espoirs des Fenians sont déçus. Le
21 janvier 1919, les députés irlandais font sécession et forment une nouvelle
chambre à Dublin. Ils nomment comme président, Eamon de Valera, chef de
l’insurrection de 1916, et proclament l’indépendance. Londres réagit en
envoyant des unités militaires. Issus des vétérans de 14-18, ils font régner la
terreur. En Irlande du Nord, les catholiques sont licenciés, expropriés et
chassés de la province avec violence. Le 23 décembre 1920, le Parlement de
Westminster institutionnalise la partition Nord-Sud en offrant un double régime
de Home Rule. Les Ulstériens acceptent à contre cœur, tandis que l’IRB, devenu
l’IRA (L’Armée révolutionnaire irlandaise) poursuit la lutte armée. Des
négociations débouchent un traité de paix. L’Union est dissoute. L’Angleterre
rapatrie ses fonctionnaires et ses militaires. Reconnue en tant que nation,
l’Irlande obtient le statut de dominion au sein de l’empire britannique. Elle
doit jurer fidélité à la couronne. En revanche, les six comtés du Nord restent
membres du Royaume-Uni et reçoivent des bases navales. En 1932, l’Etat de République
d’Irlande se crée.
Deux
Etats coexistent au sein de l’île. Tout les oppose : la religion,
l’économie et dans une moindre mesure la langue. Les nationalistes n’acceptent
pas cette situation. L’IRA importe des armes des Etats-Unis et poursuit les attentats.
A Belfast, des milices se forment. Les forces volontaires d’Ulster et
l’Association de défense de l’Ulster veulent protéger la région des visées
nationalistes irlandaises. Londres les soutient, n’hésitant pas intervenir
militairement. Le 30 septembre 1972, des soldats britanniques ouvrent le feu
lors d’une manifestation, causant la mort de 14 personnes C’est l’épisode du
Bloody Sunday, interprété par le groupe U2. L’IRA répond par une série
d’attentat. Ainsi, les extrémistes de tout bord bloquent toutes possibilités de
conciliation, sans pour autant pouvoir éliminer leurs concurrents. A
l’étranger, les opinions publiques s’émeuvent de la situation. Les Etats-Unis
et la Communauté Européenne font pression sur les deux Etats, afin qu’une
solution soit trouvée. En 1985, un accord anglo-irlandais est conclut. Dublin
obtient un droit de regard sur les affaires nord-irlandaises. Les catholiques
résidant en Ulster pourront compter su Dublin pour les défendre. Ils n’auront
plus besoin de soutenir l’IRA. Londres s’engage à céder l’Irlande du Nord à
Dublin si ses habitants le souhaitent. Dans le cadre des négociations, l’IRA
annonce un cessez-le-feu et travaillent désormais à convaincre la population du
Nord. Pendant ce temps, des négociations se poursuivent entre Londres et Dublin
sous la houlette de Washington. Le 10 avril 1998, un nouvel accord est signé
(accord du vendredi saint). Le pouvoir en Irlande du Nord est exercé
conjointement par les unionistes (ceux favorables au maintien dans le
Royaume-Uni) et les nationalistes. L’exécutif de Belfast est bicéphale. Cet
accord satisfait les Unionistes qui demeurent rattachés à la Grande-Bretagne.
Les nationalistes ont accès au pouvoir et ne peuvent plus subir de
discriminations. De plus dans le cadre du marché européen, la libre circulation
des biens et des personnes entre les deux Irlande est garantie. Cet aspect a
failli être remis en cause en 2016 lors du Brexit. La question irlandaise a
resurgit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sous entend la réinstauration
d’une frontière. Après d’âpres négociations, il est convenu entre Londres et
l’Union Européenne du maintien de la réglementation européenne au sein de
l’Irlande du Nord.
Sources
Texte : « Les Irlandais : 200
ans de rébellion », L’Histoire, n°455, janvier 2019,pp 33, 59.
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