Château-Gaillard – Les Andélys (27 – Eure)





Au XIIe siècle, la Normandie appartient à la couronne d’Angleterre. Cette situation engendre des tensions entre Richard Cœur de Lion et son homologue français Philippe Auguste. Une réconciliation apparaît lorsque les deux rois s’engagent ensemble pour une nouvelle croisade (la troisième). Néanmoins, les revers militaires et les maladies subies par l’armée française permettent à Richard de s’auréoler de gloire. Agacé, Philippe rentre en France, laissant les Anglais guerroyer contre Saladin. Le roi de France entend bien profiter de l’absence de Richard pour conquérir la Normandie.


Richard a choisi le site des Andelys pour construire une forteresse, afin de barrer la route aux Français. Ce choix pose deux problèmes. Tout d’abord, il viole les clauses du traité de 1196. Ensuite, les terres appartiennent à l’archevêque de Rouen. Richard passe outre le traité et échange au prélat d’autres domaines. L'échange est particulièrement favorable à l'Église.
La construction du château dure moins de deux ans. En 1198, il est opérationnel. Situé sur un éperon rocheux de 90 mètres d’altitude, il se distingue des autres forteresses de cette époque. Il s'organise en plusieurs zones, emboîtées et indépendantes les unes des autres. Le but est de multiplier les obstacles, afin d'épuiser l'assaillant.
Le donjon est une tour circulaire. Un escalier de pierre permet d’y accéder. L’ouverture de baies géminées indique une fonction résidentielle en plus de son rôle défensif. Le donjon se situe dans la haute cour. Un fossé et une enceinte en ellipses l’entourent. Sa forme offre une meilleure résistance aux projectiles. La haute cour comprend une aula, un four à pain, une armurerie et des celliers. Deux ans de nourriture peuvent y être stockés. La basse-cour s’étend à l’Est, du côté opposé à la falaise. Elle est entourée d’un fossé surmonté d’un rempart. Elle accueille des bâtiments domestiques, une chapelle, des caves et un puits. Celui-ci permet de puiser l’eau 120 mètres plus bas. Le liquide est stocké dans des citernes creusées dans la roche. Sur le promontoire oriental s’étend un ouvrage défensif avancé servant d’entrée principale. Il est indépendant du reste du château. Seul un pont mobile enjambant un fossé le relie à la basse-cour.
Château-Gaillard présente des novations pour l’époque de par sa géométrie, ses tours circulaires et son système de mâchicoulis et d’arc brisés. Le système défensif du château est complété par le bourg fortifié de La Couture, la présence d’un fortin sur l’île fluviale, de mottes castrales et de rangées de pieux en amont.


Philippe Auguste profite de la mort de Richard pour partir à la conquête de la Normandie. A l’été 1203, il conquiert l’île fluviale et le bourg. La route vers Rouen est ouverte, mais le roi de France entend bien abattre la forteresse de Richard. Les Français assiègent le château. Le plan n’est pas de lancer un assaut contre une redoutable place-forte, mais d’affamer la garnison pour qu’elle se rende. Le commandant Roger de Lacy commence par expulser les 1200 habitants ayant trouvé refuge dans ses murs. Ils espèrent économiser les vivres en attendant l’arrivée des renforts. Les Français laissent passer les premiers. Néanmoins, craignant le passage de messages ou de soldats, ils ferment leurs portes. Plusieurs centaines de personnes périssent de faim et de froid entre les deux armées.
Dans un premier temps, les Français s’emparent de l'ouvrage avancé, obligeant les défenseurs à se replier dans le château. Ensuite, ils s’infiltrent dans la basse-cour via la chapelle. Une légende tenace raconte que les Français sont entrés par les latrines. Ce récit a été inventé longtemps après les faits pour apporter une touche d’incongruité et faire oublier que les Français ont violé un sanctuaire religieux. Les Français peuvent s’approcher sans difficulté de la porte du donjon par l’escalier en pierre et enfoncer la porte. Le donjon pris, la garnison dépose les armes le 6 mars 1204. Le roi confie le commandement à Lambert Cadoc et poursuit sa route.
Devenu possession française, le château sert de prison pour Marguerite et Blanche de Bourgogne, deux des trois belles-filles du roi Philippe IV le Bel reconnues coupables d’adultère. Ensuite durant la guerre de cent-ans, l’édifice passe sans cesse des mains anglaises à françaises jusqu’en 1449.


Au XVIe siècle durant les guerres de religion, le château devient un refuge pour les ligueurs catholiques. Henri IV s’empare de la place en 1591 après un long siège. Le roi accède à la demande des Etats de Normandie de raser le château, afin d’éviter qu’il serve de refuge à des bandits armés. Des confréries religieuses prélèvent des pierres pour édifier leurs couvents. En 1611, Richelieu ordonne l’arasement du donjon et des remparts. L’histoire de Château Gaillard s’interrompt jusqu’au XIXe siècle, au moment où les romantiques apprécient ses ruines. Le site devient un lieu touristique à partir des 1860 lorsque la bourgeoisie parisienne s’accorde des loisirs en Normandie. Plusieurs fouilles archéologiques ont permis de mieux connaître le château.


Les Bouches Inutiles, peint par Tattegrain en 1894



Reconstitution du château


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