Les New Yorkais se révoltent contre la conscription !
Du 13 au 16 juillet 1863, des émeutes embrasent la
ville de New York. Elles sont appelées Draft Riots, car il s’agit d’un
mouvement de contestation de la conscription mise en place.
Au début de la guerre, 75.000 hommes répondent à
l’appel du président et rejoignent l’armée, parmi ceux-ci on compte 8.000 New Yorkais.
L’enlisement de la guerre et les lourdes pertes subies entrainent une baisse
d’enthousiasme et du volontariat. Pour combler les pertes, le Congrès vote le 3
mars 1863 l’Acte d’Enrôlement. Il s’agit de la première conscription fédérale
de l’histoire des Etats-Unis. Jusqu’à présent le service dans l’armée se basait
sur le volontariat. La loi autorise le président à enrôler les citoyens âgés de
18 à 45 ans pour une durée limitée à trois ans de service militaire et instaure
des quotas par État. Si ceux-ci ne sont pas atteints les États doivent
organiser des tirages au sort afin de désigner des recrues.
Les hommes tirés au sort possèdent la possibilité de
se dérober à l’enrôlement avec le système de la commutation. En échange de 300
dollars (soit environ 8.000 dollars actuels), le tiré au sort est remplacé par
un nouveau tiré au sort. Seuls les bourgeois peuvent verser une somme si
importante. Cet argent aide à financer la guerre. Des clubs de solidarité se
forment. Ainsi, si l'un des membres du club est appelé, les autres membres se
cotisent pour payer la somme d'exemption. Certains pratiquent le saut de prime.
Ils acceptent de remplacer un tiré au sort en échange que les 300 dollars lui
soit versés et non à l’Etat. Ensuite, l’enrôlé déserte, change de nom et
recommence dans une autre ville. Cette pratique est punie par la peine capitale.
Le premier
tirage au sort de noms se déroule le samedi 11 juillet. Les noms sont inscrits
sur des petits morceaux de papier, placés dans une boîte, puis tirés un par un.
Un deuxième tirage au sort est prévu le lundi 13 juillet. Cependant à 10 heures
du matin, une foule de 500 personnes attaque les locaux où se tient le tirage,
avant que la situation dégénère, et se répande dans les quartiers alentours.
Les émeutiers se comptent par milliers. Les bureaux du New York Time sont pris
à parti. Néanmoins, les employés possèdent des mitrailleuses Gatling. Grâce à
cet armement militaire, ils les repoussent sans difficulté. Des actes odieux
sont commis contre la population noire, donnant lieu à des lynchages et à des
pendaisons. Un orphelinat noir est également incendié. Les policiers sont trop
peu nombreux pour réussir à réprimer les troubles. Ils ne peuvent pas compter
sur le soutien des sapeurs-pompiers occupés à combattre les incendies. De plus,
une partie d’entre eux ont rejoint les émeutiers, car leurs noms figurent sur
les listes d’enrôlement. Les fortes pluies de la nuit éteignent les incendies
et calment les ardeurs de la foule.
La révolte
reprend le lendemain. Les émeutiers s’attaquent aux édifices administratifs et
aux riches demeures. Les autorités demandent l’appui urgent de l’armée pour
reprendre le contrôle de la ville. Les soldats de West Point et les Marines de
l'arsenal naval de Brooklyn sont dépêchés sur place. La situation est moins
explosive le mercredi 15 juillet. Les journaux diffusent l’information selon
laquelle les autorités de la ville ont reçu l’autorisation de tout mettre en
œuvre pour réprimer l’insurrection et que des contingents militaires arriveront
dans la journée. Certains manifestants préfèrent demeurer chez eux. Le
lendemain, les soldats prennent possession de la ville et rétablissent l’ordre
par la force, faisant une douzaine de morts. La conscription est suspendue dans
la ville de New York à partir du vendredi, apaisant quelque peu la situation,
même si de nombreux citoyens continuent à commettre des actes de vandalisme.
Les New Yorkais
se révoltent contre la conscription, mais ces émeutes recèlent des causes
sociales.
Tout d’abord la
possibilité d’échapper à l’enrôlement contre de l’argent engendre un sentiment
d’injustice. Une somme si importante ne pouvant être payée que par les
bourgeois, les classes moyennes et populaires s’estiment lésées. La guerre
civile devient une guerre de riches faite par les pauvres, ce qui explique les
attaques contre les riches demeures. Les démocrates de New York, connus sous le
nom de Copperheads, se font l’écho de ce mécontentement. Opposants politiques
de l’administration Lincoln, ils sont favorables à une paix négociée.
D’ailleurs, le gouverneur de New York, Horatio Seymour, a été élu en 1862 sur
un programme électoral pacifiste. La conscription choque les démocrates. Ils
sont opposés à toute forme de service national.
Ensuite, les
noirs constituent une autre cible des émeutiers qui sont perçus comme la cause
de la guerre, depuis la proclamation d’émancipation faite quelques mois
auparavant. Les citoyens blancs ne comprennent pas les revendications
égalitaires des noirs, surtout parmi les habitants pro-sudistes dans la ville.
Par ailleurs, les populations ouvrières perçoivent les esclaves affranchis
comme des concurrents pour les emplois disponibles. De plus, les noirs
remplacent les travailleurs blancs partis se battre sur le front.
Parmi les
émeutiers figurent un grand nombre d’immigrants irlandais. Ces derniers
constituent la plus importante communauté d’immigrés européens à New York avant
les Allemands. Cette forte présence dans les rangs des émeutiers s'explique de
deux manières. Premièrement, ils n'acceptent pas d'être mis en concurrence avec
des esclaves émancipés sur le marché de l’emploi. Deuxièmement, ils n’acceptent
pas non plus d’être compris dans les tirages au sort. En effet, les Copperheads
ont lutté afin que les immigrants irlandais obtiennent la citoyenneté
américaine. Ainsi, ils ont reçu le droit de participer aux élections.
L’obtention de droits s’accompagne de devoirs dont la possibilité de rejoindre
l’armée pour défendre le pays.
Le bilan final
des émeutes fait état d'au moins 120 hommes tués et d’au moins 2000 blessés. Cinquante
bâtiments sont détruits. Le montant des dégâts se monte entre un à cinq
millions de dollars (environ 70 millions de dollars actuels). Ce type d’émeutes
ne se déroule pas qu’à New York. On peut citer celles se déroulant à Buffalo et
même dans le Sud comme à Richmond. Les tirages au sort reprennent le 19 août
sans provoquer de nouvelles émeutes. Le soutien de New York à la cause de
l'Union se poursuit ensuite mais un peu à contrecœur. Il convient de nuancer
l'importance de la conscription. En effet, les enrôlés de force n'ont pas été
majoritaires. Ainsi sur les 750 000 conscrits du pays, seuls 45 000
partent effectivement au combat. Une très faible minorité a été enrôlée par
substitut.
Sources
Texte :
- MILLET.
Olivier, « Les émeutes de New-York juillet 1863 », publié le 28 avril
2018 sur le site civil-war-uniforms.over-blog.com
- « L’histoire
en bulles n°5 : les tuniques bleues émeutes à New York », publié le 9
mars 2018 sur le site http://www.histogames.com
Images : https://ephemeralnewyork.wordpress.com/tag/draft-riots-nyc/
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