L’Angélus de Jean-François Millet


Jean-François Millet naît en 1814 à Gruchy dans une famille de paysans aisés normands. A 19 ans, il part pour Cherbourg étudier la peinture, puis s’inscrit aux Beaux-Arts à Paris. Il peint des nus, des scènes mythologiques et historiques. En 1848, il expose Un vanneur, sa première œuvre marquante de ses grandes figures paysannes. C'est la première œuvre inspirée par le travail paysan. Il développe cette thématique en peignant une série de scènes rurales souvent poétiques. Il les classe dans l'influence du courant réaliste, glorifiant l'esthétique de la paysannerie. L’Angélus fait partie de cette série présentée lors de l’exposition universelle de 1867 à Paris.

Ce tableau présente un couple de paysans interrompant son travail pour prier. Une scène tirée de la propre vie de l’artiste : « L’Angélus est un tableau que j’ai fait en pensant comment en travaillant autrefois dans les champs, ma grand-mère ne manquait pas, en entendant la cloche, de nous faire arrêter notre besogne pour dire l’Angélus pour ces pauvres morts. ». Il s'attache à représenter avec réalisme et délicatesse un aspect de la vie quotidienne des campagnes de son temps. Il montre qu’il existe parmi les paysans une piété profonde. Il se plait à transposer le message biblique dans le monde réel. Dans ces tableaux, Millet s’applique à travailler les jeux de lumière, la pénombre et le clair-obscur, préfigurant l'impressionnisme.
Le rougeoiement du ciel indique que nous sommes en fin de journée en automne. Le clocher du village, apparaissant au fond, résonne à travers la campagne. Il sonne à 18 heures pour la troisième partie de l’Angélus. Il s’agit d’une prière qui rappelle la salutation de l’Ange à Marie lors de l’Annonciation. Elle est récitée trois fois par jour. Au centre du tableau, le couple est isolé au milieu d’une morne plaine déserte. Apparaissant en contre-jour, le spectateur ne peut distinguer les traits de leur visage. Leur attitude est humble. La fourche, les sacs de pommes de terre et la brouette soulignent que l’homme doit travailler dur pour survivre et que c’est la terre qui le nourrit. Le travail permet de faire fructifier les dons de Dieu.

L’œuvre suscite des critiques. Beaudelaire dénonce le message moral et politique de l’œuvre de Millet. « Ses paysans sont des pédants qui ont d’eux-mêmes une trop haute opinion. Ils étalent une manière d’abrutissement sombre et fatal qui me donne l’envie de les haïr. Ils ont toujours l’air de dire, c’est nous qui fécondons le monde. Nous accomplissons une mission, nous exerçons un sacerdoce. ». Millet doit attendre la fin de sa vie pour rencontrer un succès international. Son Angélus ne connaît un véritable engouement qu’au début du XXe siècle, soit trente ans après la mort de Millet. Le tableau entre au Louvre après un long périple marchand aux Etats-Unis.
Après la guerre de 1870, les scènes paysannes de Millet servent à nourrir l’image d’une France profonde et immuable. Ces compositions représentant des travailleurs des champs vivant en harmonie avec la nature trouvent aussi un écho dans nos sociétés actuelles portées vers l’écologie.

Sources
Texte : COUTURIER Elisabeth, « Jean-François Millet, le grand peintre des petits moments », Historia, n°850, octobre 2017, pp70-71.

Image : L’Angélus, huile sur toile, 55.5x66cm, 1857-1859, musée d’Orsay, Paris.

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