Le siège de Vicksburg
Alors qu’à l’Est, les Confédérés
tiennent la dragée haute aux Nordistes, notamment avec les plans d’action de
Robert Lee, la situation est différente à l’Ouest. Comme le gros des forces confédérées
et les meilleures unités sont maintenues en Virginie, trop peu de troupes
protègent la longue frontière de l’Ouest. A la différence de l’Est, les fleuves
ne constituent pas des obstacles à franchir. Il est donc plus difficile de
mettre en place des défenses. Les Confédérés concentrent leurs efforts sur
certains points et en délaissent d’autres. Les Nordistes ont effectué deux
percées sur le fleuve Mississippi. Au Sud, David Farragut a pris la Nouvelle-Orléans
et remonte le fleuve. Au Nord, Ulysse Grant, devenu le général en chef des
armées de l’Ouest, depuis la nomination d’Henry Halleck comme chef des armées, a
traversé le Tennessee et pénétré dans l’Etat du Mississippi. Du côté de la Confédération , Joseph
Johnston est le général en chef du département de l’Ouest. Ce dernier considère
cette affectation comme une punition. Il a sous ses ordres Braxton Bragg,
retenu dans le centre et John Pemberton. Ce dernier est impopulaire au sein de
l’Etat-major de Johnston, car natif de Philadelphie, il n’est sudiste que par
son mariage avec une Virginienne. De plus, il n’a aucun exploit militaire à son
actif.
Si le Mississippi passe
entièrement sous le contrôle de l’Union, la Confédération se
retrouvera coupée en deux. Les richesses agricoles et le bétail de l’Arkansas,
du Missouri et du Texas seraient perdues pour le Sud. Il est donc crucial de
conserver les derniers bastions le long du fleuve dont Vicksburg. La ville se
dresse sur les Walmut Hills d’une hauteur de soixante mètres. Ces collines sont
soit abruptes, soit entrecoupées de ravines boisées dont le fond est envahi par
de la broussaille. Les pentes mesurent entre douze et quinze mètres de hauteur.
Les Sudistes ont construit de nombreux abattis artificiels formés de troncs
d’arbres et de pieux. Le mur d’enceinte est parcouru de plateformes
d’artillerie desquelles plus de deux cents canons pointent sur le fleuve.
Pemberton dirige la place et 30.000 hommes.
Après avoir pris la Nouvelle-Orléans ,
Farragut remonte le Mississippi s’emparant au passage de Bâton-Rouge, capitale
de la Louisiane. En
juin 1862, il arrive aux abords de Vicksburg. Il dispose de trois milles
hommes, ce qui est insuffisant pour prendre une telle place. De plus, le niveau
du fleuve baisse en été rendant plus difficiles les manœuvres. Le 26 juillet
1862, Farragut renonce et rebrousse chemin.
Plus en amont du Mississipi, les
mouvements de l’armée fédérale sont difficiles. Le fleuve forme des bras tortueux,
envahis de végétation. Sans carte précise, Ulysse Grant perd un temps fou à repérer
le terrain. De plus, son armée est assaillie par les raids de cavalerie de
Nathan Forrest qui détruisent les rails, les lignes de communication et
l’équipement.
Durant l’hiver 1862, Grant est
contraint de retarder l’attaque sur Vicksburg, le temps de sécuriser ses
arrières. Seulement, il ne peut prévenir Sherman de son repli, qui lance un
assaut par l’arrière après avoir traversé les marécages. Grant devait attaquer
de l’autre côté en même temps. Les Sudistes qui ne se retrouvent pas divisés
refoulent les Fédéraux sans problèmes.
Grant émet l’idée de progresser
en creusant des canaux qui permettraient aux canonnières de contourner la place
sous le feu ennemi pour faire la jonction avec Farragut. Quatre projets successifs
échouent. Les opérations s’avèrent difficiles compte tenu du matériel et des
conditions de travail. Des hommes du génie se noient. Les opérations de
dragage, de déblayage et de creusement sont compromises par la densité de la
végétation, la complexité des cours d’eau et les tirs ennemis. Ces travaux
s’étalent sur trois mois sans aucun résultat. A Washington, on se plaint de son
manque de résultat. Le moral des hommes dégringole.
Au début du mois d’avril 1863,
Grant met au point un plan audacieux qui vise à transporter ses troupes par la
voie fluviale de nuit en aval de Vicksburg, puis de débarquer sur une terre
ferme sur la rive orientale. Ce faisant, il se coupe de ses bases arrières,
mais peu lui importe, car il compte vivre sur le pays. L’opération se déroule
dans la nuit du 16 au 17 avril. Après avoir traversé le fleuve et contre toute
attente, Grant se dirige vers la ville de Jackson afin d’éliminer tous risques
d’être pris à revers. Le 14 mai, Sherman et McPherson lancent un assaut contre
les 6.000 Confédérés retranchés dans la ville. Vainqueurs, les Fédérés
saccagent les infrastructures ferroviaires, incendient les fonderies, les
arsenaux et les usines. Les flammes se propagent aux habitations. Les Nordistes
surnomment Jackson la « ville fumante » (Chimneyville). Grant a
réussi à s’implanter en territoire ennemi, à remporter toutes les batailles
contre un adversaire supérieur en nombre et sans base de ravitaillement.
Au mois de mai, Grant lance l’assaut
contre Vicksburg. Après tant de mois d’efforts, il veut voir la citadelle
tomber. D’autant plus qu’il doit faire vite au risque de voir Johnston arriver
avec des renforts. Il se retrouverait alors pris en tenaille. Par ailleurs, les
fortes chaleurs de l’été rendent insalubre les marais environnants. Seulement,
les Sudistes sont bien retranchés et infligent de lourdes pertes aux
assaillants. De son côté, Johnston ne possède pas assez d’hommes pour lever une
armée de secours. Braxton Bragg est occupé au centre et à l’Est, Lee a besoin
de toutes les unités disponibles pour tenter de prendre Washington.
Contre l’avis de Jefferson Davis
et de Joseph Johnston, Pemberton décide de sortir et de combattre. Le 17 mai,
Grant défait les contingents de Confédérés le long de la Black River.
Pemberton se résigne à s’enfermer dans Vicksburg. Grant lance l’assaut contre
la place. Les pertes sont élevées. Le 23 mai, le général nordiste se résout à
mettre en place un dispositif de siège. Au mois de juin, Grant ordonne des
opérations de sape. Les mineurs creusent sous le feu ennemi. Le 25, une galerie
passe enfin sous les positions sudistes. On la remplit d’explosifs et on la
fait sauter. Néanmoins, les Rebelles avaient anticipé et construit d’autres
fortifications à l’intérieur. De leurs positions, ils abattent les Fédéraux
s’engouffrant par cette brèche. L’attaque cause une trentaine de morts et plus
de deux cents blessés. De nouvelles galeries sont creusées avec des résultats
similaires. Grant préfère continuer à attendre plutôt que de lancer une
nouvelle offensive meurtrière.
Le 1er juillet,
Pemberton réunit son Etat-major qui suggère de se rendre. Se rangeant à cet
avis, il envoie deux émissaires pour négocier les termes de la reddition. Grant
les renvoie avec cette phrase lapidaire : « Seule une capitulation
inconditionnelle et immédiate sera acceptée ». Il s’en tient à l’idée que
l’ennemi est un rebelle et qu’il ne peut prétendre aux privilèges des
combattants légitimes. Pemberton s’offusque et menace de reprendre les
hostilités. Néanmoins, il est conscient qu’il ne possède plus les moyens de
lutter. Résolu, il obtient l’autorisation pour ses hommes de les laisser partir
contre la promesse de ne plus prendre les armes. Grant, qui ne souhaite pas
s’encombrer de prisonniers, accepte. Le 4 juillet 1863, la citadelle tombe
enfin.
Le Nord contrôle désormais tout
le fleuve Mississippi et coupe la Confédération en deux. Richmond se voit privée
des réserves de bétail et de chevaux du Texas. Le plan Anaconda est enfin mis
en place.
Sources
Texte :
- Mc PHERSON James, La Guerre de Sécession, Robert Laffont, Paris,
1991, 952p.
- KEEGAN John, La Guerre de Sécession, Perrin, Paris, 2013
Image : Siège de
Vicksburg par Kurz and Allison. Wikipédia
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