Quand les corps des athlètes changent


Au XVIIIe siècle, l'Anglais Thomas Topham fascine les foules en soulevant trois tonneaux remplis d'eau pour un poids de 800kg. Au début du XXe siècle, c'est au tour de Culveran d'enthousiasmer le public après avoir fait le tour de Paris en courant pendant 3 heures. En un peu plus d'un siècle, les corps des sportifs ont changé. Le premier impressionne par sa musculature et sa force, le second par son endurance et son énergie.

Du XVIIe au milieu du XIXe siècle, la figure de l'athlète se confond avec l'image d'Hercule. L'athlète est un être exceptionnel doté de qualités hors du commun. Il est une combinaison de force naturelle et de beauté antique. Le muscle est un signe de virilité. A ce titre, la lutte est le sport dominant, dont les combats se déroulent dans les cabarets.
Le combat entre Agin et Marseille modifie la perception du corps de l'athlète. Le second est un jeune homme mince et nerveux. Il parvient à remporter la victoire contre un colosse. La souplesse vient concurrencer la force brute. La maigreur est préférée à l'embonpoint. Le physique des athlètes anglo-saxons à la silhouette longue incarne l'efficacité des nouveaux champions. Les lutteurs français sont relégués dans les foires au profit des boxeurs britanniques. Dorénavant, la résistance à l'effort et à la douleur impressionnent le public. Les spectateurs se pressent dans les galas de boxe et sur les routes pour admirer les coureurs cyclistes.
De leur côté les scientifiques et médecins s'intéressent à l'état des tissus, aux fibres du cœur, à la résistance des parois des vaisseaux, aux organes et aux conséquences de l'effort sur eux. Ils délaissent la morphologie du corps. Pour le décrire, ils prennent les machines et les moteurs à vapeur comme références. En ce sens, le développement de la poitrine joue un rôle essentiel comme moyen d'optimisation des échanges gazeux dans le corps. En étudiant les cyclistes, les scientifiques constatent que la fatigue des muscles n'est qu'un phénomène d'épuisement nerveux. La notion de fatigue psychologique s'ajoute à celle de fatigue physiologique. La nécessité d'un repos entre deux compétitions s'impose. Le moteur n'est plus le muscle, mais le cerveau. L'athlète doit savoir gérer son effort. Parallèlement, la gymnastique devient intéressante pour les experts qui se passionnent pour la coordination des mouvements et leur exécution. L'athlétisme profite de ces nouveaux centres d'intérêt pour redevenir à la mode.

Entre le milieu du XIXe et le début du XXe siècle, le rapport aux corps des sportifs change. Cette évolution entraine de nouveaux champs d'étude dans les domaines médical et scientifique et l'engouement du public pour de nouvelles disciplines sportives (boxe, cyclisme, gymnastique, athlétisme). La pratique sportive de compétitions devenant de plus en plus complexe, tend à se professionnaliser.

Source
Texte : ARNAL Thierry, "De l'Hercule au sportif", L'Histoire, n°427, septembre 2016, pp 68-71.

Image : Le Cross-Country national de 1903 dans les bois de Saint Cloud et de la ville d'Avray , http://home.nordnet.fr/scharlet/histoire.htm

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