Les explorateurs des mers


Bien que n'ayant pas laissé de noms, les plus anciens explorateurs des mers sont des Polynésiens. Dès - 6000, ils longent les côtes du sud-est asiatique, de l'Australie et de la Nouvelle-Guinée. Vers -1000, ils naviguent déjà en haute mer et dépassent les Vanuatu, le Tonga, les Samoa, des îles séparées de plusieurs milliers de kilomètres pour atteindre l'Amérique du Sud. Ils y découvrent la pomme de terre qu'ils intègrent dans leur nourriture. Cet aliment demeure dans la cuisine traditionnelle. Les Polynésiens possèdent des pirogues très performantes et une excellente maitrise des vivres et de l'eau. Les bananes taro et les ignames sont fermentés, séchés et conservés dans des feuilles. L'eau est stockée dans des bambous ou des calebasses. Les Polynésiens savent se repérer par leur environnement : physique de l'île, vents, courant, houle, couleur de l'eau, étoiles. Ils possèdent un savoir encyclopédique se transmettant de manière orale sous forme de chants et de poèmes, afin d'en faciliter la mémorisation.
Le grec Pythéas, parti de Marseille, a effectué le tour de la Grande-Bretagne, longé les côtes islandaises, avant de rejoindre le Jutland. Outre la découverte de nouvelles terres, Pythéas cherche des gisements d'étain. Portés par le désir de conquérir de nouvelles ressources et de commercer, Grecs et Phéniciens quadrillent toute la Méditerranée, avant de naviguer dans l'Atlantique, la Mer rouge et l'Océan indien. Les connaissances scientifiques enrichissent la navigation. Les mathématiciens divisent le globe en méridiens et parallèle.

Les Arabes ne sont pas un peuple de marins. Bien que disposant de surfaces maritimes importantes, ils ne disposent pas au départ des ressources en bois nécessaires pour construire des flottes. Grâce à l'expansion de leur territoire, les Arabes s'ouvrent à la mer. Leurs conquêtes, dont celle du Liban, résolvent les problèmes d'approvisionnement en matières premières. Les Arabes parcourent l'Océan indien jusqu'en Chine et les côtes africaines jusqu'à Madagascar pour commercer. En revanche, les nations chrétiennes les bloquent en Méditerranée. Néanmoins, les Arabes demeurent attachés à la terre. La mer reste un endroit rempli de danger.
Les Vikings constituent la puissance maritime occidentale au début du Moyen Age. Dotés de différents navires spécialisés, les peuples scandinaves parcourent les mers et fondent des comptoirs aux confins de l'Europe (Islande, Groenland, Russie, Ukraine). Ils atteignent même le Canada. Erik le Rouge demeure le plus célèbre d'entre eux.
Au XIVe siècle, Zheng He traverse la Mer de Chine, le Golfe du Bengale, l'Océan indien et longe les côtes africaines. La Chine aurait pu devenir un empire maritime. En effet, l'Empire du milieu possède trois avantages : la boussole, la jonque et un Etat centralisé. La boussole permet de s'émanciper de l'observation des étoiles, grâce à des cristaux de magnétite indiquant le Nord. Les jonques, ces grands navires à la coque élargie et surélevée, ont pour structure un assemblage de modules étanches, qui leur évite de sombrer en cas de voie d'eau. Enfin, l'Etat chinois est capable d'entretenir une flotte, des chantiers navals, de former des marins et des architectes, d'exploiter les ressources nécessaires. Cependant, les successeurs de l'empereur Yongle mettent un terme aux expéditions navales qui coûtent cher. Par ailleurs, la culture chinoise est basée sur la stabilité et la constance. L'Empire du Milieu se referme sur son pré carré qu'est la Mer de Chine.

Au XVIe siècle, les Portugais et les Espagnols se lancent sur de nouvelles routes maritimes. Bartolomeo Dias atteint le Cap de Bonne-Espérance, contourne l'Afrique et rejoint l'Inde. Les Portugais et les Arabes s'affrontent pour le contrôle de l'Océan indien. Christophe Colomb file plein Ouest et découvre les Antilles, les Caraïbes et l’Amérique centrale. En 1522, l'expédition Magellan boucle le premier tour du monde en trois ans. Ferdinand Magellan meurt aux Philippines abattu par des indigènes. Des facteurs économiques, religieux et scientifiques expliquent cet engouement. La bourgeoisie marchande en plein essor cherche de nouveaux débouchés. La puissance ottomane bloque la route de la soie. Par conséquent, les Européens cherchent à la contourner. De plus, l’Europe est en pleine effervescence intellectuelle et religieuse. Elle redécouvre les traités scientifiques antiques et souhaite propager la parole du Christ à travers le monde. Sur le plan technique, les navires sont désormais capables d'affronter le grand large. Les caravelles remplacent les galères. Les instruments de navigation se perfectionnent. Les cartes et les portulans consignent de nombreuses indications.
Au XVIIe siècle, seul le vaste Océan pacifique résiste encore aux Européen. Néanmoins, les navires ne sont pas adaptés. Ils sont trop petits pour embarquer les vivres nécessaires pour parcourir d'aussi longues distances. Les navires plus importants ne possèdent pas la maniabilité nécessaire. Par ailleurs, les navigateurs ignorent où ils se dirigent. Le calcul de longitude nécessite des instruments trop fragiles pour être embarqués sur des navires. Les choses s'améliorent au milieu du XVIIIe siècle. Le mouvement des Lumières engendre des sociétés de savants qui forment les marins aux sciences. Les gouvernements britannique et français financent des expéditions. Cook, Bougainville, Lapérousse, Byron, Wallis sillonnent l'Océan pacifique.
La recherche de voies navigables au Nord remonte au XVIe siècle. A l'époque, il était question de trouver un chemin plus court pour rejoindre les Amériques sans passer par les comptoirs espagnols. Cependant, la température et les glaces ont causé l'échec de toutes les expéditions. En 1728, le Danois Virtus Béring prouve que la Sibérie et l'Amérique sont séparés par un détroit. En 1879, le Finlandais Nordenskröld longe les côtes de la Russie. Le 13 août 1905, un modeste bateau norvégien entre dans la légende : le Gjoa. Son capitaine Roald Amundsen réussit, après deux ans, à se faufiler entre les icebergs de l'Arctique et à relier le Pacifique et l'Atlantique en restant au Nord. Aujourd’hui toutes les océans sont connus et parcourus. Pour vivre de nouvelles aventures et découvrir d’autres éléments, les explorateurs devront s’intéresser aux fonds sous-marins.


Source
Texte : "La conquête des mers et l'invention du monde", Les Cahiers de Science et Vie, n°167, février 2017, pp 28 à 86.

Image : http://www.australiaforeveryone.com.au/images/golden-hind.jpg

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