La prostitution
L'archonte athénien Solon est le
premier à réglementer la prostitution, dont le but est l'assouvissement du
désir pour préserver la pureté du sang qui est à la base de la citoyenneté. La
loi interdit aux citoyens de copuler avec des femmes et des enfants libres. Les
ardeurs sexuelles sont assouvies dans des maisons spéciales, dont les
directeurs payent un impôt spécial appelé le pornikon. Les prostituées sont des
esclaves souvent achetées sur les marchés de Délos et de Rhodes. Les tarifs sont
bas et les lieux discrets. En la matière, Rome est l'héritière du système grec.
Les Romains reconnaissent le rôle de salubrité publique des prostituées. A
Rome, il n'existe pas de maisons closes administrées par l'Etat, ni d'impôt
spécial, ni de lieux spécifiquement dédiés dans la cité. Les lupanars (lupa
signifie prostituée en latin) se situent généralement dans les quartiers
pauvres. Cependant, les prostituées racolent dans toute la ville. Elles sont
reconnaissables à leurs perruques blondes et à leurs tenues, bijoux,
maquillages excentriques. Leur physique se dégrade rapidement à cause de la
malnutrition, des maladies et des mauvais traitements. Elles appartiennent à un
maître, qui les achète, les forme et collecte l'argent.
Les prostituées se différencient
des courtisanes, qui habitent chez un riche maître. Elles se distinguent par
leur beauté et leur savoir-faire dans un domaine artistique (danse, chant,
poésie, musique). Elles possèdent leur propre demeure, leurs vêtements, leurs
bijoux et leurs esclaves. A Rome, elles prennent souvent des pseudonymes grecs
pour faire plus chic.
La religion chrétienne condamne
l'adultère et le concubinage qui mettent en danger la sacralité du mariage. Les
femmes ne doivent pas être sensuelles, mais des épouses. Les relations
sexuelles n'ont pas pour finalité la jouissance et le plaisir, mais la
reproduction. Les clercs sont conscients que l'homme possède des pulsions
sexuelles qu'il contrôle difficilement. En ce sens, la prostitution joue un
rôle de préservation du couple. Le mal reste limité si l'homme paie ce service
et que l'acte reste dans un cadre réglementaire. Des prostituées sont présentes
dans les campagnes militaires pour empêcher les relations sexuelles entre
soldats.
Les municipalités autorisent
l'ouverture de bordels. Les lieux de débauche sont limités à des bâtiments ou à
des quartiers précis. Elles imposent un cahier des charges détaillant la nature
des services, les horaires et les tarifs. Les prostituées sont enregistrées et
le gérant du bordel est responsable devant les autorités. Les prostituées
passent des visites médicales. En cas de maladies vénériennes, elles sont
expulsées.
Au XVIIe siècle, la société
change avec la réforme catholique qui répond au protestantisme. L'Eglise lutte
contre la débauche. L'amour vénal devient un pêché mortel. Par ailleurs, les
autorités luttent contre la vérole qui ravage la population. En 1667, Louis XIV
instaure la lieutenance de police de Paris. Les prostituées sont arrêtées et
emmenées à la Salpetrière ,
où elles sont soumises à un travail et au catéchisme. Un grand nombre
deviennent religieuses pour échapper à ces conditions de détention. Certaines
sont déportées en Amérique. La prostitution devient clandestine et se limite
aux tavernes. Toute la société affiche sa piété en public, tandis que les
courtisanes continuent de fréquenter les hôtels particuliers.
Au XIXe siècle, les autorités
reviennent à l'idée d'une prostitution comme mal nécessaire. La prostitution
est contenue dans des quartiers spécifiques, qui regroupent les maisons de
tolérance dirigées par une tenancière garantissant la discipline. Ces dernières
s'assurent que les pratiques ne sont pas trop vicieuses ou perverses. Nombre de
prostituées viennent de familles pauvres de province. Elles sont nourries,
vêtues et doivent se rendre au dispensaire. Elles doivent s'inscrire à la
préfecture de police. La prostitution clandestine existe toujours. Les
serveuses dans les bars et les cabarets font souvent plus que servir, danser ou
chanter. Certaines ouvrières se prostituent pour arrondir les fins de mois.
Avec l'émergence de la
bourgeoisie industrielle, les hommes veulent plus de raffinement et de
séduction. L'offre évolue. Les maisons de rendez-vous sont des établissements
avec un décor bourgeois où les filles sont bien habillées, discutent et boivent
un verre avec le client. La barrière entre prostitution, galanterie et flirt se
brouille. A Paris, ces établissements étalent un luxe inouï : marbre, dorures,
velours, décors somptueux, dont nous avons en tête les images des tableaux de
Toulouse-Lautrec, Manet et Degas.
Le 11 décembre 1945, Marthe
Richard, ancienne prostituée et conseillère municipale de Paris, dépose un
projet de fermeture des maisons closes, rappelant que les tenancières servaient
d'indics à la Gestapo. Au
niveau national, elle souhaite lutter contre la sordidité de cette profession. Elle
obtient gain de cause et l'année suivante tous les établissements parisiens
ferment. La loi de 1946 ferme les maisons closes, pénalise le proxénétisme et
instaure le délit de racolage actif. Dans les faits, la prostitution reste
tolérée à condition qu'elle ne n'occasionne pas une nuisance de l'ordre public.
En 2003, la loi pénalise également les clients.
Sources
Texte :
- "Prostitution : l'histoire
du plus vieux métier du monde", Historia
thématique, n°102, juillet-août 2006, 74p.
- "Les prostituées : des
lupanars de Rome à l'âge d'or des maisons closes", Les Cahiers de Sciences et Vie, octobre 2016, n°826, pp20-53.
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