Main mise sur Florence et l'Europe : la famille des Médicis
La légende raconte que les
Médicis ont pour ancêtre le chevalier Averard, venu en Italie avec Charlemagne,
qui aurait vaincu le géant lombard Muguello à une trentaine de kilomètres au nord
de Florence. Les cinq boules ornant l’écusson des Médicis seraient l’empreinte laissée
par le géant sur le bouclier d’Averard. Au XVe siècle, Cosme l’Ancien raconte
que ses ancêtres sont des médecins, d’où le nom de Medici, les boules des
armoiries de la famille seraient des pilules. Les Médicis s’installent à
Florence au XIIIe siècle. Ils pratiquent la transformation et le négoce de la
laine. Leur prospérité leur permet de se lancer dans les finances, de
s’enrichir et de participer à la vie politique de la cité.
En juillet 1378, les ouvriers du
drap (Ciompi) se révoltent à cause de leurs conditions de vie précaires. Les
ouvriers choisissent plusieurs patriciens pour les défendre dont Salvestro
Médicis. Celui-ci est lié au parti populaire. A Florence, comme dans toute
l’Italie, les élites se divisent en deux partis politiques en fonction de
l’ancienneté de la famille. Les plus récentes prônent un élargissement du
régime, afin de pouvoir accéder aux magistratures avec plus de facilités. Or la
richesse des Médicis date seulement d’un siècle. La révolte des Ciompi est
sévèrement réprimée et Salvestro est banni de Florence. En attendant que les
choses se tassent, les Médicis se retirent des affaires politiques pour se
concentrer uniquement sur leurs affaires économiques. Ainsi, Giovanni de Médicis
ouvre des filiales bancaires à Rome, Venise et Naples. Il réinvestit ses
bénéfices dans les propriétés foncières et les manufactures de textile. Au XIVe
siècle, les Médicis et leurs agents forment un réseau couvrant les principales
places commerciales d’Europe (Rome, Venise, Bruges, Londres, Avignon, Genève…).
Les Médicis bâtissent leur fortune sur le commerce international : laine
anglaise, draps italiens, tapisseries flamandes, soies et épices venues
d’Orient. Ainsi, Giovanni peut léguer à son fils Cosme, dit l’Ancien, une
immense fortune.
En 1434, Cosme l’Ancien participe
au financement de la cathédrale de Florence et du couvent San Marco. Il joue la
carte du citoyen modeste, en n’occupant que rarement les plus hautes charges de
l’Etat. Il met en avant ses fidèles qu’il contrôle dans l’ombre. Il tente
d’éliminer ses rivaux politiques par le bannissement et la confiscation des
biens sous divers prétextes. Enfin, il tente de contrôler les accoupleurs
chargés d’établir la liste des Florentins éligibles aux magistratures et les
balii contrôlant l’accès aux charges publiques. Le parti Médicis se compose de
la famille, des amis, des associés et des clients de la banque. Les habitants
des quartiers San Lorenzo et Leone d’Oro, autour du palais des Médicis, les
soutiennent également. Cosme finance les artistes. La compétition sociale entre
les familles via les artistes embellit grandement la cité et la gloire du
mécène.
En 1464, les Médicis obtiennent
le monopole sur l’exportation d’alun extrait à Tolfa dans les Etats
pontificaux. Ce minéral, très prisé, sert de fixateur de teinture sur les
étoffes. Ils sont les banquiers des rois et des grands princes. Les directeurs
des filiales Médicis sont des Florentins proches des Médicis et formés par eux.
Cette communauté d’intérêt débouche sur un soutien politique dans la cité.
Depuis la mort de son père Pierre
en 1469, Laurent le Magnifique s’est vu confier les destinés de la République et exerce
une autorité de plus en plus forte. Contrairement à son grand-père, il ne se
dissimule pas et montre que les Médicis sont indispensables pour la sécurité et
la stabilité politique de Florence. En 1480, il fonde le Conseil des Soixante
dix, dont les membres sont nommés à vie par les Médicis. Laurent poursuit son
mécénat et laisse circuler les artistes pour que le nom de Florence traverse
toute l’Europe.
Les Pazzi, une riche famille
aristocratique se révoltent contre le monopole des Médicis sur les directions de
la cité. Le 26 avril 1478, Francesco Pazzi et Bernado Bandini entrent dans la
cathédrale et attaquent les Médicis assistant à l’office. Laurent le Magnifique
est blessé, tandis que son frère Jules est tué. La foule abat les assassins
immédiatement. Au même moment, des conjurés à la solde de la famille Pazzi
attaquent le palais Médicis. Seulement, les Médicis jouissent du soutien de la
population. L’action des Pazzi est enrayée. A la fin du XVe siècle, nombre de
filiales font faillite dues à une conjoncture économique défavorable et à la
mauvaise gestion de Laurent de Médicis. Cependant, les Médicis peuvent
s’appuyer sur les compagnies de leurs partisans, comme les Rucellai qui
dirigent la principale banque de Rome.
Le 3 septembre 1494, l’armée de
Charles VIII déferle sur l’Italie. Pierre de Médicis, fils de Laurent le
Magnifique, n’a pas les moyens de résister et se soumet au roi de France. Les
Florentins sont furieux et se révoltent. Le 9, Pierre quitte la cité. Le vide
politique laissé bénéficie au moine Savonarole, qui instaure une république
théocratique jusqu’en 1498. Les Médicis reprennent de l’influence sur Florence,
grâce à l’action et à l’influence des papes Léon X et Clément VII, tous deux
Médicis. Au début du XVIIe siècle, les Médicis compteront un troisième pape
dans leur famille en la personne de Léon XI. En 1530, Charles Quint confie le
gouvernement de Florence à Alexandre Médicis. Le 3 janvier 1537, son cousin
Laurent l’assassine. Charles Quint nomme Cosme Ier pour succéder à Alexandre.
Il règne durant quarante ans. Au XVIe siècle, Florence étend son territoire au
détriment de Sienne, pour regrouper l’actuelle Toscane. Recevant le titre de
grand duc de Toscane en 1570, les Médicis exercent une tutelle sur les élites
locales des autres cités toscanes. Des résistances se mettent en place contre
les Médicis tant à Florence qu’à l’étranger. Le principal parti d’opposition
est les fuorusciti, dont la majorité des membres sont en France. Ils reçoivent
parfois le soutien de la reine Catherine de Médicis, épouse d’Henri II puis
régente du royaume, qui fait passer les intérêts de l’Etat avant ceux de la
dynastie.
Les Médicis utilisent leurs
réseaux pour ouvrir les marchés européens aux produits de Toscane. Les Ducs
assurent la promotion d’hommes issus de la petite noblesse toscane ou de
l’étranger. Ceux-ci sont fidèles aux Médicis et servent de diplomates sur la
scène européenne.
Dans les années 1590, Ferdinand
de Médicis s’enrichit considérablement en spéculant sur le grain polonais au
moment où une disette frappe l’Europe méditerranéenne. En échange de
financement à Henri IV, sa nièce Marie épouse le roi de France.
Au siècle suivant, la Toscane est l’Etat
d’Italie le plus stable politiquement et économiquement et Florence s’endort
dans le conservatisme de sa grandeur et de ses gloires passées. Le déclin
économique et politique de la
Toscane s’amorce. Les Médicis du XVIIe siècle n’ont plus la
grandeur de leurs ancêtres. François Ier s’intéresse davantage aux sciences et
à l’art qu’à la politique et à l’économie. Cosme II est malade. Ferdinand II
est âgé de dix ans lorsqu’il devient duc et à sa majorité, il doit lutter
contre les conseillers mis en place par sa mère. Son fils Cosme III, très
dévot, se préoccupe essentiellement des questions religieuses et de mœurs. En
1737, le dernier grand duc de Toscane, Jean Gaston meurt sans héritier mâle. Le
duché passe aux mains de François de Habsbourg, ancien duc de Lorraine. En
effet, suite à des tractations politiques entre la France et l’Autriche,
Stanislas Leszczynski reçoit le duché de Lorraine et de Bar et en compensation
François III reçoit le grand duché de Toscane. La famille s’éteint avec la mort
d’Anne-Marie-Louise en 1743. Elle lègue les collections familiales à l'État toscan
à condition que jamais rien ne quitte Florence et qu’elles soient mises à la
disposition du public.
Source
Texte : « Florence au temps des Médicis » L’Histoire, n°274 mars 2003, pp33-61
Image : Montage : vue de la ville de Florence (visiterflorence.com)
avec le blason des Médicis et la couronne ducale de Toscane (wikipédia.fr)
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