L’ouverture à l’Ouest : les batailles des forts Henry et Donelson


Les forces fédérales de l’Ouest sont divisées en trois : l’armée du Kansas commandée par David Hunter, l’armée du Missouri commandée par Henry Walleck et l’armée de l’Ohio commandée par Carlos Buell. Pour le Sud, le général Albert Johnston commande toute la ligne défensive Ouest. Cependant, ses forces son très étendues, afin de prévenir toute tentative d’invasion du Tennessee. Son flanc gauche se situe à Columbus avec Leonidas Polk et ses 12.000 hommes, tandis que son flanc droit se situe à Bowling Creek avec Simon Bruckner et ses 4.000 hommes. Tandis que Buell avance en direction de Nashville, Halleck approuve le plan d’attaque de son second Ulysse Grant d’agir rapidement avant l’arrivée des troupes de Beauregard. Le 2 février 1862, Grant quitte Cairo dans l’Illinois avec 17.000 hommes et une flottille de sept canonnières commandée par Andrew Foote.

En mai 1861, le général Daniel Donelson est chargé de fortifier les cours d’eau du Tennessee. Les sites les plus propices se trouvant dans le Kentucky, un Etat neutre, le général jette son dévolu sur la rive gauche du fleuve Cumberland. Il y fait bâtir un fort, qui portera son nom, verrouillant ainsi la route vers Nashville. Il est construit sur un promontoire d’une trentaine de mètres de hauteur, ce qui lui permet d’être à l’abri des inondations et d’effectuer des tirs plongeants sur les navires approchant. Des tranchées et des canons assurent la défense terrestre du fort. Le général John Floyd dirige le fort. Il est secondé par Simon Bruckner et Gideon Pillow.
A une vingtaine de kilomètres plus à l’Est, Donelson édifie un second fort parallèle au premier sur la rive droite du fleuve Tennessee. Ainsi, les deux garnisons peuvent s’aider mutuellement. Le fort Henry est conçu pour arrêter le trafic fluvial. En ce sens, les Confédérés installent des mines flottantes dans le chenal de navigation, une première dans l’histoire militaire. Le fort, en forme de pentagone, couvre quatre hectares. Il est construit sur des terres basses et marécageuses, dominées par des collines. Ses murs mesurent trois mètres de hauteur pour une épaisseur de six.

Grant considère fort Henry comme un point faible à juste titre. Le fort n’est pas capable de repousser un véritable assaut d’infanterie. De plus, en février 1862, de fortes pluies ont fait monter le niveau du fleuve engloutissant une partie du fort et déplacent les mines flottantes.
Le 4 février 1862, Grant déploie ses divisions en deux points différents : la moitié sur la rive du Tennessee pour empêcher la garnison de s’échapper et l’autre à l’assaut du fortin Heiman sur l’autre rive, qui est pris sans difficulté. Le lendemain, le général Llyod Tilghman, conscient qu’il ne peut tenir le fort avec seulement 4.000 hommes, décide d’évacuer le gros de ses troupes vers le fort Donelson. La cavalerie nordiste les poursuit, mais l’état déplorable des routes empêche un résultat concluant. Le 7 février, la flottille de Foote bombarde le fort. La position basse du fort engendrée par les inondations, permet aux cuirassés d’être en partie à l’abri des tirs ennemis. Seul l’USS Essex est détruit causant la mort de 32 hommes. Au bout d’une heure d’affrontement, Tilghman se rend. Le site est à ce point inondé, que des barques nordistes viennent à l’intérieur du fort chercher les 94 prisonniers.
Grant télégraphie à Halleck : « Fort Henry est à nous. Je vais prendre fort Donelson et le détruire. ». Tilghman dira plus tard que fort Henry, avant l’assaut, « se trouvait dans une situation pitoyable sans équivalent dans l’histoire militaire. ». Pour preuve, le 8 février les eaux du Tennessee le recouvrent complètement. Ce détail n’empêche pas la presse nordiste de célébrer cette victoire importante.

Le 12 février, Grant se remet en route. Les Nordistes essuient quelques escarmouches contre les cavaliers du commandant Nathan Forrest. Celles-ci n’ont aucune incidence puisque le soir, Grant déploie ses unités de part et d’autres du fort et attend les canonnières de Foote, qui remontent le fleuve devant arriver le lendemain dans la journée. La météo s’aggrave et la neige se met à tomber.
Le 14 février, Grant ordonne l’assaut. Il emploie la même stratégie qu’au fort Henry. Foote commet l’erreur d’approcher trop près ses canonnières. Les tirs passent au-dessus du fort, tandis que les Sudistes causent d’importants dommages.
Le lendemain, les Sudistes tentent une sortie pour rejoindre Nashville. Dans la matinée, les Confédérés parviennent à bout de leurs ennemis fatigués par le revers de la veille et le manque de sommeil. Les Nordistes ont passé la nuit sous la neige sans réels abris. De plus, Grant discute avec Foote et a donné l’ordre à ses officiers de ne rien entreprendre. Ses hommes, laissés dans l’expectative, reculent de quelques kilomètres avant de stabiliser leurs lignes. A 13 heures, Grant ordonne la contre-attaque. Floyd considère qu’il est plus sage de regagner le fort, les pertes étant jugées trop importantes. Durant la nuit, Floyd et Pillow profitent de l’obscurité pour fuir avec 1.500 hommes. De son côté, Bruckner favorise la fuite de Nathan Forrest avec ses 700 cavaliers. Bruckner sait qu’il ne pourra pas résister à un nouvel assaut.
Le 16 février, Bruckner négocie un armistice. Grant ne l’entend pas de cette oreille, car il ne mène pas une guerre, mais mate une rébellion. Pour lui, seule une capitulation sans condition est acceptable. Sa réponse est sans appel : « Aucune condition autre qu'une capitulation sans condition et immédiate ne saurait être acceptée. Je me propose d'occuper immédiatement vos positions... ». Cette phrase lui vaut son surnom de « Unconditionnal Surrender » (capitulation sans condition), jeu de mot avec les initiales de ses prénoms, US.

Après la capitulation du fort Donelson, Lincoln promeut Grant au grade de général de division. Son nom est dans tous les journaux. Le Nord se rend maitre de la rive gauche du Tennessee permettant l’accès au reste de l’Etat, de l’Alabama et du Mississippi. Les Sudistes reculent. Ils ont perdu un tiers de leurs effectifs. De plus, ils se retrouvent séparés en deux parties distantes de 300 km avec l’armée de Grant au milieu. Buell marche vers Nashville et s’empare de la ville le 23 février. C’est une capitale d’un Etat confédéré et un centre industriel important qui tombe. Quelques jours plus tard, Pope prend Columbus délaissée par l’armée rebelle. Cette ville, surnommée le Gibraltar du Mississippi était le verrou protégeant Memphis. Le Kentucky et une partie du Tennessee passent dans le giron de l’Union, qui coupe en deux le territoire de la Confédération et s’empare de la navigation sur le Mississippi.

SOURCES
Textes :
- Mc PHERSON James, La Guerre de Sécession, Robert Laffont, Paris, 1991, 952p.
- KEEGAN John, La Guerre de Sécession, Perrin, Paris, 2013

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