Les Incas : naissance et mort d’un empire (1439-1533)
La naissance
Les Incas doivent beaucoup aux
civilisations qui les ont précédés, notamment les Huari dans le sud du Pérou et
les Tiahuanaco dans l’ouest de la
Bolivie. L ’architecture monumentale et les aménagements en
terrasse prouvent la grande maitrise de la pierre des Tiahuanaco. Ces derniers
sont aussi de bons orfèvres et tisseurs. Quant aux Huari, ils excellent dans la
construction des routes et des canaux. Leur système d’irrigation a permis le
développement de la culture du maïs et, par extension, d’une administration
capable de gérer et comptabiliser la production, via un système d’écriture.
Le berceau des Incas se situe
dans la vallée de Cuzco au Pérou au Nord du territoire des Huari. Le site est occupé
depuis l’Antiquité, mais connait une croissance démographique au XIIe siècle. A
cette époque, des migrations importantes de personnes originaires des berges du
lac Titicaca et de la forêt amazonienne se produisent et se mélangent aux
personnes déjà présentes. Vers l’An Mil, pour des raisons inconnues, les
empires Tiahuanaco et Huari s’effondrent, laissant la région centre des Andes
libre. La zone se morcelle en une multitude de chefferies autonomes et en
compétition, parmi lesquelles se trouvent les Incas. Les chefferies s’allient
les unes aux autres en fonction de leurs intérêts. A partir du VIIIe siècle,
les Incas nouent des alliances avec leurs voisins proches et tissent des liens
forts se basant sur le principe d’un échange gagnant-gagnant. Petit à petit,
ces alliances donnent naissance à une confédération, dont Cuzco est le centre.
Voici le point de départ de l’empire inca.
Le développement
Au XIVe siècle, plusieurs
périodes de sécheresse frappant les hauts plateaux andins fragilisent les
cultures. Pour survivre, les Incas descendent dans les vallées et s’emparent
par la force des terres. Plusieurs campagnes militaires sont lancées sur les
riches vallées côtières de Pisco et des Chincha. Pachacutec (1438-1471)
conquiert le Nord en venant à bout de l’empire Chimu. Ses troupes atteignent le
bassin de Quito. Tupac Inca (1491-1493) conquiert l’Ouest et le Sud et soumet
les peuples côtiers. Il descend jusqu’à Santiago au Chili et consolide les
frontières sur l’autre versant des Andes.
Les Incas possèdent une immense
armée pouvant regrouper jusqu’à 140.000 hommes. Certes peu mobile, elle est
d’une redoutable efficacité sur les batailles rangées et dans la prise des
forteresses. L’empereur est le chef de l’armée. Ses officiers, tous incas, le
secondent. Ils sont habiles dans la ruse et la stratégie, sachant, par exemple,
feindre des mouvements de repli. De plus, ils étudient le terrain et préparent
minutieusement leur plan de bataille. Les sous-officiers peuvent être issus des
autres peuples. Les Incas constituent des unités par peuple et les laissent
libres dans le choix de l’équipement. Ils leur font également confiance dans
leurs techniques. Les soldats sont donc plus efficaces. L’armée évite, dans la
mesure du possible, de vivre sur le pays, pour ne pas le ruiner et éviter de
s’attirer la haine des populations occupées. Ils conservent ainsi une réserve à
proximité en cas de nécessité.
La guerre est la volonté du dieu
Inti, le soleil, mais elle sert également à renforcer le pouvoir des nouveaux
empereurs. En effet, ceux-ci héritent uniquement du titre et du pouvoir. Leurs
prédécesseurs emportent dans leur tombe les richesses acquises durant son
règne. Le nouvel empereur doit rapidement acquérir de nouvelles richesses qui passent
par la conquête. De plus, de nombreux candidats au trône s’affrontent dans des
guerres où le meilleur stratège s’impose.
Après la conquête, les Incas
recensent la population. L’empire regroupe dix millions de personnes, dont
40.000 Incas, soit 200 peuples différents. Les Incas laissent le choix :
l’intégration ou la mort. Ils sont généreux avec ceux qui se soumettent et
impitoyables avec ceux qui se révoltent. Les Incas privilégient toujours
l’adhésion, car ils ont besoin de terre et de main d’œuvre. En ce sens, ils ne
viennent pas pour détruire ou affaiblir. Les élites locales restent en place,
continuent de gérer les affaires locales et servent de lien avec les nouvelles
autorités. Les élites locales qui satisfont les Incas reçoivent des présents,
ce qui revient à acheter la coopération, selon une logique de don/contre-don.
De plus, les mariages entre les élites et les Incas resserrent les liens. Par
ailleurs, les fils des élites sont emmenés de force à Cuzco pour être éduqués.
Huayna Capac (1493-1522) aménage l’empire en construisant des villes et des
routes. Il renforce les frontières, longues de 5.000km, en bâtissant des
forteresses. Il réprime les révoltes. Des populations sont parfois déplacées
pour casser les anciennes alliances.
L’empire est divisé en quatre
régions traitées sur un pied d’égalité et dirigées par un apu. Ce dernier
supervise le recensement, administre, aménage, entretient les infrastructures et
rend la justice. L’apu est toujours un inca. Les régions sont subdivisées en
provinces (80 pour tout l’empire), avec à leur tête un gouverneur. Les terres
sont redistribuées entre l’Etat, le clergé et le peuple. Les sujets doivent
consacrer des jours de travail à l’Etat pour cultiver des domaines, tisser des
vêtements, servir dans l’armée et entretenir les infrastructures. Les peuples
loyaux gardent leurs cultes et leurs divinités. La seule obligation est
d’honorer Inti, la divinité tutélaire des Incas. Les divinités des peuples
rebelles sont prises en otages. Leurs statues sont amenées à Cuzco.
La mort
Les Espagnols amènent avec eux
des maladies inconnues aux Amériques, qui sont l’une des causes majeures de
l’effondrement des empires précolombiens. Au début du XVIe siècle, la petite
vérole cause 200.000 morts, dont l’empereur Huayna Capac et son fils Winan
Cuyuchi. Les deux frères de l’empereur défunt Huascai et Atahualpa se livrent
une guerre sans merci pour le trône. Chaque partie commet des actes sacrilèges
jusque là inconcevables. Huascai confisque les biens de l’aristocratie pour
financer ses troupes. Quant à Atahualpa, il incendie la momie de l’empereur
Tupac Inca à cause des liens de parenté avec son rival. La guerre civile
perturbe la production agricole mettant à mal tout le système de redistribution
et de réciprocité. Les logiques de dons ne sont plus assurées. Les alliances se
délient. Les Conquistadors, menés par Francisco Pizarro, s’immiscent dans cette
lutte interne en suscitant les mécontentements des peuples sous domination
inca. En 1532, Atahualpa bat son frère et s’empare du pouvoir. Le 16 novembre,
il rencontre Pizarro. L’occasion est trop belle pour le conquistador. Prenant
prétexte d’un outrage à la Bible ,
il ordonne à ses hommes d’arrêter l’empereur. En 1533, il le fait exécuter et
place sur le trône Manco Inca, tout dévoué à sa cause.
Les Incas n’ont plus les moyens
de rétablir leur suprématie. La majorité de leurs guerriers sont morts pendant
la guerre civile. De plus, les anciens peuples soumis préfèrent s’allier aux
Espagnols. Faute de moyen, les Incas ne peuvent plus s’assurer de leur loyauté.
L’empire inca n’a pas eu le temps d’intégrer des populations si différentes au
point de pouvoir se passer du système de don/contre-don.
Sources
Texte : Les Cahiers de Sciences et Vie, Incas : l’empire de tous les mystères, n°157,
novembre 2015, pp26-85
Image : http://yamineftis.tumblr.com/post/28056433263/as-a-peruvian-im-kinda-paranoid-about
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