Eglise Saint-Hilaire de Melle (Deux-Sèvres)
10 juillet 1260, Jehan et
Bernard, deux pèlerins poitevins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle,
effectuent une halte dans le village de Melle. Après être descendus dans la
vallée et rejoint la Béronne coulant en son
creux, ils se rendent dans l’église Saint Hilaire du nom du premier évêque de
Poitiers. La vallée est si étroite qu’une partie de l’édifice est enterrée. Ils
constatent que la première travée est surélevée par rapport au reste de
l’église, afin de compenser la dénivellation entre le chœur et la façade
occidentale.
Jehan et Bernard rejoignent le
portail du flanc nord. Dès leur arrivée, les sculptures les subjuguent. Une
imposante statue orne l’entrée. Elle représente un cavalier couronné foulant
aux pieds un petit personnage. Les pèlerins reconnaissent l’empereur Constantin
terrassant les païens. Cette statue les rassure. Ils savant qu’au travers
d’elle, le seigneur local se positionne comme le défenseur de l’Eglise et le
protecteur de la population. Jehan et Bernard admirent également un calendrier
représentant les travaux des mois, les signes du zodiaque et le combat des
Vertus et des Vices représentés par deux femmes nues. La première voit ses
seins dévorés par des chimères et la seconde est couchée sur des crapauds. Des
monstres et des personnages finement sculptés ornent les chapiteaux des
colonnes séparant les vitraux.
A l’intérieur, la paix et la
sérénité règnent. Le plan de l’édifice facilite leur déambulation tout en les
invitant à la quiétude. Ils admirent les chapiteaux offrant des très nombreuses
sculptures de formes géométriques, d’animaux, de feuillage, de scène de la vie
quotidienne ou historiée. Les pèlerins attentifs dénichent parmi ce
foisonnement sculptural une chasse au sanglier, un arbre de vie, un sagittaire
décochant sa flèche sur un cerf, des musiciens, des acrobates, des oiseaux, des
dragons et des animaux fantastiques tel ce coq avec une queue de serpent. Parmi
les personnages représentés sur les chapiteaux, Jehan reconnait un abbé grâce
sa crosse. Quant à Bernard, il découvre, non sans difficulté, Moïse portant les
Tables de la Loi
et Saint Pierre avec les clés du paradis.
Ils interrogent un moine en train
d’allumer des cierges. Celui-ci leur apprend qu’il fait partie du monastère de
Saint-Jean d’Angély auquel appartient ce prieuré et que l’édifice tel qu’il le
voit actuellement date du siècle dernier. Il existait auparavant un édifice en
bois datant du Xe siècle. Ravi de voir que Jehan et Bernard s’intéressent à
l’histoire de son prieuré, le moine les invite à le suivre dans le
déambulatoire. Il leur désigne du doigt un chapiteau sur lequel est gravé le
nom d’Aimericus Abelini.
- Cet homme a financé la
construction de l’édifice, dit-il.
Après avoir remercié le moine,
les deux pèlerins se recueillent et prient. Le portail sud présente la
particularité d’être sculpté sur la face interne. Ainsi lorsque Jehan et
Bernard quittent l’église, ils peuvent contempler sans avoir à se retourner les
personnages de la Bible
marchant vers les Christ. Les deux pèlerins s’identifient parfaitement à ces
sculptures, eux qui se rendent à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Jehan et Bernard quittent Melle
et poursuivent leur voyage. Le circuit imposé dans l’église Saint Hilaire ne
les a pas fait passer par la façade occidentale. Cependant pour ces deux Poitevins,
il n’y aurait eu aucune surprise. Celle-ci se compose d’un portail central
surmonté de trois baies, celle du centre étant plus grande que les autres, avec
un fronton encadré de deux lanternons. Il s’agit d’une construction typiquement
poitevine, dans laquelle des motifs géométriques constituent le décor de
l'étage supérieur. Les deux pèlerins ne verront pas les dommages importants que
l’église subira durant les Guerres de religion. Ils ne verront pas non plus sa
reconstruction au XVIIe siècle et surtout sa restauration entamée en 1840 par
l’architecte Théophile Segrétain. Ainsi, le clocher et les vitraux actuels ne
sont pas ceux vus par Jehan et Bernard. Certains vitraux sont signés des
ateliers Lobin à Tours et Chappe à Nantes. De même, une sculpture de Mathieu
Lehanneur, composée d’une multitude de strates de marbre blanc, remplace l’autel
vers lequel ont prié les deux hommes depuis 2011. Malgré tout, Jehan et Bernard
ont le sentiment d’avoir visité rencontré un édifice remarquable de
l’architecture romane de leur région. En 1998, l’UNESCO donne raison aux deux
marchands poitevins en inscrivant l’église Saint Hilaire au patrimoine mondial.
Source
Image :
photo de Benjamin Sacchelli
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