Les mythes grecs

Le terme « mythologie » est une invention du XVIIIe siècle pour distinguer les récits que l’Eglise considère comme fictifs. Elle place du côté de la légende, voire de l’erreur, toutes les histoires se rapportant à des religions polythéistes. Les récits mythologiques diffèrent de la révélation chrétienne. Les mythes sont un ensemble de traditions transmises de génération en génération. Ils conservent la mémoire collective d’un passé ancien. Il n’existe pas de corpus fixe comprenant des récits figés. Chaque auteur ajoute sa touche en fonction des goûts de l’époque, quitte parfois à être en contradiction avec les versions précédentes. Néanmoins, certains éléments des mythes ne peuvent pas être modifiés, par exemple, Zeus est toujours le roi des dieux, Hélène est toujours la cause de la guerre de Troie, Oreste tue toujours Clytemnestre. Les philosophes et les historiens ne remettent jamais en cause ces récits, mais seulement les exagérations faites par les poètes pour mieux captiver leur public.

Au –VIIe siècle, le poète Hésiode raconte la naissance, les combats et les amours des divinités. Les dieux grecs possèdent une histoire, voire plusieurs et elles ne sont pas nécessairement gouvernées par la justice. Leurs comportements et leurs sentiments sont identiques à ceux des humains. Les dieux couchent avec des déesses, mais aussi avec de nombreuses mortelles qui donnent naissance à des demi-dieux. Ces derniers ont forgé les tribus à l’origine des cités-Etats. Certains écrits d’Hésiode possèdent des similitudes avec des récits phéniciens du –IIe millénaire. Par exemple, la lutte de Zeus contre les Titans pour arriver au pouvoir rappelle la bataille livrée par Anou contre Alalou détrôné du sommet de la montagne par des éclairs.

Les cités possèdent leurs dieux tutélaires (le poliade), même si tous les dieux du Panthéon sont honorés. Le poliade joue un rôle dans la représentation que la cité et les citoyens se font d’eux-mêmes. La cité possède à la fois une identité politique (un territoire, une monnaie, des institutions, des valeurs) et une identité religieuse et mythique qui raconte sa naissance et son histoire. Le mythe rapporte qu’Athéna et Poséidon se disputent l’honneur d’être le poliade d’Athènes. Athéna offre au peuple athénien l’olivier pour apporter l’agriculture et par extension l’abondance. De son côté, Poséidon frappe le sol pour faire jaillir une source d’eau. Après délibérations, le jury choisit Athéna qui donne son nom à la cité. Le présent offert par la déesse se dresse toujours sur l’Acropole. Poséidon est honoré et possède un temple sur l’Acropole lorsqu’Athènes devient une puissance navale.
Athéna incarne l’identité d’Athènes. Ses symboles, la chouette et l’olivier, deviennent ceux de la cité. L’olivier est un arbre nourricier, qui possède également une symbolique guerrière. Il pousse dans les sols rocailleux, ne perd jamais ses feuilles et possède la faculté de renaître. Ainsi, les Athéniens montrent leur courage et leur résistance face à l’adversité. L’olivier est présent lors des grandes étapes de la vie des citoyens. Il est de coutume d’accrocher à la porte des maisons des nouveaux parents des rameaux d’olivier. Une couronne est remise au vainqueur des jeux et concours organisés pour les fêtes religieuses. La chouette apparait sur les pièces de monnaie. Avec la Ligue de Délos et l’hégémonie athénienne, la chouette athénienne devient la monnaie de référence et la plus répandue dans le monde grec.

Les mythes servent des objectifs politiques. Ils sont parfois réécrits en ce sens. Le cas de Thésée est significatif. Au –VIIe siècle, Thésée est un jeune héros, le sauveur des personnes offertes en sacrifice au Minotaure. En ce sens, il est le protecteur des jeunes guerriers. Au siècle suivant, il devient le civilisateur de l’Attique. En effet, ce dernier part da sa ville natale de Trézène pour rejoindre Egée, son père, à Athènes. En chemin, il terrasse tous les brigands et monstres terrorisant la région. Cet épisode du mythe de Thésée fait écho à la période où Athènes stabilise ses frontières en plaçant sous sa tutelle les régions qui l’entourent. Au –Ve siècle, Athènes domine la Grèce grâce à sa marine. Thésée devient le fils de Poséidon. Arthra, sa mère, après avoir couché avec Egée, trouve refuge sur une île. Durant son sommeil, le dieu de la mer couche avec elle. La défaite du roi crétois Minos face à un Athénien est une allégorie signifiant qu’Athènes est désormais la première puissance maritime au même titre que les Minoens plusieurs siècles auparavant.

Certains mythes sont construits de toutes pièces, tel l’Atlantide, une puissance civilisation ayant existé il y a 11.000 ans se développant sur une île aussi large que l’Afrique et l’Asie réunies au-delà du Détroit de Gibraltar. Les Athéniens ont vaincu les Atlantes qui désiraient les asservir avant qu’un cataclysme plonge l’île dans l’Océan. C’est une invention de Platon au –IVe siècle. Celui-ci construit un faux récit historique donnant une date, une localisation et une caution scientifique puisqu’il cite les travaux de l’historien Solon ayant voyagé en Egypte. Le mythe de l’Atlantide est construit à des fins politiques. Platon souhaite transmettre son message aux citoyens athéniens. Cependant afin de ne pas les heurter, il les invite à réfléchir sur une civilisation ayant supposé existé. Platon les met en garde contre l’impérialisme. Après la défaite contre Sparte, Athènes est en guerre contre ses alliés. L’Atlantide véhicule un message intemporel s’adressant à tous les Etats.

Les Pères de l’Eglise combattent les mythes en y puisant des éléments montrant les comportements immoraux des dieux grecs. Certains mythes sont transformés et intégrés à la Bible : les juges des Enfers lors du jugement dernier, Noé avec Deucalion le fils de Prométhée qui échappe au déluge créé par Zeus pour punir les Hommes qui ont reçu le feu. Les premiers chrétiens vivent dans la culture gréco-latine. Ils fréquentent les mêmes écoles que les païens. Ils disent que les Grecs n’étaient pas loin de la Révélation. Au XIIe siècle, les mythes servent pour l’enseignement du latin dans les écoles. Les intellectuels les considèrent aussi comme des objets de beauté en ce qui concerne les poètes antiques. Au Moyen âge, les moines jouent un grand rôle dans la sauvegarde des mythes grecs. Ils trient les écrits des Anciens. Au XVIIe siècle, l’opéra et la tragédie mettent en scène des mythes grecs. En Italie, les Princes commandent ce type de sujet, car ils apprécient de voir les dieux et les héros auxquels ils s’identifient par les vertus et les valeurs de leur groupe social. Au XIXe siècle, les psychanalystes, dont Freud, s’emparent des mythes grecs. De nos jours, ces histoires vivent toujours au travers de la littérature, du cinéma, de la bande dessinée et des jeux vidéo.

Sources
Texte : "Grèce : des dieux et des Hommes : à quoi servent les mythes", L'Histoire, n°389, juillet-août 2013, 112p.

Image :  intellego.fr

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