Histoire abrégée de la Grèce 3/4
La période ottomane
(1453 - 1797)
La domination byzantine se réduit
graduellement après la prise de Constantinople. En 1458, les Turcs s’emparent
du duché d’Athènes, en 1460 de la
Béotie , en 1462 de Lesbos, en 1470 de l’Eubée, en 1475 de
Samos, en 1520 de Rhodes. Les Cyclades et Chypre demeurent sous contrôle
vénitien jusqu’à la fin du XVIe siècle.
Dans la nouvelle administration,
tout appartient au sultan, qui délègue selon ses faveurs les charges, les
privilèges et les domaines. Ainsi les paysans louent la terre et sont libres de
la cultiver. Le pouvoir ottoman étant décentralisé, les communes conservent une
certaine autonomie. Le sultan reconnaît l’Église orthodoxe et laisse au
patriarche de Constantinople toutes ses fonctions et privilèges. En échange, celui-ci
doit payer une taxe et reconnaître le pouvoir temporel du sultan. L’Église se
retrouve bornée à la sphère religieuse. La bourgeoisie des villes élit les
notables et participe à la gestion des affaires financières, économiques et
sociales de la ville. Les notables sont issus du clergé avant d’être supplantés
par les laïcs au cours du XVIIe siècle. Les phanariotes sont de grands notables
grecs proches du patriarcat orthodoxe et présents à la cour du Sultan. Ils
possèdent de hautes charges et orientent parfois la politique. Les hauts
dignitaires de l'Église sont tous grecs. Les non musulmans payent un impôt
spécial : la capitation. Tant que les Grecs s’acquittent de leurs taxes et ne
créent aucun trouble, ils sont laissés en paix. Les non-musulmans ne servent pas
dans l’armée du sultan. Le fardeau de la conscription ne pèse pas sur les
paysans, à l’exception de la « razzia des enfants ». Chaque famille
chrétienne doit offrir un fils sur cinq au Sultan, qui forme ensuite le corps
des Janissaires.
Les Turcs ouvrent leurs portes
aux commerçants étrangers par l’octroi de capitulation. Les Grecs restent les
marchands de la Mer
noire et de la
Méditerranée orientale surtout après le départ des Vénitiens.
Smyrne et Thessalonique deviennent les plaques tournantes de la Mer Égée. Le développement du
commerce, notamment du textile, entraîne une hausse de la production et le
développement de centres urbains et ruraux. Les Grecs s’implantent en Europe
centrale et en Russie. La
Crimée compte une importante communauté grecque. Les Turcs considèrent
le commerce comme une occupation moins digne que la profession des armes et est
laissé aux Grecs.
Du XVe au XVIIIe siècle, l’école
crétoise est la référence en peinture, avec des artistes comme Théophanis et le
Greco. Les monastères du Mont Athos et des Météores imposent leur style dans la
peinture religieuse. Les peintres diffusent les canons en établissant des
ateliers dans les Balkans et en Russie. L’influence gréco-byzantine est forte
dans l’architecture ottomane. Les monuments religieux turcs s’inspirent de la
basilique Sainte Sophie.
En Occident, la Renaissance puis
les Lumières prennent la culture antique grecque comme modèle. Dans la
peinture, l'architecture et la sculpture, l'Europe recherche chez les anciens
la perfection. Les Lumières s'inspirent des systèmes d'idées, des notions de
libertés individuelles, sociales et des systèmes politiques de la Grèce
antique.
En Grèce, le courant des Lumières
ne vise pas seulement à l’éducation de l’Homme, mais aussi à un changement radical
des conditions de vie en adoptant le modèle de la société bourgeoise. L’Église
orthodoxe apporte son soutien au pouvoir ottoman qui l’a préservée. De fait,
elle se retrouve en contradiction avec les volontés des intellectuels sur la
question de l’identité nationale. L’Église aurait pu servir de ciment à la Grèce face aux Turcs
musulmans. Après la Révolution française, l'Église orthodoxe condamne la
moindre révolte. La défense du gouvernement ottoman est mal acceptée par les
classes populaires qui la contestent.
La notion d'identité grecque se
ravive au XVIIIe siècle, car elle est portée par les milieux intellectuels et
la bourgeoisie. Ces derniers exercent une influence grandissante dans les
affaires de l'empire et engrangent de l'expérience. La Grèce voulue est
identique à celle de l'Antiquité, regroupant une partie des Balkans et de
l'Asie mineure. Le peuple y voit la résurgence de l'empire byzantin.
S'inspirant des principes de la Révolution française, la Grèce indépendante
instaurera une égalité totale des citoyens. Les phanariotes optent pour un
royaume chrétien dirigé par un despote éclairé comme en Russie. Ces mouvements
sont mal perçus en Europe centrale et dans les Balkans. Ils ne voient pas d'un
bon œil la création d'un État qui viendrait sans nul doute les concurrencer
économiquement et culturellement. La question se pose sur la manière de faire :
soit succéder à l'Empire ottoman en s'accaparant les affaires politiques comme
l'ont fait les Romains en leur temps, soit prendre le pouvoir par une
révolution. Les élites optent pour le premier choix étant donné qu'elles sont
présentes dans les institutions. De plus, les Grecs constituent la force
économique et culturelle de l'empire. La bourgeoisie et le peuple préfèrent une
révolution. Les premiers espèrent faire sauter les carcans économiques. Les
Turcs ne favorisent pas le développement des manufactures et du commerce. Les
bourgeois assimile les aristocrates, aux yeux du peuple, à des agents de
l'État.
En 1769, des révoltes éclatent
dans le Péloponnèse. Lors des guerres qui l'opposent à la Turquie, (1761-1774 /
1788 - 1792) la Russie favorise les mouvements révolutionnaires en Grèce, afin
de déstabiliser les Ottomans et s'emparer du commerce en Mer Noire. En 1798,
Lambros Katsonis, ayant servi dans l'armée russe, appuie les mouvements
révolutionnaires. Le chef d'un mouvement clandestin Rhigas Feraios est arrêté à
Vienne et livré par la police autrichienne aux autorités turques, qui le condamnent
à mort en 1798.
L'indépendance de la Grèce (1797 - 1832)
En 1797, les Français
s'attribuent au détriment des Vénitiens les îles de la Mer ionienne. En 1801,
la France reconnait l'autonomie de la République des Sept-îles placée sous
protectorat franco-russe, puis britannique après la chute de Napoléon Ier. Parallèlement,
l'île de Samos constitue une principauté autonome de 1829 à 1913, date de son
rattachement à la Grèce.
Sur le continent, la Société
amicale d'Odessa devient le mouvement indépendantiste le plus influent. Il est
fondé en 1814 par Nikolaos Scoufas, Athanase Tsakalof et Emmanuel Xanthos. La
direction est confiée à Alexandre Ypsilanti, général russe et aide de camp du
tsar. En février 1821, il mène des actions révolutionnaires dans les Balkans.
Les Ottomans concentrent leurs forces dans la région et matent la révolte.
Cependant, le champ est libre en Grèce qui se soulève à son tour. De 1821 à
1824, les Grecs luttent pour leur indépendance. Le Sultan demande l'aide de l'Égypte.
La lutte est farouche, mais les généraux grecs Colocotronis, Miaoulis et
Sachtouris tiennent le coup. La montée en puissance des militaires ne plait pas
à la bourgeoisie. Elle craint que la Grèce devienne un État autoritaire. De par
ses valeurs culturelles et religieuses, la Grèce jouit en Europe d'appuis.
Français et Britanniques font pression sur le sultan pour qu'il accorde
l'autonomie à la péninsule. En 1828, les Russes battent l'armée ottomane. Par
le traité d'Andrinople du 14 septembre 1829, la Turquie reconnait l'autonomie
de la Grèce. Londres décide, avec le soutien de Paris, la création d'un royaume
grec indépendant qui devient effectif en 1832.
La monarchie bavaroise (1832 - 1862)
La Grèce indépendante comprend
les Cyclades, le Péloponnèse et le centre. Elle compte 700.000 habitants, dont
5.000 à Athènes. A l'échelle de l'Europe, la capitale fait figure de gros bourg
rural. Ioannis Capodistrias, ancien ministre des affaires étrangères russe, est
appelé par l'assemblée pour organiser la nouvelle administration. Les Grecs
sortent appauvris de la révolution. Le pays a souffert économiquement. Elle se
retrouve sous la dépendance du Royaume-Uni qui lui octroie des crédits avec
intérêt.
Le 9 octobre 1831, des
aristocrates assassinent Capodistrias et favorisent l'instauration d'une
monarchie de droit divin. Avec le soutien des Britanniques, le prince de
Bavière accède au trône sous le nom d'Othon Ier. La mise en place d'un État
centralisé est différent de ce qu'a connu la Grèce depuis l'Antiquité, c'est à
dire un État décentralisé et polycentrique. Seuls les Bavarois accèdent aux
hautes charges militaires et administratives. C'est le règne de la Xénocratie.
Le gouvernement d'Othon réorganise et améliore la justice et l'éducation. En 1837, l 'université
d'Athènes ouvre ses portes. Néanmoins, il ne parvient pas à développer l'économie.
80% des agriculteurs restent sans terre et préfèrent quitter le pays. Othon
soutient le sultan d'Égypte dans sa guerre contre les Ottomans. Les dépenses
militaires ruinent le pays. Une révolution éclate en 1843.
Othon Ier reste au pouvoir, mais
il est obligé d'adopter une constitution libérale. Cependant dans les faits, le
nouveau régime ne fonctionne pas de façon parlementaire. Le roi, soutenu par Ioannis
Kolettis, son Premier Ministre, gouverne contre la majorité élue à
la chambre. Durant la guerre de Crimée (1854-1855), la situation économique du
pays s'aggrave à nouveau. Les Britanniques mettent en place un blocus maritime
et les Français occupent le Pirée. Une révolution éclate à nouveau en 1862. Le
couple royal quitte le pays. Le peuple appelle au pouvoir Alfred, le fils de la
reine Victoria. Cependant, la France et la Russie ne veulent pas voir un
Britannique à la tête de la Grèce. Les trois puissances se mettent d'accord
pour nommer le prince danois du Schleswig-Holstein, qui monte
sur le trône sous le nom de Georges Ier.
La monarchie constitutionnelle (1862 - 1924)
L'avènement de Georges Ier
s'accompagne d'une nouvelle constitution. Celle-ci étend les libertés et laisse
au roi de larges prérogatives. Le nouveau roi s'hellénise, fait en sorte d'être
proche de ses sujets et favorise l'intégration des îles ioniennes à la Grèce en
1864. En 1875, il nomme au poste de premier ministre Charilaos Trikoupis, ayant
obtenu la majorité au parlement.
Trikoupis mène une politique
libérale qui permet un démarrage économique. Les capitaux et les hommes
reviennent au pays. L'industrie se développe et profite des progrès de la
Révolution industrielle et de la mise en place du réseau de transport. L'isthme
de Corinthe est percé en 1893. Ce développement forme la classe ouvrière et les
premiers syndicats apparaissent dans les années 1880. L 'État se modernise
et emploie un grand nombre de fonctionnaires. Au milieu du XIXe siècle, l'Empire
ottoman s'ouvre au commerce international. Les Grecs sont présents dans le
commerce, la marine et la banque. La Russie combat la présence grecque dans ces
domaines qui la concurrence sur les rives de la Mer noire. Elle tente de
s'imposer dans les Balkans en mettant l'accent sur l'origine slaves de ces
peuples.
La politique libérale s'essouffle
à la fin du XIXe siècle. Les grands propriétaires fonciers s'accaparent les
terres agricoles. Les travaux d'aménagement creusent le déficit. La Grèce doit
emprunter à des États étrangers. En 1893, les libéraux perdent la majorité à la
chambre au profit des conservateurs. Trikoupis est remercié.
En 1897, la Grèce déclare la
guerre à l'Empire ottoman pour soutenir les mouvements révolutionnaires en
Crète qui réclament le rattachement de l'île à la Grèce. La guerre dure trente
jours et se solde par une cuisante défaite. L'intervention franco-britannique
permet de limiter les dégâts. La Grèce est contrainte à des concessions
territoriales très limitées et au versement d'une rente. Georges Ier est nommé
vice-roi de Crète et devient le vassal du Sultan, ce qui permet de calmer les
insurrections en Crète. Les chefs militaires ne digèrent pas l'humiliation
infligée. Ils exhortent le roi à redresser le pays de toute urgence. Le 15 août
1909, après avoir réuni l'armée dans les casernes de Goudi dans la banlieue
d'Athènes, l'État-major proclame l'insurrection. Georges Ier fait appel à
Eleftherios Venizélos.
Venizélos combine les aspirations
des militaires et celles de la bourgeoisie qui ne supportaient plus la
politique mise en place par les conservateurs. Arrivé à la tête des affaires,
il mène des réformes agraires, sur la propriété, l'administration, l'emploi,
les finances, le droit du travail. Convaincu que les institutions ne sont pas
responsables de la crise, mais les fonctionnaires, il n’altère pas la nature du
régime.
En 1912, la Grèce s'allie à la Russie, à la Macédoine et à la Bulgarie pour affronter l'Empire ottoman. La Première guerre balkanique débouche sur une victoire et le rattachement au pays de la Crète, de l’Épire et des îles orientales de la mer Égée. Dès la fin de la guerre, les anciens alliés se disputent les frontières. La Bulgarie perd la guerre et voit la Grèce s'attribuer la région de la Macédoine. Durant la Première guerre mondiale, la Grèce combat du côté de l'Entente. Par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, elle obtient la Thrace et le reste des îles égéennes. De son côté, l’Empire ottoman est démantelé. Il ne reste plus que l'actuelle Turquie. Les deux pays demeurent en guerre sur la question du littoral de l'Asie mineure et du Bosphore. En 1922, les troupes grecques pénètrent trop rapidement en Asie mineure. Elles finissent par être coupées de leurs routes approvisionnement. Dans le pays, les coûts de la campagne militaire engendrent des tensions sociales favorisant le retour au pouvoir du parti conservateur soutien du roi Constantin. Celui-ci est plutôt favorable aux Allemands alliés des Turcs. Cette nouvelle politique n'est pas du goût des Britanniques et des Français. Leur soutien s'amenuise. Pendant ce temps, l'armée turque contre attaque et repousse l'armée grecque hors d'Asie. Le traité de Lausanne du 24 juillet 1923 fixe les frontières entre la Grèce et la Turquie. Tous les Grecs sont expulsées d'Asie mineure par les autorités turques et se réfugient fans la péninsule. La population atteint désormais les six millions d'habitants. Les officiers cherchent les coupables de la déroute en Turquie. Un tribunal militaire condamne à mort le premier ministre conservateur Dimitrios Gounaris qui est exécuté le 15 novembre 1922. Fort de l'appui des Britanniques et profitant du désaveu des conservateurs, Venizélos force le roi Alexandre à abdiquer. La république est instaurée le 25 mars 1924.
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