L'obélisque de Paris
L’obélisque dressé sur la place
de la Concorde
est le plus vieux monument de Paris. Mesurant 23 mètres pour 230
tonnes, il s’agit d’un cadeau de Méhémet Ali, sultan d’Egypte, à la France fait en 1830. Erigé,
sous le règne de Ramsès II au temple de Louxor, il est ramené à Paris en 1836.
Le temple de Louxor, situé au sud
de Thèbes sur la rive est du Nil près du temple de Karnak, est dédié au dieu
Amon et construit par Amenhotep III au –XIXe siècle. Un siècle plus tard,
Ramsès II ajoute à l’entrée deux obélisques. Ils sont gravés sur toutes les
faces d’hommages et de dédicaces du pharaon aux dieux. Ils symbolisent le
contact entre le monde des humains et celui des dieux. Ils sont taillés dans
les carrières d’Assouan. Les tailleurs creusent autour avant de le détacher du
sol. Ensuite, ils le polissent, puis gravent les symboles sur trois faces. Pour
le transport, les Egyptiens fabriquent des glissières en bois recouvertes de
boue et le font glisser couché jusqu’au site. Une fois arrivé sur place, ils
l’érigent à l’aide de cordes. La quatrième face est gravée après cette
opération.
En 1829, Méhémet Ali offre à la France deux obélisques en
remerciement du travail des ingénieurs français dans la modernisation du pays.
Champollion préfère ceux de Louxor qui sont mieux conservés, mais ils sont déjà
promis aux Britanniques. Il convainc le sultan de donner aux Britanniques
l’obélisque de Karnak beaucoup plus grand. Méhémet Ali ne voit pas
d’inconvénient. Il soumet la proposition aux Britanniques qui l’acceptent.
Néanmoins vu sa taille, ce dernier ne peut être déplacé. Les Britanniques se
voient offrir l'un des obélisques d'Alexandrie et le ramèneront à Londres au
milieu du XIXe siècle. L'autre sera offert aux États-Unis en 1869 et est érigé
à Central Park en 1881.
Charles X débloque 300.000 francs
pour l’acheminer en France. Le débat est vif pour savoir où dresser
l’obélisque : le Louvre, les Invalides, le Pont-neuf, la Concorde , le Panthéon, la Madeleine ?
Finalement, Louis-Philippe tranche en choisissant la place de la Concorde , afin de ne plus
associer ce lieu aux exécutions de la période révolutionnaire.
En 1830, le navire Louxor est
construit spécialement pour cette opération selon les plans des ingénieurs
Apollinaire Lebas et Jean Tupinier. Il s’agit d’un navire à fond plat, doté de
trois mâts démontables et capable de naviguer aussi bien en mer que sur les
fleuves. Sa longueur est importante. Le poids est réparti sur une plus grande surface, ce qui évite qu’il s’enfonce trop.
En avril 1831, il quitte Toulon
avec 121 personnes, hommes d’équipages et ouvriers compris. Raymond de Verninac
Saint Maur est le capitaine du navire. Le Louxor arrive en juin à Alexandrie. Il
remonte le Nil par halage et atteint Louxor le 14 août. Une équipe est déjà
présente à Louxor et a désensablé l’obélisque et creusé une tranchée de halage
longue de 400 mètres .
Le 11 octobre, 200 hommes s’affairent sur les cordes et les poulies pour
coucher l’obélisque. L’opération se passe mal. Des cordes cèdent. L’obélisque
s’enfonce lourdement dans le sable et pointe dans la mauvaise direction.
Heureusement, il est intact. Plusieurs semaines sont nécessaires pour le
remettre sur la glissière et l’acheminer jusqu’au navire. Le 19 décembre 1831,
le Louxor est prêt à repartir, mais le niveau du Nil est trop bas pour
naviguer. La crue a lieu en été. Il faut attendre huit mois. Durant ce temps,
l’équipage visite la Haute Egypte.
En juin, celui-ci est victime d’une épidémie de dysenterie. Le 25 août, le
niveau du fleuve est suffisant et le départ est effectué. Le 2 octobre, le
Louxor arrive à Rosette après un parcours de 750km durant lequel l’expédition a
connu quelques menus déboires. Une nouvelle fois, le niveau du Nil et la
dysenterie l'empêchent de continuer. Finalement, le Louxor arrive à Alexandrie
le 2 janvier 1833. L’expédition doit attendre que les tempêtes hivernales
cessent avant de prendre la mer. Le 1er avril 1833, le Louxor quitte
l’Egypte en compagnie du Sphinx, un remorqueur. Après plusieurs étapes en Grèce
et en Italie pour ravitailler le Sphinx en charbon, l’expédition arrive à
Toulon le 10 mai.
Après une période de quarantaine,
le convoi repart le 21 juin. De son côté, Lebas regagne Paris par la voie
terrestre, afin de préparer le site d’arrivée. En août, le Louxor et le Sphinx
atteignent Cherbourg. Le 2 septembre, le roi Louis Philippe visite les navires.
Le 12 septembre, l’expédition se met en route pour le Havre. Deux jours plus
tard, ils arrivent à Rouen. Il faut encore attendre la crue de la Seine pour remonter le
fleuve. Le 13 décembre 1833, le Louxor quitte Rouen. Un petit remorqueur et une
trentaine de chevaux le tirent. Le convoi parvient à Paris le 23 et s’arrime au
port de la Concorde. L ’obélisque
est entreposé plusieurs mois avant de pouvoir être érigé.
Le piédestal original est en
mauvais état et n’a pas été ramené. Pour le remplacer, le gouvernement passe
commande, en 1836, auprès de l’entrepreneur Guillastrennec pour réaliser le
projet de l’architecte Jacques Hittorff. Il s’agit d’un bloc de granit vert du
Finistère pesant 240 tonnes. Le Louxor est chargé de le ramener à Paris.
L’achat et le transport ont couté 200.000 francs.
Le 25 octobre 1836, 200.000
Parisiens se pressent pour assister à l’évènement autour de la rampe et de la
glissière reliant la place au port. Le roi Louis Philippe assiste à la scène
depuis le balcon de l’hôtel de marine. A 11h30, 350 ouvriers hissent
l’obélisque sous la direction de Lebas. A 14h30, l’obélisque et son piédestal
sont en place. Le drapeau national est hissé au sommet.
En 1838, un texte commémorant les
principaux acteurs de l’expédition est gravé sur le piédestal. En 1937,
l’obélisque est classé monument historique. En 1981, François Mitterrand rend à
l’Egypte le second obélisque de Louxor. Aucun gouvernement n’a jamais songé à
le ramener. En 1998, l’obélisque est coiffé d’un pyramidion doré, réalisé en
électrum (mélange d’or et d’argent) pour lui redonner son éclat original.
Sources
Texte :
- SOLE. Robert, Le Grand Voyage de l'obélisque, Seuil,
Paris, 2004, 283p.
- L’Odyssée de l’Obélisque,
documentaire réalisé par Olivier Lemaitre, France, 2014, 52min
Image : Érection
de l'obélisque de Louxor sur la place de la Concorde, le 25 octobre 1836, par François Dubois : wikipédia.fr
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