Les jardins suspendus de Ninive et non de Babylone

Au –IIIe siècle, Philon de Byzance classe les jardins suspendus de Babylone, au sud de Bagdad, parmi les sept merveilles du monde. Ce monument apparaît dans les textes de quelques auteurs grecs et romains. Il s'agit souvent de sources indirectes, car ces auteurs citent des personnes qui auraient été des témoins directs du monument, mais dont les écrits originaux ont disparu. Parmi ces sources anciennes, le récit du prêtre babylonien Bérose demeure la référence. Selon lui, les jardins suspendus sont un cadeau du roi Nabuchodonosor II à son épouse Amytis de Médie qui regrettait les plaines verdoyantes de son pays natal. Ils dateraient du –VIe siècle.
Le règne de Nabuchodonosor II correspond à une période d’importants aménagements à Babylone, réfection des palais, temples et murailles, rehaussement de certains quartiers face à la montée des eaux. Or, aucune des inscriptions commémorant les grands chantiers du souverain n’évoque les jardins suspendus. Ce défaut de sources est récurrent. Pas un seul texte babylonien de l’époque, mentionnant la construction de jardins, n’a été retrouvé. Hérodote qui a visité Babylone ne les évoque pas dans son récit. Les fouilles archéologiques n’ont pas donné, non plus, de résultats probants. Les chercheurs s’interrogent sur l’existence même des jardins suspendus. S’il ne s’agit pas d’une légende, il apparaît qu’il y a une erreur dans le lieu ou dans l’époque.

L’archéologue Stéphanie Dalley de l’Université d’Oxford propose une autre hypothèse. Les jardins suspendus se situeraient plutôt dans la ville de Ninive (près de Mossoul en Irak) au –VIIe siècle. Son point de départ est une fresque du palais, exposée au British Museum de Londres, représentant le palais avec en arrière plan des arbres disposés sur des terrasses et des arches de pierre. De plus, les archives du roi assyrien Sennachérib (-704/-681) relatent l’existence d’un jardin surélevé avec des arbres fruitiers et du coton, appelé « l’arbre donnant de la laine ».

Les chercheurs estiment qu’il faut environ 300 tonnes d’eau par jour pour alimenter un tel jardin en plein désert. La première question est de savoir si les Assyriens du –VIIe siècle possédaient les moyens technologiques d’alimenter en eau des jardins suspendus et si oui l’ont-ils fait ?
Sur le site de Khinis au Mont Zagros à 95km au nord de Ninive, les archéologues ont mis au jour les traces d’un réseau de canaux. L’eau descend de la montagne. Un rocher détourne une partie de la rivière pour la diriger vers un canal. Sur l’une des parois rocheuses, des bas-reliefs représentent le roi Sennachérib soutenu par les dieux. Des niches, creusées dans la falaise, abritaient des statues à son effigie. Une fontaine arbore des sculptures de lion. Cet animal est le symbole de la royauté et d’Ishtar la déesse tutélaire de Ninive.
Rien ne dit que ce canal partait jusqu’à Ninive. Et si oui était-il suffisant pour alimenter la ville ? Les images satellites américaines de la cité de Ninive montrent des formes sur le sol invisibles sur place. Ces formes correspondent au tracé des routes, des remparts, des places et des grands bâtiments et un canal partant au Nord, vers le Mont Zagros. Les arches du bas relief ressemblent aux arches de l’aqueduc de Jerwan, qui permettait à l’eau du canal d’enjamber une rivière. Cet ouvrage faisait partie du réseau de canaux acheminant l’eau jusqu’à Ninive. Il date du règne de Sennachérib. Il y a eu des infrastructures permettant d’acheminer une quantité importante d’eau jusqu’à Ninive. Il faut maintenant retrouver des traces des jardins.

Sennachérib ne livre aucune description des jardins contrairement à Diodore de Sicile, vivant au -Ier siècle. Ce dernier se base sur une biographie d’Alexandre le Grand, rédigée par un de ses officiers Clitarque. Des recherches ont montré que Clitarque aurait décrit les jardins suspendus à partir d'une exagération de la description des palais royaux de Babylone. Diodore de Sicile dit que les jardins ressemblent à un amphithéâtre, un demi-cercle à gradin entourant une fontaine. Sur les photos aériennes des fouilles du palais, un espace de dimensions importantes arbore cette forme. Néanmoins au vu de la situation géopolitique de la région, il demeure impossible d’entreprendre des fouilles.

En supposant que les jardins occupaient cet espace, il reste encore à savoir de quelle manière les Assyriens pouvaient amener l’eau en haut des terrasses ?
Les archives du palais évoquent deux moyens, un système de chaines, de chadouf, de seaux et le système du « palmier dattier ». Le palmier dattier possède un tronc formant une spirale telle une vis. Pour Stéphanie Dalley, il s’agit d’un système identique à celui de la vis d’Archimède. Elle est confortée dans son opinion par les spécialistes d’Archimède, car pour eux, le savant grec s’est inspiré de procédés plus anciens.

Le roi assyrien avait les moyens techniques et la possibilité de construire des jardins suspendus. Cependant, tant que la région ne sera pas pacifiée, il est impossible d’effectuer des fouilles archéologiques et trouver les traces d’une structure pouvant correspondre aux jardins suspendus. Les jardins suspendus à Ninive restent pour le moment dans le domaine de l’hypothèse plausible.

Représentation de la fresque du palais de Ninive
source : wikipédia 



Sources
Texte : Les jardins suspendus de Babylone, documentaire réalisé par Nick Green, Royaume-Uni, 2013, 55min.
Image : http://www.septmerveillesdumonde.com/jardinsdebabylone/


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