John Brown et le raid de Harper’s Ferry
John Brown naît le 9 mai 1800 à Torrington dans le Connecticut.
La vie de John Brown s’explique en partie à cause de son père, Owen Brown. Ce
dernier est un fervent calviniste et un abolitionniste convaincu. Il pense que
l’esclavage est un acte commis contre Dieu. A l'âge de douze ans, il parcourt
le Michigan.
Séjournant chez un homme possédant des esclaves, les violences subies par les Noirs
le choquent. Ses deux femmes, Dianthe Lusk et Mary Day, lui donnent vingt
enfants. Ses fils seront ses plus fidèles lieutenants.
En 1836, John Brown et sa famille
s’installent à Franklin Mills dans l’Ohio. Il emprunte de l’argent pour acheter
des terres. Il ne parvient pas à rembourser ses dettes et doit rapidement les
revendre. Il parcourt simultanément la Pennsylvanie , le Massachussetts et l’Etat de New
York, exerçant divers métier : fermier, marchand de laine, tanneur,
spéculateur terrien. A chaque fois, ses entreprises professionnelles échouent
dans un contexte économique morose des années 1830.
Le 7 novembre 1837, son ami
Elijah Lovejoy est assassiné, parce qu’il était éditeur d’un journal
abolitionniste. A compter de ce jour, Brown jure de lutter contre l’esclavage
par tous les moyens. En 1847,
John Brown rencontre Frederick Douglass, ancien esclave noir devenu
orateur et homme d'État, avec lequel il se lie d’amitié. Il s'installe en 1849 dans une communauté
noire à Elba dans l'État de New York, créée par Gerrit Smith. Ce
dernier a fait don de cinquante acres de terre à des familles noires, qui en
échange doivent les défricher et les cultiver.
Le 30 mai 1854, la loi
Nebraska-Kansas crée les Etats du Kansas et du Nebraska, jusque là considéré comme
territoire américain non organisé. Cette nouvelle loi permet aux immigrants
installés dans ces nouveaux territoires de décider s’ils souhaitent ou non
introduire l’esclavage, au nom de la souveraineté populaire. Des conflits armés
éclatent entre colons abolitionnistes et colons esclavagistes originaires du
Missouri. John Brown décide de s’installer au Kansas. Avec ses fils, il fonde
les légions de Galaad, un groupe d’action de défense armé composé de Noirs, qui
combattent pour un Kansas non esclavagiste. Il faut combattre les esclavagistes
et les terroriser. Il emploie des formules extraites de la Bible , telle que « œil
pour œil » et un vocabulaire religieux, il exhorte à combattre les légions
de Satan. En 1856, des milices armées du Missouri pillent la ville de Lawrence.
Charles Summer, sénateur abolitionniste, est agressé. Le 25 mai 1856, lui et
ses hommes enlèvent et exécutent cinq colons esclavagistes à Pottawatomie Creek.
En guise de représailles, des bandes d’esclavagistes incendient des propriétés.
En août à Osawatomie, sa milice combat une autre milice esclavagiste. La police
et l’armée n’ont pas les moyens de juguler toute cette violence. Les journaux
parlent d’une guerre civile au Kansas.
A partir de 1857, Brown a l’idée
de combattre le mal directement à la source. Il commence à élaborer un projet de
soulèvement d’esclaves dans les Etats du Sud. Il a besoin d’argent pour lever
une armée. L’idée de combattre les esclavagistes par la force est partagée par
de très nombreuses personnes. Il obtient des lettres de recommandation du
gouverneur Charles Robinson. Brown trouve des financements parmi six bourgeois
fortunés originaires de Boston, appelés les Six Secret. Ce cercle est composé du
pasteur Thomas Higginson, de Théodore Parker, fondateur de l’église unitarienne
de Boston, du médecin Samuel Howe, de l’homme d’affaire Georges Stearns et du
professeur Franklin Sanborn.
Pour commencer, Brown ambitionne
d’attaquer l’arsenal militaire de Harper’s Ferry en Virginie. La petite ville
est située au confluent du Potomac et de la Shenandoah , à la frontière
entre le Maryland et la Virginie. Elle
tire son nom de Robert Harper qui y établit un ferry,
permettant la traversée du Potomac, en 1761. En juillet 1859, Brown loue une ferme
sur les rives du Potomac dans le Maryland. Le fleuve sépare les deux Etats. Il
monte une équipe de 22 personnes, dont cinq noirs. Son objectif est de
s’emparer d’un grand nombre d’armes et de provoquer une insurrection d’esclaves
dans cet Etat. Pour la seconde partie de son plan, il compte sur le soutien de
Frederik Douglass. Durant sa marche, les esclaves libérés viendraient gonfler
ses rangs. Néanmoins, Douglass lui déconseille d’attaquer Harper’s Ferry. Pour
lui, il s’agit d’une opération suicidaire, car Brown ne semble pas avoir de
plan réellement précis. Il préfère se retirer du projet.
Dans la nuit du 16 octobre 1859,
le commando Brown entre dans Harper’s Ferry et s’empare des entrepôts. Ironie
de l’histoire, le seul homme tué dans l’assaut est un militaire noir en
faction. Brown envoie des émissaires pour diffuser le succès de son entreprise.
Il attendit toute la nuit. Aucun esclave ne le rejoignit.
Le 17, des habitants armés
ouvrent le feu sur les hommes de Brown. Quelques heures plus tard, des bataillons
militaires venus de Virginie et du Maryland arrivent sur les lieux. Le colonel
Robert Lee, futur général en chef de la Confédération ,
ordonne l’assaut. Brown et ses hommes restants battent en retraite et trouvent
refuge dans la caserne des pompiers. A la fin de la journée, Brown et ses
hommes sont mis hors d’état de nuire. Ce raid a couté la vie à neuf
personnes : huit rebelles dont les deux fils de Brown et le militaire noir.
Sept membres du commando Brown ont réussi à s’échapper.
Le procès de Brown débute
rapidement le 27 octobre 1859, afin d’éviter des émeutes en Virginie. Le 2
novembre, le tribunal rend son verdict. John Brown et ses complices sont
condamnés à mort pour haute trahison, homicide et incitation à l’insurrection.
La sentence est appliquée le 2 décembre. Des documents inculpant les Six Secret
sont retrouvés et leurs noms dévoilés au public. Parker s’enfuit en Europe.
Higginson nie tout en bloc. Steams, Howe et Sanborn gagnent le Canada. Smith
est victime d’une dépression nerveuse et termine ses jours à l’asile d’Utica.
La commission Marson, chargée d’enquêter sur eux, ne parvient pas à prouver
leur responsabilité dans l’attaque de Harper’s Ferry. Les Six Secret sont
disculpés. Une lettre de Brown est retrouvée. Elle
semble avoir été rédigée avant la veille du raid. Dans ce document, il semble
s’être résigné à mourir. A-t-il conscience que son martyr servirait davantage
sa cause ?
Dans le Nord, quelques
réprobations s’élèvent contre l’action de Brown. Le journal The Worcester Spy
publie : « ce raid est l’une des entreprises les plus imprudentes et
les plus folles qu’on ait jamais vues ». Néanmoins, la majorité des gens
ont le sentiment que Brown est le martyr d’une noble cause. Comme il l’a dit
lors de son procès, il n’a pas voulu pousser à l’insurrection, mais libérer des
esclaves et les armer pour qu’ils puissent se défendre. Certes, John Brown a
commis une erreur de jugement, mais celle-ci n’entache pas la noblesse de ses
objectifs. Le jour de son exécution, des manifestations extraordinaires se
déroulent, des salves de canons sont tirées, des commémorations religieuses sont
organisées.
Dans le Sud, l’attaque de Brown
déclenche un sentiment de peur. Les planteurs craignent des révoltes d’esclaves
et d’autres invasions abolitionnistes. D’ailleurs, le Sud ne comprend la
réaction du Nord, qui soutient un fou furieux ayant voulu soulevé des Noirs
contres des Blancs. De nombreux propriétaires sont persuadés que d’autres John
Brown peuvent descendre du Nord. Ils forment des milices armées pour se
défendre. Les dirigeants politiques, craignant une désunion, désapprouvent
Brown. Par exemple, Lincoln déclare : "Nous
ne pouvons nous élever contre cette décision bien qu'il ait partagé notre
conviction sur l'esclavage. Cela ne peut excuser la violence, l'effusion de
sang et la trahison. Le fait qu'il pensait avoir raison ne l'excuse pas
davantage".
La mort de John Brown est un prélude à la guerre de
Sécession et creuse davantage le fossé entre le Nord et le Sud. Durant la guerre de Sécession, John Brown devient un
symbole pour le Nord. Sur les champs de bataille résonne la chanson John Brown's Body (Le
corps de John Brown) : "John Brown's body lies a-mold'ring in the
grave ; His soul goes marching on (Le
corps de John Brown gît dans la tombe. ; Son âme, elle, marche parmi
nous.)".
Sources
Texte :
MC PHERSON James, La Guerre de Sécession, Laffont, Paris, 1991,
973p.
http://laguerredesecession.wordpress.com
http://www.medarus.org
Image :
wikipédia.fr
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