Oman : au pays de Sindbad le marin
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En -3000, un commerce local s’est
déjà développé. Il porte sur des produits de base comme les coquillages ou le
bois. Oman ne disposant pas de ressources en bois, ni en fer, doit les importer.
Cette situation favorise le développement d’un commerce maritime, car
l’intérieur des terres est désertique. Des routes commerciales s’établissent
vers l’Afrique, la
Mésopotamie et l’Inde. Les Mésopotamiens s’approvisionnent en
cuivre qui se trouve dans les montagnes omanaises. Des systèmes d’extraction et
d’acheminement vers les ports sont mis en place. A la fin de l’âge du bronze,
le réseau commercial s’amenuise, d’une part, à cause du déclin des Harappa en
Inde, et d’autre part, à cause de l’émergence des Phéniciens. Ces derniers
prennent le contrôle de la
Méditerranée et sillonnent la Mer rouge et les côtes africaines.A partir de la
fin du –IVe siècle, les marchands arabes s’enrichissent grâce au commerce de
l’encens. Un siècle plus tard, Sumhuram est le plus grand port omanais. Les
archéologues ont découvert des amphores grecques et de la céramique iranienne.
Le port était un relais entre la
Grèce et l’Egypte d’une part, et la Chine , l’Inde et la Mésopotamie d’autre
part. Les marchands y échangent des tissus, du coton, de l’huile, des céréales
et des épices. La ville de Sumhuram était une place commerciale pour l’encens.
Un marchand grec du -Ier siècle,
rapporte que les Arabes sont présents sur tous les littoraux de l’Afrique et de l’Inde. De plus, ils s’intègrent aux populations locales. Ils maîtrisent la
langue et les coutumes des autochtones et sont parfois proche du pouvoir. Le
même marchand grec décrit le port de Cana grouillant de monde et de navires,
avec ses cohortes de chameau transportant l’encens, un bien aussi précieux que
l’or. Il sert pour les rituels religieux. Sa fumée est réputée pour apaiser les
dieux. Les Grecs l’utilisent en médecine pour traiter les hémorroïdes. Dans la Bible , les rois mages
offrent de l’encens au Christ.
Les coques des bateaux sont
construites avec des bottes de roseaux liées avec des cordes et arrimées à des
châssis en bois et recouvertes d’une couche de natte tressée. Elles sont enduites de
bitume et d’huile de poisson pour assurer l’étanchéité et de chumam, un mélange
de graisse de chèvre et de chaux pour la protéger des plantes aquatiques. Les
bateaux sont équipés d’un mât et d’une quille en bois. Pline l’Ancien parle des
bateaux cousus du port d’Omana. Les bateaux cousus sont le type le plus
fréquent dans l’Océan indien. Ces navires possèdent des voiles carrées faites
en toile ou en feuille de palmier, différentes des voiles latines
triangulaires. La voile carrée est idéale pour naviguer avec le vent en poupe,
mais pas pour naviguer au pré serré. Les navires possèdent deux commandes de
direction : les rames de gouverne et le gouvernail médian. Les rames en
bois sont situées de part et d’autre de la coque à l’arrière. Les manœuvres se
font à la main. Le gouvernail à l’arrière est manipulé à l’aide de cordage. Le
cordage, en chanvre ou en fibre de coco, permet d’avoir une coque plus
flexible, qui épouse mieux la forme des vagues. De plus, les pièces sont
facilement interchangeables. A l’inverse, il prend davantage l’humidité et les
marins doivent écoper régulièrement. Les matériaux de construction des cordages
sont importés d’Asie, jusqu’au XIIIe siècle. Ensuite, des cultures de chanvre
se développent à Oman.
Il faut trois mois pour relier
Oman à l’Inde sans escale. A bord, les marins se nourrissent de poissons
séchés, de dattes et de pain. Les temps de repos sont irréguliers à cause des
surveillances, des réparations, du contrôle de la route. Les nuits sont froides
et les journées humides. Parfois, il n’y a aucun vent et le navire stagne
durant plusieurs jours. Les marins s’occupent en chantant, en se racontant des
contes, en priant ou en pratiquant du sport.
Au Moyen-âge, Oman est une étape
sur la route maritime de la Soie
reliant l’Europe à la Chine. Elle
constitue une alternative à la route terrestre plus sécurisée, car moins
soumise aux changements politiques du Moyen Orient et de l’Asie centrale.
Entre le VIIIe et le XIIIe
siècle, Zafar est l’un des ports les plus importants de la région. Les taxes
sur le commerce rapportent à la ville 400.000 dinars d’or par an. Une famille
peut vivre pendant un mois avec deux dinars d’or. Les archéologues ont retrouvé
des pièces de cuivre pour le commerce local et des lingots d’or et d’argent
pour le grand négoce. Le port de Sohar est un centre de production et
d’exportation de cuivre. Il connait son apogée au Xe siècle, comme l’atteste
l’architecture de certaines maisons. Les murs sont en brique d’argile
recouverts de céramique. Sohar est réputée pour être le lieu de naissance de
Sindbad le marin au VIIIe siècle. Sindbad est un personnage fictif, issu des
contes mettant en scène les exploits de marins, des créatures fantastiques et
des lieux exotiques. L’histoire de Sindbad résulte d’une compilation de
différentes vies de marins et fait référence à des lieux réels. En 1690,
Antoine Galland rentre d’Istanbul avec la traduction française de ce conte et
le publie. Devant le succès rencontré, il traduit de nombreux contes syriens et
les assemble dans un recueil intitulé Les
mille et une nuits. A la fin du Moyen-âge, les ports de Qalhat et de Juffar
font la joie de l’empire d’Ormuz. Ils sont spécialisés dans les perles, les
encens, les épices et les chevaux.
Des épaves omanaises ont révélé
de la vaisselle et de la céramique de Changsha, produite massivement sous la
dynastie Tang. Les archéologues ont également retrouvé de la porcelaine
blanche, des miroirs en bronze et des pots bleus richement décorés. Les
inscriptions en arabe présentes sur ces objets indiquent leur lieu de
consommation. Elles apportent la preuve de relations commerciales entre la Chine et l’Arabie. La Chine produit à grande
échelle des biens destinés à l’exportation. Au IXe siècle, les Arabes sont
présents dans les grandes villes asiatiques, notamment chinoises. Il existe un
guide de la communauté arabe de Guangzhou. Il mentionne l’existence dans la
ville d’une mosquée, d’un bazar et d’un cadi, un juge musulman nommé par
l’empereur de Chine pour maintenir l’ordre au sein de la communauté musulmane.
La culture arabe se transmet
généralement à l’oral sous la forme de poèmes ou de chanson récitée.
L’avènement de l’Islam au VIIe siècle correspond à un âge d’érudition avec la
création de centres d’études dans lesquels les Arabes préservent et traduisent
les traités anciens. Ibn Majid rédige au XVe siècle Le Livre d’informations utiles sur les principes et les règles de la
navigation. Il retrace l’histoire de l’Océan indien, énonce les principes
de la voile, décrit les côtes, les récifs, les courants, les ports, les vents,
les conditions météorologiques, la position et le mouvement des étoiles. Le
navigateur omanais Soliman al Mahri, dont la tradition veut qu’il fut un élève
d’Ibn Majid, rédige à son tour un traité faisant autorité. Il réduit la liste
des étoiles, décrit les eaux et les terres du Bengale, du détroit de Malacca et
de Chine. Il répertorie les marchandises produites et exportées par les pays du
Sud-est asiatique. Ces deux traités sont des références adoptées par les
navigateurs européens. Tandis que les Européens se repèrent au soleil, les
Arabes se repèrent aux étoiles. L’étoile polaire, qui demeure immobile,
constitue la référence. Les navigateurs utilisent le kamal, un rectangle de
bois avec une longueur de ficelle enroulée au milieu. Cet instrument sert à
mesurer la distance entre une étoile et la ligne d’horizon. Un nœud à la corde
sert de point de repère pour rester à la même latitude. A partir du Xe siècle,
ils utilisent également l’astrolabe, servant à déterminer la position des
astres et la boussole magnétique mise au point par les Chinois. Ces deux
inventions traversent le monde musulman pour parvenir en Europe au XIVe siècle,
via l’Espagne.
En 1498, Vasco de Gama
contourne l’Afrique et longe les côtes omanaises pour se rendre en Inde. La
légende veut qu’un marin omanais, nommé Ahmad Ibn Majid, ait guidé le navigateur
portugais dans l’Océan indien. Ce personnage apparait dans les récits arabes.
Toutefois dans les récits portugais, ce marin n’est pas omanais, mais indien. A
partir de Goa, les Portugais bâtissent un empire maritime dans l’Océan indien,
prenant possession par la force de certains ports omanais, tel Ormuz en 1515.
En situation de conflit, les Portugais construisent des forteresses pour se
défendre. De plus, au XVIIe siècle, les Omanais subissent la concurrence des
Français, des Anglais et des Néerlandais.
L’Imam Nasir bin Murshid unifie
les terres sur un programme anti impérialiste européen. Profitant des conflits
entre Européens, il lance à partir de 1632 des campagnes militaires pour
récupérer les ports de Sohar, Julfar et Mascate. En 1650, les Portugais sont
chassés des côtes omanaises. Aidés des Anglais, les Omanais continuent de les
combattre en Inde et en Afrique. La flotte de guerre omanaise n’a rien à envier
à celle des Européens. Des marins occidentaux servent sous les ordres de
capitaines omanais. En 1660, les Français s’installent à Mascate et établissent
des relations commerciales avec Oman. Au XVIIIe siècle, les Omanais profite des
tensions entre Français et Britanniques pour conserver leurs avantages.
Le XIXe siècle est une période de
repli pour Oman. Le pays est rongé par des rivalités internes. Les différentes
factions s’allient avec les Perses, les Ottomans et les Européens. De plus,
Oman a perdu ses comptoirs en Afrique et accuse un retard technologique. Sa
flotte ne rivalise plus avec les bateaux à vapeur européens.
La présence britannique dans
l’Océan indien se renforce. Ces derniers luttent contre la piraterie et le
commerce des esclaves. Les Français possèdent Madagascar, les Comores, la Réunion et des territoires
sur les côtes africaines. En 1807, la
France et Oman signent un traité de paix perpétuelle. Un
consulat français s’installe à Mascate. Puis en 1844, les deux pays ratifient
un traité officiel de commerce et d’amitié. Les Etats-Unis arrivent à leur tour
dans l’Océan indien. En 1838, les deux pays adoptent un traité de commerce. En
1840, Ahmad Bin Na’ man est le premier ambassadeur omanais à poser le pied en
Amérique. Son arrivée à bord d’un vaisseau de guerre et son escorte armée,
terrifient les New-yorkais qui croient à une invasion. Ahmad Bin Na’ man
apporte de nombreux présents pour le Président Martin Van Buren. Le Président
lui dit que la
Constitution lui interdit de recevoir des cadeaux. Ahmad Bin
Na’ man rétorque que le Sultan n’apprécierait pas ce refus et que lui-même
pourrait le payer de sa vie. Cette situation pousse le Président à demander au
Congrès le vote d’une loi autorisant les présidents à recevoir des présents au
nom du peuple américain. L’institut du Smithsonian est créé pour entreposer les
cadeaux diplomatiques.
En 1835, l’Amiral François Edmond
Paris répertorie tous les types de bâteaux omanais et étudie leur conception. Il
est surpris de voir que les bateaux sont montés à l’envers. A l’inverse de ce
qui se fait en Europe, les ouvriers commencent par construire la coque, avant
d’emboiter le squelette de la charpente qui soutient l’ensemble. Les planches
sont cousues entre elles avec de la corde. Cette méthode de construction est
caractéristique de l’Océan indien. De retour en France, il publie en 1843 un Essai sur la construction navale des peuples
extra-européens. Ce livre est une compilation de notes et de croquis
d’embarcations locales des quatre coins de la planète, que l’amiral a eu
l’occasion de rencontrer lors de son tour du monde à bord de l’Artémise. Les
navires omanais nous sont connus principalement grâce à son œuvre. Citons-en
quelques-uns. Le shashah est un canot rudimentaire fait en palmier avec une
rame et une petite voile. Il est utilisé pour la pêche côtière. Seules une ou
deux personnes peuvent monter à bord. Le zaruqah est un bateau de pêche
mesurant 8 mètres
de long et présente la particularité d’être amphidrome, c'est-à-dire qu’il peut
se déplacer en avant ou en arrière sans faire demi-tour. Le badan est le nom
générique pour désigner les navires assez grands pour la pêche en haute mer et
le commerce. Il présente une coque incurvée. Le hatilil est un navire de guerre.
Il est souvent très décoré. Sa coque arbore des reliefs sculptés ou des versets
du Coran. Le ghanjah est un cargo imposant destiné au commerce international.
Il mesure 35 mètres
de long. Sa poupe est carrée et sa proue se termine par une boule.
Depuis les années 1970, Oman
connait une nouvelle croissance grâce à la production et au transport du
pétrole. Les Omanais l’appellent le nouvel encens, preuve qu’il contribue à la
richesse du pays. Le détroit d’Ormuz, partagé avec l’Iran, redevient une région
de première importance. Oman s’ouvre de nouveau sur le monde. Le pays
revitalise son héritage maritime pour se moderniser et favoriser l’adaptation
au monde moderne. Les littoraux sont aménagés suivant des logiques maritimes et
économiques : industrie lourde (raffinage, pétrochimie), industrie
halieutique, plate forme logistique pour les porte-conteneurs et les sports de
loisirs nautiques. Jouant dorénavant un rôle dans le maintien de la paix de la
région, la marine royale est recréée. Outre la sécurité nationale, elle lutte
contre la contrebande et l’immigration et apporte une aide humanitaire. Symbole
de ce renouveau maritime, Oman participe à des compétitions de grands voiliers.
Le pays a remporté à neuf reprises le Trophée de l’Amitié.
Sources
Texte : FURMAN Megan : Oman et la mer, Musée National de la Marine , Paris, 2013 114p.
Exposition
au musée du 16 octobre 2013 au 5 janvier 2014.
Image : http://www.armada.org/navires/shabab-oman
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