L’An mil : l’année de profonds bouleversements ?
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Traditionnellement, l'an mil
correspond à l'avènement d'une nouvelle société, celle de la féodalité. Au
cours du XIe siècle, les châteaux se multiplient dans toute l’Europe. La
plupart sont construits sur des mottes castrales des IXe et Xe siècles. Le
nombre de vassaux augmente. Les grands seigneurs étendent leur pouvoir. Ils assurent
la protection de leurs domaines face à un pouvoir impérial désorganisé. L'un de
ses grands seigneurs parvient à s'imposer. En 987, Hugues Capet monte sur le
trône de Francie Occidentale. Il est issu de la famille des Robertiens, une des
deux familles se partageant successivement le pouvoir avec les Carolingiens. Il
gouverne directement le domaine royal regroupant les territoires situés entre
Paris et Orléans. Il règne idéologiquement sur le reste du royaume composé
d’une multitude de duchés et d’évêchés ayant leurs propres prérogatives dans le
domaine militaire et judiciaire. Le roi se place en arbitre lors des conflits
entre seigneurs. En 989, il participe au concile de Charroux qui instaure la Paix de Dieu (protéger les
clercs et les paysans). Par ce biais, il accroit son pouvoir spirituel déjà
renforcé par le sacre. D’ailleurs, il fait sacrer Robert, son fils, afin
d’assurer une descendance au trône.
Dans les campagnes, les villages
se fixent d'une manière durable. Jusqu'au Xe siècle, ils étaient bâtis autour
d’une église et demeuraient mouvant à cause de la périssabilité des matériaux
de construction. Dans le nord du royaume, les villages se structurent autour
d’une place centrale accueillant l’église et le cimetière. Les campagnes se
composent de grands champs découpés en lanière, ce que l’on appelle un paysage
d’openfield. Les paysans défrichent les forêts secondaires pour regagner les
terres qui étaient cultivées à durant l’époque romaine et laissée à l’abandon
au début du Moyen-âge. Au sud, les villages ont la forme d’une agglomération
fortifiée resserrée autour d’un château et perché sur un coteau. Parallèlement,
les villes se développent.
Il n’y a pas d’invention au sens
premier du terme. Le Moyen-âge ne fait que perfectionner des outils existants
depuis l’Antiquité (moulin, forge, four, charrue). Dans le domaine agricole,
l’assolement triennal permet de faire deux récoltes par an. Les chevaux, plus
rapides, remplacent les bœufs comme animal de traction. L’amélioration des
attelages et des charrues favorisent le développement de la métallurgie,
nécessaire à la fabrication des outils. Les seigneurs, ayant de vastes
exploitations agricoles, encouragent le développement des forges. Ce cercle
contribue à l’accroissement démographique qui se stoppera à la fin du Moyen Age
à cause des guerres et des épidémies de peste. Le fer prend sa place dans
l’architecture. Il n’est plus seulement employer pour façonner des armes, mais
est utilisé pour des structures métalliques.
Le développement de l’art roman
coïncide avec des réformes religieuses. Benoit d’Aniane établit de nouvelles
règles monastiques ayant pour vocation de revenir à la règle originale de Saint
Benoit. La réforme grégorienne se déroule en parallèle. Grégoire VII souhaite
purifier les mœurs du clergé et réaffirmer l’importance de la papauté sur les
pouvoirs temporels. L’abbaye de Cluny constitue le point de départ de la
diffusion de l’art roman. Elle sert de modèle aux autres monastères. Les abbés
demandant à des clunisiens de venir réformer leur abbayes. L’art roman se
diffuse le long des routes de pèlerinage. L’art roman primitif emprunte aux
basiliques romaines et byzantines : le plan, les voutes en berceau, les
arcs en plein cintre. Importance de l’orfèvrerie, du mobilier et de la
statuaire.
L'an mil correspond à l'aboutissement d'une mutation
sociétale débutée à la fin du IXe siècle. La féodalité s'est mise en place
créant ses catégories sociales, ses paysages et son architecture tant laïque
que religieuse.
Ces transformations ne concernent que l'Occident. Que se
passe t-il sur les autres points du globe à la même période ?
Le monde en l’An Mil compte 25
millions d’habitants, qui se répartissent entre civilisations écrites (Europe,
Asie, Amérique Centrale) et civilisations orales (Afrique, Océanie et Amérique
du Nord). Chaque peuple ne connait que ses voisins quoi ne connaissent que
leurs voisins. Les savoirs et les technologies circulent par étapes. Les dates
précoces des moussons et le développement de la viticulture anglaise montre
qu’il y a un réchauffement climatique à cette période.
L’empire byzantin est la plus
grande puissance du moment. Constantinople est la ville là plus peuplée
d’Occident. Son Eglise fait jeu égal avec la Papauté. Carrefour
entre Orient et Occident, l’empire est immensément riche et jouit du prestige
de la culture gréco-latine. Entre 960 et 1025, l’empereur Basile II repousse
les Slaves jusqu’au Danube, reprend le littoral oriental de l’Adriatique, le
sud de l’Italie et le Caucase. Les byzantins ont une bonne armée et une
excellente marine qui maitrise le feu grégeois. A la fin du XIe siècle,
l’empire byzantin connait ses premiers signes de déclin. La progression des
tribus nomades dans les steppes décalent les routes commerciales vers le sud
vers le port d’Alexandrie, qui engendre une baisse des revenus.
Le monde arabo-musulman est
unifié par la culture, l’économie, et dans une certaine mesure, par la
religion, mais reste divisé politiquement Trois califats le composent :
les Omeyyades, basés à Cordoue, règnent sur le Sud de l’Espagne et une partie
de l’Afrique du Nord, les Fatimides, basés au Caire, règnent sur l’Egypte et la Lybie et les Bouyides, basés
à Bagdad, règnent sur la
Mésopotamie. Les califes ont conscience d’être sur les terres
des plus brillantes civilisations de l’Antiquité. En ce sens, ils souhaitent en
être les héritiers et sont avides de connaissances. Ils ordonnent à leurs
savants de recopier et traduire les manuscrits, tout en poursuivant les
recherches en mathématiques, médecine et astronomie. Le calife de Bagdad ouvre
dans sa capitale une gigantesque bibliothèque appelée la Maison de la Sagesse.
L’Inde est divisée en une
multitude de royaumes. Au IXe siècle, la dynastie des Cholas, située au Sud,
parvient à conquérir tous les territoires au sud de la rivière Tungabhadra,
puis étendent leur pouvoir au Sri Lanka, à l’Indonésie et à la Malaisie. Ils cherchent à
contrôler les ports et les routes commerciales. La construction de temples, sur
les murs desquels les rois gravent leurs exploits, contribuent à la diffusion
du shivaïsme.
En Chine, le début de la dynastie
Song marque la réunification de l’empire, malgré une puissance militaire
faible. Le pays se dote d’une solide administration, dont les fonctionnaires
sont recrutés sur concours. Le pays, peuplé de cent mille habitants, déjà le
premier foyer de population au monde, possède une agriculture excédentaire qui
engendre une croissance démographique. Les villes sont en plein essor, grâce à
l’utilisation du papier monnaie, bénéficiant de l’emploi des imprimeries et au
trafic fluvial important, rendu possible par la construction d’écluses et de
canaux. La métallurgie connait le même développement qu’en Europe et engendre
des résultats similaires.
Les Khmers règnent sur le
Cambodge depuis Angkor. Après une guerre de succession Suryavarman Ier stabilise
le pays et le fait prospérer en l’ouvrant sur les autres cultures. Néanmoins,
l’économie reste stagnante. Les Cambodgiens n’ont pas de monnaie et continuent
de pratiquer le troc.
Une multitude de royaumes
existent au sud du Sahara : le Ghana, la Nubie , l’Ethiopie, le Sénégal, le Niger et le
Kanem (actuel Tchad). Ils commercent tous avec les Arabes installés sur la côte
méditerranéenne. Les élites se convertissent à l’Islam afin de pouvoir traiter
d’égal à égal avec les marchands arabes et éviter les risques d’invasion. Les
royaumes africains exportent de l’or, de l’ivoire, de l’ambre, des fourrures et
des esclaves. Ils importent des perles, du verre, des céramiques, des chevaux
et des étoffes. Les produits chinois parviennent jusqu’en Afrique par l’intermédiaire
des Arabes.
L’empire toltèque, depuis la
ville de Tula, règne sur l’Amérique centrale. L’architecture est simple et
l’artisanat est simple comparé à leur voisin mayas. Leur culture est axée sur
des valeurs guerrières.
Sources
Texte :
"L'an 1000 : la première crise de l'Occident", Les cahiers sciences et vie, n°137 - mai
2013, 106p.
BERTRAND Paul (dir) : Pouvoirs,
Eglise et société dans les royaumes de France, de Bourgogne et de Germanie
(888-1110), Ellipses, Paris, 2008, 276p.
Image :
wikipédia.fr
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