Samouraïs et ninjas : les guerriers du Japon
Le terme « samouraï » apparaît pour la première fois au Xe siècle et désigne un homme au service de la cour, d’un noble ou d’une administration. Il ne revêt pas une connotation guerrière. Les militaires sont désignés par les termes de « tsuwamono » ou de « mononofu », puis après le Xe siècle, par le terme de « bushi ». Au XVIIIe siècle, les Occidentaux emploient le mot « samouraï » pour désigner les guerriers japonais.
Entre le VIIIe et le XIIe siècle, le pouvoir impérial est incapable d’affirmer son autorité sur l’ensemble de l’archipel. Les seigneurs locaux s’accaparent le pouvoir et constituent des fiefs. Les fils de fonctionnaire, privés de perspectives sociales, quittent la capitale pour se mettre au service des seigneurs. Ils savent utiliser des armes et possèdent assez d’argent pour acquérir un cheval. Dans les batailles, ils forment des groupes de cavaliers au côté des paysans constituant l’infanterie. Les conflits entre seigneurs entraînent un accroissement du nombre de ces guerriers.
A la fin du XIIe siècle, le shogunat est instauré. L’empereur confie le pouvoir à un shogun issu de l’aristocratie guerrière et conserve un rôle moral. Une nouvelle cour composée des seigneurs les plus puissants du royaume se constitue. Chaque seigneur possèdent ses vassaux, qui eux même ont leur propres vassaux, constituant ainsi une véritable pyramide féodale. Les nobles doivent manier l’épée, les arts martiaux, mais aussi exceller dans la calligraphie et la poésie. La littérature chevaleresque dresse le portrait de guerriers affichant une loyauté à toute épreuve envers leur suzerain et une dévotion pouvant les conduire jusqu’au suicide rituel (seppuku). Les samouraïs sont censés respecter le bushido, un code d’honneur. Au Xe siècle, les guerriers embrassent des valeurs empruntées du confucianisme (droiture, honneur, courage, respect de la hiérarchie, vénération des ancêtres), du shintoïsme et du bouddhisme zen.
A l’inverse des samouraïs, les ninjas sont des mercenaires louant leurs services aux grands seigneurs pour des missions d’espionnage, d’infiltration ou d’assassinat. Au VIIe siècle, le seigneur Shôtoko Taishi fait appel à Otomo no saijin pour espionner ses ennemis. Otomo reçoit le surnom de shinobi, littéralement « le furtif ». Les ninjas possèdent plusieurs dénominations : le sokkan (celui qui connaît les moindres recoins), l’ukami (le rôdeur), le kansaï (l’espion), le kyodan (celui qui perçoit les murmures). Les groupes de ninja les plus célèbres sont ceux des régions d’Iga et de Koga, deux régions montagneuses difficile d’accès. Les ninjas sont des paysans fuyant les corvées, le ban ou l’administration. Ils sont rejoints par des migrants chinois et coréens, qui apportent leur connaissances en botanique, médecine et de la poudre à canon. Les clans sont très hiérarchisés. Le jônin est le chef. Ils commandent aux chûnin chargés d’administrer les villages et de s’occuper des relations avec les autres clans.
L’évolution des samouraïs est similaire à celle des chevaliers en Occident. La constitution d’une caste de chevalier correspond à un transfert des compétences militaires, administratives et judicaires d’un pouvoir central plus ou moins délétère aux seigneurs locaux. Les samouraïs et les chevaliers tentent de se différencier des guerriers quelconques (mercenaire, ninja). Pour ce faire, ils doivent suivre un code d’honneur puisant ses valeurs dans la religion. La littérature se fait le vecteur de l’image idéalisée de cette caste.
Au milieu du XVe siècle, le Japon sombre dans une guerre civile. Certains paysans parviennent à se hisser au sommet de la hiérarchie des bushi. Les seigneurs ont très souvent recours aux ninjas.
Au XVIe siècle, le shogun Toyotomi Hideyoshi renforce le contrôle social pour maintenir l’ordre. Les paysans sont désarmés, tandis que les guerriers ne doivent plus participer aux tâches agricoles. Bon nombre d’entre eux abandonnent le sabre pour retourner travailler dans les rizières ne pouvant vivre de la seule activité militaire. Les autres regagnent leurs châteaux et la haute aristocratie s’installe à la cour d’Edo.
Le shogun Oda Nobunaga est le premier à mener la politique de renforcement du pouvoir central, qui sera poursuivi par son sucesseur Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu. En ce sens, il ne peut tolérer la présence de groupes de guerriers indépendants. En 1581, il lance plusieurs raids contre les clans de ninja qui sont délogés de leurs cachettes et mis à mort.
Jusqu’au XIXe siècle, le Japon ne connaît plus de guerre. Les militaires se tournent vers les charges administratives, judiciaires, fiscales, voir vers le commerce ou la médecine. Le sabre reste le symbole de leur pouvoir jusqu’en 1876, date à laquelle, les samouraïs n’ont plus le droit d’être armés. Ils constituent les cadres militaires, administratifs et industriels de la nouvelle société se mettant au XIXe siècle. Les ninjas n’ont plus de raisons d’exister puisque les grands seigneurs ne les emploient plus. Les survivants mènent dorénavant une vie de paysan. Certains rédigent des traités, fondent des académies, à l’instar de Hattori Hanzo qui forment les membres de la police secrète de Tokugawa Ieyasu.
De nos jours, les samouraïs et les ninjas constituent deux personnages symboliques et identitaires du Japon. Ils sont employés dans la littérature, le cinéma, les mangas et les mouvements politiques.
Sources
Texte : Les Cahiers de science et vie, Le Japon : aux sources du mythe, n°135, février 2013, pp50-70.
Image : commons.wikimedia.org
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