Olympias et Philippe de Macédoine: deux parents bien différents devant l'amour

Bien que devenu un jeune homme séduisant, Alexandre montre très tôt des signes de réticences à se soumettre aux doux plaisirs de l’amour charnel. Sa retenue en matière de femme finit par inquiéter et surprendre bon nombre de gens à la cour de Macédoine. Il faut bien comprendre que le fils est dans ce domaine bien différent du père qui, lui, est un grand amateur de folles et belles soirées orgiaques où vins et femmes tombent entre ses lèvres et ses mains à profusion. Bien qu’il soit d’une nature extrêmement fidèle quand il est amoureux, le roi a autour de lui un grand nombre d’épouses secondaires et de concubines. Parmi celles qui partagent souvent la couche du roi, nous retrouvons de nombreuses princesses des peuples Illyrien, Lyncestes ou Thrace, mais également des femmes de la noblesse macédonienne. Il faut ajouter à ce panel bon nombre de prostituées toutes aussi belles que professionnelles. Une douceur pour le chef de guerre qu’est Philippe qui aime qu’on s’occupe de son corps meurtri par ses nombreuses blessures. 

Avec toute cette foule de prétendantes, le roi a de nombreux enfants. Ils n’ont vraiment aucune importance pour Philippe qui se soucie plus du bon plaisir qu’il tire de leur mère que de la reconnaissance qu’il gagne à être leur père. Peu intéressé par la fonction paternelle, Philippe semble avoir reporté le peu de reste d'intérêt qu'il a sur Alexandre, son fils légitime, son héritier !

Philippe est d’une nature très amoureuse, même si les femmes entrent et sortent de sa vie comme des étoiles filantes. Du jour au lendemain, il peut tomber sous les charmes d’une nouvelle femme. Incommensurable buveur, Philippe passe des nuits entières à boire et manger dans les bras d’une ou de plusieurs maîtresses. Ces mœurs qui peuvent de nos jours nous sembler grossières et dépourvues de retenue n’ont en fait rien d’anormal. Pour l’époque, les banquets sont des signes de la bonne santé du roi et de sa richesse. En bon roi macédonien, il respecte la tradition selon laquelle le souverain peut avoir plusieurs épouses et partager son lit avec d’autres femmes. On lui connaît aussi quelques aventures avec des hommes. L’amour passionnel et/ou physique entre hommes est là aussi loin d’être choquant et est tout à fait encouragé, notamment dans les milieux militaires.

Philippe, qui a été otage dans sa jeunesse à Thèbes, a rapporté de son expérience grecque les techniques et les tactiques militaires des armées thébaines, considérées comme les plus efficaces de leur temps et qui seront renommées de Rome à Machiavel. Parmi celles-ci se trouvent la redoutable phalange – colonne de lanciers formant un seul bloc et lourdement armés - et le fameux bataillon sacré. A l’intérieur de ce dernier, chaque soldat a pour consigne de trouver un amant plus âgé que lui. Ces liaisons ont pour but de resserrer les liens de fraternité, de camaraderie et d’amitié entre les soldats, devenant par là même des armes psychologiques non négligeables lors d’une bataille. Cet aspect de la sexualité et l’approche que les civilisés grecs ont de l’amour est bien différent de celui prôné par les civilisations occidentales et orientales après l’Antiquité jusqu’à nos jours. C’est la raison pour laquelle la sexualité des grecs est difficile à appréhender justement et correctement.

Pour les civilisés grecs, la relation entre hommes est précieuse et recherchée. Il existe malgré tout des codes distinctifs, notamment la place de l’amoureux pendant l’acte sexuel et la condition sociale du partenaire. La place de la femme dans l’acte amoureux est tout aussi recherchée et son influence sociale est d’autant plus importante que la descendance d’un fils est une chose qui est pour le moins non négligeable. Enfin, n’oublions pas que l’union par mariage n’est possible qu’entre un homme et une femme ; il n’existe pas, par exemple, de roi accompagné légitimement par un autre homme. Disons simplement que l’amour entre hommes est normal, qu’il n’y a pas d’homophobie latente pendant la Grèce Antique, mais que les inquiétudes des parents sont légitimes lorsqu’un fils ne semble pas du tout intéressé par le beau sexe. Alexandre est encore plus difficile à comprendre. Il réfute toute passion pour les hommes mais ne fait pas la cour aux femmes alors que sa position sociale semble le lui imposer. A presque 18 ans et plusieurs participations à des batailles en compagnie de son père, Alexandre devrait normalement commencer à réfléchir à la conception d’un héritier.

Philippe comprend les sentiments que l’on peut éprouver pour une
personne du même sexe, car s’il n’est pas avare en femmes, on lui connaît également quelques amants. Le plus célèbre d’entre eux est un dénommé Pausanias. Philippe le prit un jour en affection mais s’en débarrassa rapidement. Le jeune Pausanias semble avoir pour le roi de très nobles sentiments mais son amour pour lui fut détruit à jamais le jour où Philippe l’humilia en public.

La scène se passe au milieu d’innombrables invités lors de ces soirées où le vin et l’ivresse l’emportent sur la raison. Philippe est le maître de cérémonie et distribue baisers, caresses tout en buvant. Là, comme à son habitude, le coquin est à la recherche d'une ou plusieurs proies pour la nuit. Pausanias, lui, est disponible pour son royal amant. Il l’aime et le suit, traquant la bête en rut, espérant accrocher un regard ou un geste affectueux. Quoi qu’il se soit réellement passé entre eux, Philippe n’est plus intéressé par ses faveurs et est agacé d’être traqué comme un gibier. Décidant de se débarrasser de ce poids, Philippe intime l’ordre à des proches de s’emparer de Pausanias. Le jeune homme est alors emmené à l’écart derrière un rideau. Là, maintenu solidement par quelques rudes gaillards, le pauvre Pausanias est alors humilié, violenté et violé plusieurs fois, tantôt par des hommes tantôt par des objets qui passent par les mains de ses bourreaux. S’ennuyant de ce spectacle qui l’avait fait bien rire pendant quelques minutes, Philippe fait libérer le jeune homme pleurant et hurlant de douleur qui s’écroule plusieurs fois sur le sol avant de sortir de la salle de fête.

Malgré l’épisode malheureux dont il a été victime, le sort n’a pas été totalement injuste pour Pausanias. Visiblement ému des évènements, Philippe, une fois ses esprits retrouvés, écoute ses plaintes et lui offre un haut poste de commandant de sa garde personnel. Pourtant, le pauvre Pausanias semble si affecté de la façon dont il a été traité, que certains ennemis du roi semblent s’être intéressés au tout nouveau commandant de la garde royale. En effet, les opposants à Philippe ne manquent pas. Qu’ils soient proches ou lointains, le roi de Macédoine doit faire face à toute sorte de complots et savoir qu’un homme plein de rancœur accompagne le roi quotidiennement et partage avec lui une grande intimité, est toujours une très bonne information. Aussi, lorsque ce même Pausanias assassinera Philippe quelques années plus tard, les commanditaires potentiels ne manqueront pas : Athènes, les cités grecques, l’Empire Perse ou bien Olympias elle-même.

La présence de la reine Olympias parmi les suspects n’a rien d’anormal et pour certains à la cour c’est une évidence. Cela fait plusieurs années déjà que la reine ne prête plus aucune attention à son royal époux qui, lui, multiplie les frasques. Elle était pourtant une adolescente et une très jeune femme aimant les plaisirs et l’amour. Dès lors que son fils est assez grand, elle n’éprouve que dégoût et mépris pour ce Philippe pour lequel elle ne cache plus sa haine. D’où provient ce rejet qui aurait pu l’inciter à faire assassiner Philippe? On ne lui connaît aucun amant ni aucun amour, tel un Egisthe qui lui aurait soufflé amoureusement au creux de l’oreille d’assassiner son mari. La politique n’a aucune importance pour elle, dès lors que son fils tant aimé ne siège pas aux destinées du royaume. A-t-elle reçu un ordre divin lui ordonnant l’assassinat ? Non, il est très clair d’affirmer, si elle est la personne à accuser, que le seul motif qui aurait pu la conduire à cet acte sordide, est sa volonté de voir Alexandre enfin roi de Macédoine. La rumeur de la possible participation d’Olympias dans le meurtre de Philippe est fondée sur un grand nombre de « légendes »  que portent la cour. Les opposants de la reine ont notamment fait circuler les bruits indiquant qu’elle initiait elle-même son fils aux plaisirs du corps, expliquant par là même sa continence envers les autres femmes.

Olympias reste une femme magnifique et envoûtante au passé sulfureux. Après la naissance d’Alexandre, malgré de brefs moments de retrouvailles avec son époux, comme la naissance de leur fille Cléopâtre, elle semble être devenue une autre femme qui a perdu toute son humanité, tant elle parait froide et manipulatrice. Depuis des années, Philippe regarde plusieurs fois dans son lit ou dans sa nourriture, de peur d'y trouver un serpent ou du poison. Olympias arpente sans doute le palais telle une illuminée, en se présentant comme mère du futur souverain et femme de Zeus plutôt qu’en tant qu’épouse de Philippe. Comble de la provocation, elle arbore de temps à autre des vêtements qui ressemblent à s’y méprendre à des habits de deuil, comme si elle voulait jeter un mauvais sort à son mari. Cependant, sa distinction de reine semble lui avoir tenu à cœur, Alexandre défendant même ce titre honorifique quand son père voulut le lui ôter. La force d’Olympias vient de son lien maternel et Alexandre semble être une drogue à laquelle elle ne peut vraiment pas se soustraire. Après tout, son fils n’est autre que le fils de Zeus, qu’elle a eu l’honneur de mettre au monde…

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