Les ambassades à Paris

En se promenant dans les rues de Paris, le visiteur croisera sur son chemin les drapeaux des pays du monde entier. En effet, 192 Etats possèdent une représentation permanente dans la capitale et ses environs (trois ambassades se situent à Saint Cloud, Neuilly sur Seine et Boulogne-Billancourt). L’histoire des ambassades est le reflet de celles de la géopolitique et des relations diplomatiques.

Au Moyen-âge, les ambassadeurs sont dépêchés de façon temporaire pour une mission précise, qui dure quelques semaines, rarement plusieurs mois. Il n’existe pas de bâtiment propre aux ambassadeurs. Le prince les accueillant, est tenu de les loger. Un jeu de séduction s’installe entre les deux acteurs : l’ambassadeur séduit par ses présents, le prince par le logement et le cérémonial. Les princes se méfient de « ces yeux étrangers qu’il convient de surveiller ».
Au XVe siècle, la complexification des affaires politiques et le développement des Etats mettent en avant la nécessité de pouvoir négocier rapidement. En 1406, la première ambassade, celle du roi d’Angleterre, s’installe à Paris. Ainsi, si le roi est absent, il charge les échevins de la ville d’accueillir et de loger les ambassadeurs. Le quartier du marais devient celui des ambassadeurs, qui effectuent leur entrée solennelle dans la capitale par la porte Saint Antoine.
Au XVIe siècle, Henri III crée la charge de l’introducteur. Sa fonction consiste à veiller au respect du cérémonial et de l’étiquette, à organiser le séjour de l’ambassadeur et à lui servir de guide durant son séjour. Une visite diplomatique comporte trois moments : l’entrée solennelle, le séjour et l’audience. Le corps diplomatique comprend l’ambassadeur, ses domestiques et ses écuyers. Le nombre d’accompagnateur montre la puissance du souverain. L’ambassadeur doit attendre le matin pour pénétrer dans Paris. S’il arrive en avance, il est logé aux portes de la ville. L’entrée solennelle est toujours un évènement marquant relaté par les gazettes. Le peuple s’y presse. Au matin, un maréchal vient l’accueillir au nom du roi. Ensemble, ils rejoignent le logement mis à la disposition du visiteur. La dignité du roi et le rang de son hôte exigent que la demeure soit bien choisie. Des logements sont réquisitionnés, les ambassadeurs ne vivant plus à la cour du roi. En 1621, Louis XIII décide que tous les ambassadeurs seront désormais logés au même endroit dans l’actuel hôtel du maréchal d’Acre au 10 de la rue de Tournon. Palais de Concini, ancien premier ministre, il est considéré comme l’une des plus belles résidences de Paris. D’une grande superficie et doté de plusieurs salons, salles de travail et appartements, il se situe non loin du palais du Luxembourg où se trouve très souvent la reine Marie de Médicis. La décoration est refaite à chaque ambassadeur, afin de coller au goût du pays d’origine. Le palais assure cette fonction jusqu’en 1748. Louis XV, à court d’argent, le revend au duc de Nevers et réinstaure la pratique des réquisitions. Louis XVI songe à installer les ambassadeurs dans le palais de l’Elysée, mais le financement de la guerre d’indépendance américaine met un terme au projet.
Au cours de l’époque moderne, l’augmentation croissante des relations diplomatiques et la fréquence des visites rendent de plus en plus nécessaires la présence d’ambassadeurs permanents.

Les premières représentations permanentes datent du milieu du XVIIe siècle. Elles entérinent une pratique courante en Italie. Posséder une ambassade permanente à Paris dépend des relations entretenues avec la France, de sa proximité géographique, mais aussi de sa richesse. En effet, la présence diplomatique est financée par la couronne qui emploie l’ambassadeur et ce dernier utilise rarement ses fonds personnels. Le principe d’extraterritorialité se développe. L’ambassade échappe à la juridiction française. Le droit du pays d’origine s’y applique.
Au XVIII siècle, seuls le Portugal, les Provinces-Unies (Pays-Bas) et la Sicile possèdent une ambassade permanente. Le Portugal s’est enrichit par l’exploitation du Brésil. Le roi Jean V incite ses ambassadeurs à faire montre de faste. L’ambassade du Portugal se situe sur le quai de Béthune de l’île Saint Louis.
La Révolution entraîne une rupture de l’ensemble des relations diplomatiques. Celles-ci reprennent sous le Directoire qui continue de fournir des logements aux ambassadeurs, mais ne gère plus toute l’intendance, qui revient à la charge de ce dernier.

En 1814, le Royaume-Uni est la première nation à acheter un hôtel particulier à Paris pour y établir son ambassade. Le duc de Wellington s’installe au Palais Borghèse ayant appartenu à Pauline Borghèse, la sœur de Napoléon. Les Britanniques sont imités par les Prussiens et les Autrichiens. Parallèlement, les pays d’Amérique latine accédant à l’indépendance, envoient leurs premiers ambassadeurs à Paris, mais ne disposent pas encore de bâtiment propre. Une vingtaine d’ambassades à Paris disparaissent suite à l’unification de l’Italie et de l’Allemagne, qui acquièrent des bâtiments respectivement en 1909 et 1871. Les relations s’étendent à l’Orient. En 1862, Napoléon III accueille l’ambassadeur du Japon qui n’est pas venu depuis le XVIIe siècle. Le pays du soleil levant achète des locaux en 1906. Une délégation chinoise s’installe 1880. La Chine rompt les relations diplomatiques avec la Révolution culturelle de 1958, avant de les rétablir en 1978.
A partir du Seconde empire, le personnel des ambassadeurs s’accroît, leurs taches se diversifient (négocier, représenter, informer, protéger). Les ambassadeurs ont besoin d’espaces plus importants.

Les grands bouleversements géopolitiques mondiaux modifient les milieux diplomatiques parisiens. En 1918, l’Autriche-Hongrie disparaît. La Tchécoslovaquie rachète l’ambassade en 1924. En 1993, suite à la séparation du pays, la Tchéquie conserve le bâtiment et la Slovaquie déménage.
Durant l’entre deux guerres, de nombreux pays possèdent leur ambassade à Paris : l’Egypte, le Vatican, le Mexique, le Portugal, le Chili dans les années 1920, la Belgique, la Pologne, la Roumanie dans les années 1930.
En 1940, les Allemands occupent Paris. A l’exception des pays alliés de l’Axe, tous les ambassadeurs quittent la capitale. Le mobilier est évacué en zone libre, en Suisse ou en Espagne pour éviter les pillages. Les Allemands réquisitionnent les bâtiments. Ils scellent ceux qu’ils n’utilisent pas, les laissant à l’abandon. En 1945, le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF) rend les ambassades à leurs propriétaires respectifs. Bon nombre d’ambassades non entretenues sont dans un piteux état.
En 1945, la Yougoslavie, nouvellement créée, se dote d’une ambassade. Les diverses indépendances au sein du pays donnent naissance à de nouveaux Etats et à autant d’ambassade à Paris (Serbie, Croatie, Bosnie, Slovénie, Monténégro). L’URSS acquièrent des bâtiments au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Les Républiques baltes annexées par les Soviétiques n’ont plus de résidences officielles à Paris, mais la France continuent de les entretenir clandestinement. La décolonisation des années 1950-1960 en Asie et en Afrique crée de nouveaux Etats. En 1970, Paris compte une centaine d’ambassades. Elles se concentrent autour de plusieurs pôles : dans le VIIe arrondissement, entre les rues de Lille, de Varenne, de Grenelle, à proximité du Quai d’Orsay et des Invalides ; dans le XVIIIe arrondissement près des Champs Elysée, du Faubourg Saint Honoré et du palais présidentiel ; dans le XVIe arrondissement autour du Trocadéro. Au fil du temps, leur architecture se modernise pour des raisons pratiques et esthétiques. Les ambassades perdent relativement leur fonction de logement de l’ambassadeur pour devenir des bureaux administratifs. L’architecture répond également à une volonté de se démarquer, de se singulariser par une œuvre et montrer sa puissance.


Sources
Texte : MARTIN DE CLAUSSONE. Elisabeth, Ambassades à Paris, Nicolas Chaudun, Paris, 2012, 190p.
Image : Jardin de l’Ambassade d’Italie (Pris VIIe) gala.fr

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