Histoire du temps

Le temps est une notion à la fois concrète et abstraite. Le temps nous apparaît comme un élément insaisissable et nous échappant totalement. Néanmoins, il peut se voir de manière concrète au travers de certains éléments tels les saisons, le mouvement des astres ou les changements physiques de nos corps. Le temps est également relatif. Chaque être humain possède une notion du temps qui lui est propre. Quand nous nous amusons ou que nous prenons du plaisir le temps semble s’accélérer. A l’inverse, la douleur ou l’ennui le ralentissent. Enfin le temps est aussi une construction sociale. La notion du temps varie en fonction du cadre vie, du milieu social ou de l’activité professionnelle. Le temps, tout autant qu’il possède une existence propre, est une construction humaine. Tout au long de son existence, l’Homme a cherché à le mesurer pour ses propres besoins.


L’Homme de la préhistoire a une notion cyclique du temps. Il se repère en fonction des saisons, des périodes de chasse et de reproduction. Le soleil et la lune constituent des repères temporels. Les grottes orientées vers le coucher ou le lever de l’astre diurne et les mégalithes servent à établir des calendriers, dans lesquels les solstices marquent les changements de saisons.

Les sociétés de l’antiquité ont besoin de calendriers, afin d’organiser la vie quotidienne, les tâches agricoles et les célébrations religieuses. Les Mésopotamiens et les Egyptiens ont enregistré les mouvements du soleil et de la lune. De leurs observations, ils ont découpé le temps en créant des calendriers lunisolaires. Les phases de la lune correspondent aux mois et les mouvements du soleil aux journées et aux années. Une régularisation est nécessaire pour faire correspondre les calendriers solaires et lunaires par l’ajout d’un mois. Chaque royaume et cité-états possèdent son propre calendrier.
En – 46, Jules César, en tant que grand pontife, ordonne une réforme du calendrier, donnant naissance au calendrier julien. Désormais, l’année comporte 365 jours et douze mois. Une année bissextile de 366jours s’intercale tous les quatre ans pour rattraper le retard sur l’année tropique, c'est-à-dire à la durée moyenne correspondant au retour du soleil à un équinoxe. Le calendrier se diffuse dans l’empire romain et uniformise les pratiques.

Les religions du livre imposent leurs calendriers qui ne sont plus cycliques mais linéaires. Le monde a une création et une fin. Le calendrier juif se calque sur celui des Babyloniens. Il fait coïncider les fêtes religieuses et les tâches agricoles. Le calendrier musulman, défini par le Coran, se base uniquement sur les phases de la lune et débute avec l’Hégire. Les Arabes et les Chinois étant de férus ingénieurs hydrauliques, fabriquent des clepsydre permettant de mesurer l’écoulement du temps et donnant avec précision l’heure. Les musulmans peuvent savoir à quel moment prier.
Les chrétiens reprennent le calendrier julien et l’adaptent à leur religion. Ainsi dès le Moyen-âge, l’Eglise s’empare du temps. Les moines ont besoin de mesurer le temps pour savoir à quel moment prier. Le terme horloge vient du latin « orare legere » signifiant lire la prière. Les cloches servent d’abord à rassembler les fidèles pour la prière. L’année se découpe en fêtes religieuses rythmant la vie quotidienne. L’Eglise détermine les jours chômés et les périodes de jeunes.
Au XIIIe siècle, la bourgeoisie se développe. Les marchands ont besoin d’un temps précis pour déterminer la durée du transport, les délais de production, ainsi que le coût de production. En effet, les artisans sont payés à la journée de travail. Afin de mesurer la durée du travail, ces derniers réclament la création d’horloges. Des arrêts de travail, des revendications et des procès relatifs à cette question ont souvent lieu. Les cloches deviennent un enjeu de pouvoir entre clercs et laïcs. Ces derniers installent des cloches dans des tours de guet. La ville médiévale résonne de toutes parts, mais les habitants savent reconnaître les cloches de leur paroisse. La première horloge publique est installée dans la ville italienne d’Orvieto en 1307. L’installation et l’entretien d’une horloge coûtent cher. Les gens se pressent au pied des tours pour admirer ces incroyables machines. Désormais, le temps n’est plus d’essence divine. Il devient une chose abstraite et arithmétique. Néanmoins, le temps religieux et le temps laïc finissent par cohabiter rapidement. En effet, les marchands demeurent des croyants travaillant pour gagner de l’argent et le salut de leur âme.
Les horloges bénéficient des avancées en mécanique pour s’automatiser. Elles ne possèdent ni aiguille, ni chiffre. La plupart des gens ne sachant pas lire, il est inutile d’indiquer l’heure sur le cadran. L’horloge se contente d’actionner un mécanisme faisant résonner les cloches. Au XIVe siècle, les horloges arrivent dans les demeures. Ressemblant à des tours d’engrenages et ne possédant qu’une aiguille, elles se contentent d’indiquer l’heure. Au siècle suivant, les progrès en mécanique permettent de les réduire et de les intégrer à des bijoux. L’utilisation du ressort permet l’horizontalité des mécanismes. Les premières montres voient le jour à la fin du XVe siècle.

Au XVIIe siècle, le temps s’affinent avec le calcul des minutes. En 1656, le néerlandais Huygens met au point une horloge capable de battre la seconde. Les machines et les mathématiques offrent une vision du temps plus précise que l’observation de la nature. Le temps s’écoule désormais d’une manière fluide et régulière. Dans la marine, les horloges permettent enfin de calculer la longitude. Si la latitude s’obtient en fonction de la position des astres, la longitude s’obtient avec la durée séparant deux points parallèles. Malgré toutes ces avancées, l’heure demeure locale. Chaque commune possède sa propre heure basée sur le soleil en intégrant les variations de jours en fonction des saisons.

Au XIXe siècle, la révolution dans les transports, symbolisée développement du chemin de fer, rend nécessaire la mise en place d’horaires identiques sur les trajets. L’heure est homogénéisée au sein d’un même Etat en se basant sur un méridien : Paris, Greenwich, Lisbonne, Cadix, Berlin, Washington. Rapidement, les pays anglo-saxons et les colonies britanniques prennent le méridien de Greenwich comme référence. En 1884, la conférence de Rome décide de diviser la Terre en 24 fuseaux horaires. Puis, la conférence de Washington choisit le méridien de Greenwich comme référence universelle au détriment de celui de Paris. Ce choix est le résultat d’une lutte diplomatique entre les deux plus grandes puissances de l’époque le Royaume-Uni et la France. Le Royaume-Uni, première puissance financière, a l’avantage parce qu’elle possède un empire plus grand, la meilleure marine et que les Etats-Unis, puissance montante, le soutient. En 1911, l’ensemble de la planète calcule l’heure de la même manière, mais les calendriers demeurent différents.
En 1880, les frères Curie observent que les cristaux de quartz se chargent électriquement quand ils sont soumis à des pressions mécaniques. La fréquence d’oscillation, plus rapide que par un simple mouvement mécanique, permet d’accroître l’exactitude de la mesure. Les premières montres à quartz sont fabriquées à partir de 1927. En 1958, le césium 133 augmente encore la fréquence d’oscillation. L’horloge atomique est capable de calculer des durées plus courtes que la seconde. Ces nouveaux calculs permettent de nouvelles théories en physique quantique et ont un impact dans le développement des satellites et de la géolocalisation. De nos jours, le calcul du temps est devenu une affaire de physiciens et non plus d’astronomes et de mathématiciens.


Sources :

Texte : « L’invention du temps », Les Cahiers de sciences et vie, n°134, janvier 2013, 106p.
Image : photos-galeries.com

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