L'attentat d'Anagni ou l'éveil patriotique français
L’Histoire
Nationale et le patriotisme de notre beau pays, la France, ne date pas
d’aujourd’hui. Mise à mal par la politique actuelle, celle-ci doit ses
premières heures de noblesse aux rois Français du Moyen-Age et notamment à l’immense
Philippe le Bel. Ce roi et son principal conseiller Guillaume de Nogaret, ont
su exacerber un esprit national – peut-être pas encore citoyen – devant un
péril considéré alors comme insurmontable : l’Eglise ! Attention,
l’histoire que je vais vous conter maintenant n’est en rien le récit d’un
conflit religieux mais bien celui d’une lutte de pouvoir intense entre les deux
plus grandes forces de l’époque à savoir le royaume de France et la papauté,
deux institutions qui se sont construites presque en même temps et parfois ensemble.
Cette altercation marque le premier grand conflit entre les deux pouvoirs. Qui
va gagner ?
Remontons
à la fin du XIIIe siècle.
En
cette fin de siècle, le roi de France, Philippe IV doit faire face à de
nombreux périls. Il doit d’abord gérer son conflit avec la Flandre, qu’il a
tenté d’envahir avec peu de succès, et sa rivalité avec l’Angleterre,
sempiternelle alliée de tous ceux qui sont contre la France. Dans cette guerre,
Philippe doit d’abord faire face à des défaites cinglantes (Bruges mai 1302 et bataille
des Eperons d’or le 11 juillet 1302) avant de reprendre la main deux ans plus
tard à Mons-en-Pévèle (18 aout 1804) et enfin annexer la Flandre
« pacifié ». Mais voilà que dans ce conflit, un acteur inattendu veut
avoir son mot à dire et user de son influence : le pape Boniface VIII.
Ce dernier veut user de son pouvoir spirituel pour influencer la politique
expansionniste française et trouver un compromis entre es différentes nations.
Derrière cet acte louable et empli de paix, le roi de France voit, au
contraire, une ingérence tout à fait regrettable du pouvoir romain. Dès 1297,
Boniface VIII tente d’imposer sa politique, ce à quoi le roi lui répond qu’il
est le chef :
« Votre sainteté n’a, ici, pas son mot
à dire. Le gouvernement temporel de mon royaume appartient à moi seul ! Je
ne reconnaît en cette matière aucun supérieur ; je ne me soumet pas à âme
qui vive ! »
Voilà
bien un « l’Etat c’est moi ! »
avant l’heure !
Mais
Boniface n’en démord pas et affirme dans une bulle (Unam Santorum) sa supériorité sur le roi. N’est-il pas le représentant
de Dieu sur terre ? Philippe décide alors de passer à l’offensive. Mettant
en suspend sa conquête des Flandres, il met tout son énergie contre le pouvoir
autocratique et universel du pape.
-
Mon bon
Guillaume, nous décidons de lever de nouvelles taxes sur le clergé…
-
Mon roi,
le pape vous répondra qu’il n’y a que lui qui peut décider de nouveaux impôts sur l’Eglise.
-
Mon
vouloir est plus puissant que son pouvoir.
- Il faut,
votre majesté, que le royaume soit derrière son roi. Qu’il montre son
attachement indéfectible à celui qui le gouverne. Le faire participer à votre
décision peut accroitre votre popularité et atténuer la vaste politique
calomnieuse qui sera pratiquée dans toutes les paroisses du royaume à votre encontre.
-
Et comment
faire cela ?
-
Il faut
faire juger ce pouvoir spirituel par un tribunal laïc dans lequel toutes les
catégories sociales du royaume seront représentées.
-
Comme une
assemblée ?
-
Oui, mon
roi. Une assemblée nouvellement constituée où siègeront les différents états de
la France : noblesse et bourgeois du peuple.
- Nous
ajouterons quelques membres du clergé hostiles au pape Boniface, ce qui ne
manquera pas de dérision…
Et
c’est ainsi qu’en 1302 est constituée la première réunion des Etats Généraux.
En réponse à cette provocation, le pape convoque un concile à Rome pour allier
toute la chrétienté – pour une croisade ? – contre Philippe le Bel et la
France. Le roi furieux oppose à cette décision la volonté nationale de sa
prédominance et interdit aux évêques Français de se rendre à Rome.
Nogaret,
nouvellement nommé chancelier du roi, propose alors, contre toute attente, de
faire juger le pape à un autre concile en 1303 à Lyon. Le but de ce
jugement est bien évidemment d’y faire déposer Boniface VIII et ainsi
d’affirmer que la volonté nationale et le pouvoir temporel peuvent dépasser
l’aura du spirituelle. Nogaret prend le chemin de la résidence d’été du pape
dans la petite cité d’Anagni pour lui signifier sa lettre d’accusation et son
incitation à comparaitre. Et afin d’apporter plus de poids à sa démarche, il
recrute à coup d’or et d’arguments le romain Sciarra Colonna ennemi intime du
pape !
Le 7
septembre 1303, la petite troupe franco-italienne investie la ville et fond
sortir de force le pape. Colonna est en ébullition, Nogaret tente de le calmer.
Tous deux n’ont pas le même objectif :
-
Votre
sainteté, argumente Nogaret, voici,
au nom de mon souverain et seul maître le roi Philippe IV et du royaume de
France, votre incitation à comparaitre au concile de Lyon.
-
Pourquoi
attendre un concile alors qu’il peut déposer sa tiare immédiatement, bouillonne
Colonna
-
Je n’ai
pas à me soumettre à ton invitation ni même à me prêter à votre mascarade, répond
Boniface, prend ici et maintenant ce que
tu as à prendre ou va-t’en : voici mon coup, voici ma tête.
Colonna
voit rouge. Voici que son pire ennemi le prend de haut et méprise tout ce
pourquoi il a fait le chemin. L’homme lève alors la main et, de son gantelet de
fer, assène au pape une terrible gifle. Le pape n’est plus sacré et ce coup
montre l’éphémère de son pouvoir qui est plus relatif que réel. La population
d’Anagni, le lendemain, se rebelle et chasse les Français mais le mal est fait.
C’est un Boniface VIII hagard et absent qui rentre à Rome. Il ne se présentera
pas à Lyon : il meurt un mois plus tard, à l’âge de 68 ans, après cette
fameuse nuit d’Anagni non sans avoir préalablement excommunié Philippe IV et
Nogaret, responsables selon lui de cette infamie… de cet
attentat d’Anagni !
Que
retenir de cette histoire. Primo : l’esprit national. C’est la première
fois qu’une campagne de patriotisme de si grande ampleur voit le jour dans le
royaume. Son aboutissement est la création du premier rassemblement
« citoyen » en France avec la réunion des Etats Généraux. Secundo,
l’indépendance du royaume sur le clergé. Par l’attentat d’Anagni, le roi montre
qu’il peut attaquer et même « frapper » autant les intérêts du pape
que son propre corps. Enfin tertio, la mise sous tutelle du pouvoir papal
pendant les deux siècles à venir à Avignon.
Et
Philippe le Bel et Guillaume de Nogaret ? Le nouveau souverain pontife
Benoit XI lève l’excommunication du roi mais l’incite à comparaitre… le pape
meurt avant. Clément V, pape Français, lève alors celle de Nogaret, à condition
que ce dernier face un pèlerinage à Jérusalem… Qu’il ne fera jamais! Le
temporel a pris le dessus sur le spirituel, du moins en France !
Mousen-Pévèle (18 aout 1804)
RépondreSupprimerAttention aux erreurs de frappes^^
Sinon Sur la fin tu aurais pu rajouter que la victoire est totale pour Philippe IV, Clément V qui succède a boniface XI est le 1er pape Français. Et il permettra l’excommunication des templiers.
Cette erreur est corrigée! Merci!
RépondreSupprimerTu veux probablement parler de Boniface VIII?
La victoire n'est pas totale - pour moi - car l’Église arrivera, après deux siècles, il est vrai, à sortir de la tutelle française, et après Grégoire XI (1329-1331) il n'y aura plus jamais de pape Français. Je pense qu'il existe une défiance - bien compréhensible - du religieux envers la France depuis. Une victoire totale aurait eu des conséquences plus remarquables comme l'anéantissement de la papauté ou bien une mise en tutelle plus longue voir définitive.
En fait ce n'est qu'un point de vue. Je partage en parti le tiens aussi!