Tragédie dans l'Antiquité, l'Incendie de Persépolis par Alexandre le Grand
L’événement qui
marqua durablement le Moyen-Orient du IVe siècle av. notre ère aux
toutes dernières heures de l'Antiquité, au point même de faire
trembler l'équilibre des forces de cette époque, fut la destruction
de la grande capitale des invincibles, et néanmoins battus, Perses.
Perséopolis, comme l'on nommé les Grecs, était, à l'instar de
Babylone, la plus belle et la plus riche des cités de l'Empire
perse. Construite sous l'impulsion du Grand Roi Darius Ier deux
siècles auparavant, elle s'était installée parmi les plus belles
cités de cet immense empire qui allait de l'Indus à l’Égypte.
Alexandre, reprenant pour lui l'expédition tant rêvée par Isocrate
et son père Philippe, s'était élancé vers l'Asie en 334 avec la
ferme intention de détruire et de punir les Perses pour les
envahissements successifs de la Grèce et le grand incendie d'Athènes
par Xerxès en 480. Enfonçant par trois fois les armées ennemies au
Granique, à Issos et à Gaugamèles, Alexandre se rue avec ses
phalanges au cœur de l'Empire achéménide, bien décidé à lui
infliger un châtiment, presque « corporel », à l'image
de la destruction d'Athènes.
Il arrive en 330 devant
l'antique capitale de Persépolis. Celle-ci est ouverte, abandonnée
par ses garnisons et surtout son roi en fuite Darius III. Les soldats
grecs rongent leur frein depuis des années. En effet, Alexandre
refuse systématiquement que ses hommes saccagent, pillent et
détruisent les villes permettant par là-même aux hommes et aux
femmes d'éviter les viols et l'esclavage. Les cités Égyptiennes et
surtout la luxurieuse Babylone étaient donc « indemnes ».
Que faire devant Persépolis ? La cité est impressionnante et
la ville lui ouvre ses portes ! Alexandre ordonne finalement de
la saccager et, plus tard, il fera incendier l'admirable palais de
l'Apadana, assez vaste disait-on, pour contenir cent mille personnes,
en plus des fameux et célèbres Immortels de la garde impérial. Les
somptueux plafonds de cèdre du Liban incrustés de pierre
précieuses, la multitude de coffres à trésors, les tentures de
soie et un incalculable et riche mobilier partent en fumée. Là où
se déployaient auparavant d'immenses voûtes plaquées d'or, il ne
subsiste plus que quelques colonnes éparses, dressées vers le ciel
et un escalier où l'on distingue – encore de nos jours – une
frise représentant une procession d'archers et de dignitaires allant
vers le roi.
Persépolis est réduite
au silence. Mais sa capture et son incendie retentissent déjà à
travers tout l'Orient. Partout on déplore cette destruction... sauf
en Grèce où, bien au contraire, on rend grâce aux dieux de cette
vengeance. Longtemps on se demanda les raisons qui avaient poussé
Alexandre à commettre cet acte d'un vandalisme tel qu'il nous ferait
oublier tout l'humanisme avec lequel le roi macédonien traite les
populations vaincus. A-t-il cédé à une de ces colères
irraisonnées qui s'emparent parfois de lui ? A-t-il agi sous
l'empire du vin, pour plaire à une courtisane du nom de Thaïs,
comme le prétend Plutarque ? Croire en cet auteur, qui se
révèle pourtant une autorité crédible quant à la biographie du
conquérant, est rabaisser singulièrement un geste dont la portée
est immense.
En réalité, Alexandre a
agi en pleine connaissance de cause. Par son geste, il veut mettre
fin, d'une façon définitive, à la soif de représailles que le
souvenir douloureux des guerres médiques avait laissé aux Grecs. En
incendiant la capitale des Perses, il entend effacer l'affront que
Xerxès avait infligé à Athènes un siècle et demi plus tôt. Plus
tard, à Suse, Alexandre a peut-être contemplé le magnifique code
d'Hammurabi (XVIIIe siècle av.), ramené en trophée de Babylone par
les Elamites, sur lequel on lisait ce célèbre adage que reprendrait
la Bible et qui prend tout son sens ici : « œil pour
œil ; dent pour dent ».
Devant les ruines encore
fumantes, Héphestion demande à son ami intime ce qu'il pense de sa
lourde décision :
« Justice est
faite... et puis, les ruines de l'Apadana compensent bien celle du
Parthénon ! »
Image: Apadana reconstituée
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