Le système Law : mettre fin à la crise financière

Au début du XVIIIe siècle, la France traverse une terrible crise financière. La dette de l’Etat dépasse les 3.5 milliards de livres. Les taxes, constituant les recettes, ne compensent plus les dépenses. Le duc de Noailles, surintendant des finances, est chargé d’opérer des restrictions budgétaires. Parallèlement, Philippe d’Orléans nomme une commission d’enquête et une chambre de justice, afin de mettre de l’ordre dans la gestion des comptes publics. Les mécanismes économiques traditionnels (refonte des espèces, réduction des rentes…) ne fonctionnent guère. Certains conseillers de Philippe d’Orléans, tels le duc de Saint Simon, conseillent au régent d’annoncer la banqueroute de l’Etat. Ce dernier ne souhaitant pas réunir les Etats – généraux, se tourne vers les idées de son conseiller financier John Law.

John Law est issu d’une famille d’orfèvre d’Edimbourg. Féru de jeu, il dilapide la fortune familiale. En 1696, il tue dans un duel l’officier Edouard Wilson, pour conquérir le cœur d’Elizabeth Villiers, comtesse d’Orkney. Condamné à mort, sa peine est commuée en emprisonnement. Parvenant à s’échapper, il s’enfuit à Amsterdam, puis en Italie, avant de rejoindre Jacques III, roi d’Angleterre destitué et exilé à Saint Germain en Laye. Durant ses voyages, il côtoie les marchands, les banquiers et les maisons de jeu. Il rédige un traité, intitulé Essai sur un système numéraire. Selon lui, le commerce est source de richesse. Pour faciliter les échanges, il préconise l’utilisation massive du papier-monnaie, afin de stimuler la demande. Pour obtenir des billets, l’utilisateur dépose dans une caisse, ses espèces métalliques. Il peut les récupérer à tout moment. Ainsi, il ne se sent pas lésés et l’Etat dispose de fonds dans l’immédiat en cas de besoin.

En 1716, Philippe d’Orléans autorise John Law à créer une banque générale, rue Quicampoix, pour l’émission de billets. Le succès est immédiat. Les commerçants apprécient la souplesse du papier monnaie. Les billets sont acceptés en paiement des impôts. Deux ans plus tard, la Banque générale devient Banque d’Etat. Les billets sont dorénavant garantis par l’Etat.
Parallèlement, John Law rachète la Compagnie de la Louisiane, qu’il renomme la Compagnie d’Occident. Les actions de sa compagnie peuvent être achetées en papier monnaie. Fort de son succès, il absorbe rapidement les autres compagnies de commerce. John Law associe sa compagnie et la Banque d’Etat, et reçoit la charge de surintendant des finances. L’Etat et les actionnaires financent le développement des colonies et en perçoivent les revenus. Les institutions de Law ont désormais la mainmise sur l'ensemble du commerce extérieur et du système fiscal de la France. Les actions de la compagnie permettent de rembourser les dettes de l'État.

L’action de la Compagnie des Indes s’emballe avoisinant les 20.000 livres. Les plus gros actionnaires, issus de la haute noblesse, souhaitent échanger leurs billets contre des espèces. La confiance dans l’action diminue. Tout le monde souhaite récupérer ses billets, avant que l’action s’effondre. Law interdit aux banquiers de donner plus de 100 livres en espèces par foyer. L’action ne cesse de chuter. La révolte gronde dans les rues parisiennes. Le 17 juillet 1720, trois milles personnes s’amassent rue Quicampoix, afin d’être remboursés. La banque ne possède pas les espèces nécessaires pour échanger tous les billets et fait faillite. Durant les mois de septembre et d’octobre, le Parlement de Paris remodèle complètement la Banque d’Etat et la Compagnie des Indes, puis suspend la validité des billets. Les détenteurs reçoivent des visas, afin d’être remboursés d’ici quelques années. John Law quitte la France. Il meurt à Venise en 1729.


Au-delà du fait, que certaines personnes se soient enrichies et que d’autres aient été ruinées, le système de Law répondait à un besoin des Etats européens. En effet, à l’aube de la révolution industrielle et à une époque où l’arrivée des métaux précieux s’essouffle, ces derniers ont besoin de disposer de plus de moyens de paiement et de souplesse. La monnaie devenait rare, ce qui paralysait l’économie et la prospérité dépendante de la quantité d’or en circulation. Le papier monnaie permettait d’émettre une quantité de monnaie en fonctions des besoins économiques. Le commerce colonial s’est développé grâce à cette impulsion financière.
La faillite du système Law a détruit la confiance des Français dans les institutions de crédit et l’utilisation des billets de banque jusqu’à la Révolution. La monnaie métallique se stabilisa durablement durant tout le siècle.

source image :
John Law, peinture de Casimir Balthasar, XIXe siècle.
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