Babylone : De l'Apogée à la Chute, l'Histoire d'une Ville Légendaire

La magnifique cité de Babylone ! Votre imagination prend le relais : de loin, que vous soyez un bédouin, un commerçant avec votre caravane ou un simple passant, vous ne percevez de la cité qu’une masse solide et imposante, carrée ou rectangulaire, qui surgit des palmiers entourant la ville. Son point culminant reste cette tour « de Babel », qui, au centre de la métropole, semble toucher le ciel. À l'intérieur, c'est une fourmilière. Des centaines de nationalités et de cultures se croisent dans un tumulte indescriptible, à travers de larges avenues qui se coupent à angles parfaitement droits. Les édifices à plusieurs niveaux côtoient ceux d'un seul étage. Depuis leurs terrasses, les femmes richement vêtues observent, amusées, la vie qui bouillonne sans relâche dans la cité. Les commerçants appellent et négocient dans un brouhaha assourdissant, lointains échos des modernes bazars orientaux. Plus loin, un palais est adossé à des jardins en terrasses : les Jardins suspendus ! Oui, Babylone est une oasis de verdure, un véritable jardin d’Eden, dans ce désert qui est repoussé par les puissantes fortifications qui encerclent tout ce monde. Les couleurs sont éclatantes, le ciel est splendide, les palmiers recouvrent le sol d’une ombre protectrice, tout le monde rit et s'amuse dans une Babylone que notre inconscient voudrait idéale et parfaite.

 

Voilà la Babylone que j'ai longtemps rêvée dans mon inconscient ! Cependant, Babylone n'a jamais été cette « réalité » et ce fantasme tant convoité. Elle a été idéalisée au point de devenir, au fil des siècles et même des millénaires, LE modèle architectural, politique, culturel et liturgique de toute ville aspirant à atteindre cette superbia (orgueil, superbe). La cité que nous ont laissée nos lointains ancêtres, créateurs de la civilisation, n'a cependant plus rien de majestueux : du sable et des tanks ! La conception architecturale de Babylone découle de celle du dernier grand bâtisseur de la cité, le grand Nabuchodonosor II, qui au Vie siècle av. notre ère, laissa derrière lui une ville redoutable et séduisante. Certains Juifs déportés la considéreront comme une nouvelle Jérusalem, la décrivant dans l'Ancien Testament – rédigé en partie à Babylone – comme « une coupe d'or dans les mains de Yahvé ». 

 

Les décors, tels que ceux de la porte d’Ishtar, tout en bleu lapis-lazuli, aujourd’hui reconstitués à Berlin, pénètrent profondément dans notre mémoire collective. Les auteurs bibliques, et bien sûr Hérodote qui a fait une description – exagérée – de la cité, ont inspiré et continuent d'inspirer les architectes, les historiens et les archéologues à la recherche d’une image fidèle et non caricaturale pour décrire cette ville deux fois millénaire. Car le problème réside là. Nous n’avons presque rien ! Quelques traces à peine qui ont été à jamais recouvertes par un Saddam Hussein qui, en reconstruisant une Babylone « neuve » et inachevée sur le site même de l'ancien site archéologique, était plus préoccupé à se mettre en avant qu'à prolonger le mythe babylonien. Les Américains qui ont envahi l’Irak en 2003 se sont également installés sur le site, détruisant les quelques vestiges jusqu’alors préservés et protégés par le sable, en roulant constamment avec leurs véhicules et leurs chars sur un terrain fragile.


Malgré l'image négative qu'elle véhicule, notamment en raison de la Bible, Babylone fut un modèle de gouvernement, de culture et de conception architecturale et décorative pour de grandes capitales qui devaient briller sur le monde. Les archives royales égyptiennes d'Amarna, capitale du pharaon Akhenaton, ont démontré que la langue diplomatique du Proche-Orient a été pendant des siècles le babylonien. À Suse, capitale administrative des Perses achéménides, les Grands Rois ont orné les palais de briques colorées de type babylonien (visibles au Louvre). Plus tard, Séleucie, Ctésiphon et Samarra, ont érigé leur cité sur le modèle architectural babylonien. Bagdad, capitale abbasside, a tellement brillé sur le Proche et Moyen-Orient au Moyen Âge qu’elle a été comparée – et parfois même assimilée – à la Babylone antique par les différents voyageurs. Il est vrai qu’à cette époque, la vraie Babylone n’était plus qu’une grosse colline de sable que ces « touristes » et autres aventuriers traversaient sans savoir qu’ils foulaient alors une des cités les plus remarquables et les plus fascinantes de l’histoire de l’humanité. Ce fut ensuite pendant la Renaissance, au moment de la redécouverte des savoirs antiques qui bénéficiaient de l’invention cruciale de l’imprimerie (permettant une meilleure diffusion des connaissances), que la cité fut le plus fantasmée. Rome ou encore Florence se construisaient une nouvelle identité européenne et une hégémonie culturelle dont l'art et l’architecture allaient devenir le fer de lance. Babylone fut donc, à l’instar d’Athènes et de Rome, une des cités modèles. Stigmatisée pour sa richesse légendaire, Babylone devint l'exemple à suivre... ou pas ! Luther, le réformateur, compara la Rome papale du XVIe siècle à « la prostituée de Babylone » qui apparaît dans les récits de l'Apocalypse. Et aujourd’hui encore, bien que parfois détestée pour la dépravation et la luxure qu’elle évoque, Babylone ne laisse pas indifférent. Elle restera à jamais dans les mémoires comme une des plus – sinon la plus – importantes réalisations de l'homme, malgré son destin tragique qu’elle a subi au IIe siècle après J.-C. lorsque la ville fut abandonnée définitivement par ses habitants et tomba dans l'oubli.

 

Aujourd'hui, malgré ses ruines, Babylone reste un symbole fort de la civilisation humaine. Sa grandeur et sa décadence servent de miroir à notre propre histoire et à nos ambitions. Que cela serve de leçon à ceux qui cherchent à construire des empires : tout comme Babylone, même la plus grande des villes peut finir recouverte par le sable du temps. En fin de compte, nous ne sommes que de passage sur cette terre, et notre plus grand héritage est ce que nous laissons derrière nous. Alors, faisons en sorte que ce soit quelque chose de beau, de noble, et d'inspirant. Pour qu'à notre tour, nous puissions inspirer les générations futures, comme Babylone continue de le faire, même après sa disparition.


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